Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec l'article 12, c'est la fin au monopole de distribution, confiée depuis la loi de 1946 à des entreprises publiques, qu'il s'agisse de GDF ou des distributeurs non nationalisés, reconnus par cette loi.
Pour le dire plus clairement, ce n'est rien de moins que la privatisation de la distribution qui est en jeu, puisque la modification rédactionnelle que vous introduisez avec cet article extrait la distribution du champ des activités nationalisées.
Vous ouvrez donc la porte aux opérateurs privés dans ce secteur.
De fait, ces derniers disposent d'un créneau, puisque, GDF n'a prévu d'assurer que 1 500 des 5 000 demandes de raccordement au gaz naturel qu'il a reçues des communes.
Cela étant, il n'est pas sûr que les opérateurs privés se jettent sur le marché, compte tenu des sommes en jeu. En effet, la distribution de gaz n'est pas nécessairement une activité à fort taux de retour sur investissement.
Quoi qu'il en soit, les exemples, dans d'autres secteurs stratégiques, d'un service public où la distribution a été prise en charge par des opérateurs privés laissent songeurs quant aux gains que l'on peut tirer d'un tel changement.
Ainsi, la gestion de l'eau montre que les tarifications pour les usagers varient considérablement d'un point à l'autre du territoire. En outre, les contrôles de la qualité de l'eau ne sont pas toujours optimaux.
De façon parsemée, au gré des articles 6, 9 et 12, vous bouclez la boucle de l'ouverture à la concurrence et de la privatisation de la distribution, sans vous soucier des conséquences en termes de sécurité du réseau, d'aménagement du territoire et d'emplois.
Vous vous contentez de saucissonner un peu plus les activités de l'ancien opérateur historique qui prenait la forme d'une entreprise intégrée, pour le découper en centres autonomes de gestion... et de profits.
La gestion par GDF de ses fontes cassantes donne pourtant une idée des conséquences dramatiques que peut engendrer une gestion négligée des investissements dans la sécurité. Le procès de Dijon et son cortège de victimes - cela a été rappelé par mes collègues - ont révélé à l'opinion publique que ce secteur était extrêmement sensible et qu'il ne pouvait être géré avec négligence ni faire l'objet d'économies financières.
Certes, vous direz peut-être que la propriété du capital importe peu dans la gestion du budget d'une entreprise... Cependant, lorsqu'on lance cette dernière dans une gestion capitalistique de ses fonds et qu'on transforme ses objectifs au mépris de ses missions de service public, alors, oui, les dérives sont malheureusement possibles. Nous affirmons donc, pour notre part, que la propriété publique est une condition nécessaire, même si elle est en effet insuffisante, pour la bonne gestion d'une entreprise de service public.
C'est la raison pour laquelle nous voulons développer le droit de regard et de décision des salariés et de leurs représentants dans les entreprises du domaine de l'énergie. Une maîtrise publique de ce secteur suppose l'appropriation publique des capacités de production du secteur. Car les salariés en sont les premiers acteurs, capables d'influer sur les choix de développement et d'investissement des entreprises. D'ailleurs, les tempêtes de l'hiver 1999 ont montré que la culture d'entreprise publique chez EDF et GDF avait des conséquences très positives pour les usagers.
Pour ce secteur stratégique qu'est la distribution du gaz naturel, nous défendons donc une nouvelle maîtrise publique, qui soustrait les activités de distribution à la pression résultant de la recherche constante de rentabilité financière et donne de nouveaux pouvoirs aux salariés sur leur outil de travail.