L'article 12 revient à supprimer les dispositions de l'article 8 de la loi de 1946.
Si vous n'abrogez pas formellement ce dernier, vous le privez de sa portée. On peut même dire que vous êtes en train de tuer la loi de 1946.
Il suffit, en effet, de rappeler les dispositions de l'article 8 de la loi de 1946 : « Lorsqu'une entreprise qui n'a pas pour activité principale la production, le transport ou la distribution d'électricité ou de gaz, possède néanmoins des installations affectées à cet effet, et que ces dernières soient nécessaires au fonctionnement du service public, ces installations, ainsi que les droits et obligations y afférents, peuvent être transférés à Electricité de France et Gaz de France par décret pris sur le rapport du ministre de la production industrielle et du ministre de l'économie et des finances.
« Toutefois, ce transfert ne peut porter sur les installations qui ne présentent pour le service public qu'une utilité accessoire. Mais l'électricité ou le gaz produits par ces installations peuvent, en cas de nécessité, être réquisitionnés au profit du service public, pour la partie de la production non consommée dans l'entreprise pour les besoins de son industrie.
« Sont exclus de la nationalisation :
« 1° La production et le transport du gaz naturel jusqu'au compteur d'entrée de l'usine de distribution. »
Les termes choisis dans la rédaction de l'article 12 sont précis : il s'agit de faire en sorte que toutes les installations nouvelles réalisées dans quelque entreprise que ce soit en matière de production, de transport et de distribution de gaz naturel puissent être directement exclues de l'application de la loi de 1946.
On pourra toujours arguer, dans ce cadre, que cela procède de la logique même du texte, puisque, en définitive, GDF ne sera plus qu'un opérateur comme les autres, étant placée sur la liste des entreprises privatisables.
L'article 12, qui fait système avec les articles 6 et 9 du projet de loi, ouvre la possibilité pour des opérateurs privés de prendre position sur le marché de distribution de gaz, mettant ainsi à mal le principe de péréquation entre les coûts de distribution.
Il s'agit, en fait, de permettre aux nouveaux entrants sur le marché du gaz de bénéficier de la possibilité de tenir tous les bouts de la chaîne énergétique, allant jusqu'à produire pour leur propre compte le gaz ou l'électricité qu'ils distribueront ensuite.
Cette optique comporte plus d'un risque, dont le moindre n'est pas de lier développement de la desserte gazière et critères stricts de rentabilité financière.
Les zones peu rentables échoiront à l'opérateur historique, tandis que les opérateurs privés parviendront, par leurs politiques commerciales, à séduire les autorités concédantes sur les zones les plus profitables, comme cela s'est passé dans le secteur des télécommunications.
Ce sont les usagers qui en paieront le prix.
Pour ceux qui résident dans des zones où l'opérateur historique s'est maintenu, le coût moyen de raccordement au gaz augmentera, puisque GDF aura perdu ses dessertes rentables.
D'ailleurs, soit le coût augmentera, soit la stricte application des règles propres à l'économie, au sens libéral du terme, conduira à ignorer les attentes des usagers, notamment celles des collectivités territoriales souhaitant être reliées aux réseaux collectifs.
Or les activités de distribution comptent pour 20 % dans le prix final, selon les éléments que chacun connaît...
Soucieux de l'égalité entre les usagers et du maintien de tarifs abordables, nous souhaitons donc que les dispositions de cet article 12, d'une utilité au demeurant contestable au regard des objectifs que l'on peut fixer à la politique énergétique de notre pays, soient purement et simplement supprimées.