Intervention de Olivier Cadic

Réunion du 23 février 2017 à 10h00
Bilan du « choc de simplification » pour les entreprises — Débat organisé à la demande de la délégation sénatoriale aux entreprises

Photo de Olivier CadicOlivier Cadic :

À l’étranger, la simplification est un processus méthodique. Chez nous, elle tient plutôt du mirage politique. C’est le fameux « choc de simplification », qui a eu trois visages en trois ans.

Si la démarche a le mérite de se vouloir pragmatique en cherchant à montrer des résultats immédiats et si elle est servie par des acteurs dynamiques, elle prend la simplification par le petit bout de la lorgnette.

La simplification, c’est un instrument de compétitivité qui doit s’imposer aux politiques sectorielles. Or les ministères continuent à élaborer des normes indépendamment les uns des autres, et à en rajouter par rapport aux règles européennes sans se soucier de l’impact économique global. Bref, les acteurs de la simplification s’épuisent en vidant la mer avec une cuillère.

Depuis la loi organique de 2009, une étude d’impact doit être présentée, de même que pour tout nouveau texte réglementaire pour vérifier l’opportunité d’une nouvelle législation. Le principe semble acquis, mais les ordonnances, les propositions de loi et les amendements y échappent encore.

Surtout, l’exercice reste trop formel pour être utile : ces études d’impact sont de qualité inégale et sont souvent réalisées au dernier moment. Le Parlement ne s’en est donc pas emparé. Et le contrôle exercé par le Conseil constitutionnel, le Secrétariat général du Gouvernement et le Conseil d’État n’a pas permis d’en améliorer la qualité, si bien que notre pays continue à légiférer pour un oui, pour un non, avec entrain, ce qui rend fous les entrepreneurs !

Quant à l’évaluation rétrospective des lois, elle est loin d’être systématique. Même si tout n’est évidemment pas chiffrable, il n’y a que la comparaison dans le temps et dans l’espace qui permette de mesurer l’écart produit par une réglementation publique.

Dans ce contexte, annoncer la suppression d’une norme pour toute norme nouvelle, la fin des surtranspositions de textes européens et la généralisation des tests PME sans appliquer ces mesures ne peut que créer de la désillusion.

Pour s’attaquer à la simplification, la France traite le symptôme plutôt que le mal.

Nous devons assumer notre responsabilité collective et nous interroger sur nos méthodes, sans quoi le fardeau administratif des entreprises ne pourra pas être allégé.

Nous proposons donc quatre étapes dans l’odyssée qui nous mènera à bon port.

La première consiste à penser la simplification comme un processus qualité. Quelle entreprise peut fonctionner sans service qualité ? Ce n’est pas un hasard si certaines entreprises réussissent alors que d’autres disparaissent.

Nous devons créer ce service qualité pour la règle de droit. Sous la houlette du Premier ministre, un réseau dédié au sein du Gouvernement mobilisera tous les ministères sur cette question : pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ?

Sa première mission sera de chiffrer la charge administrative supportée par les entreprises : il s’agit de savoir où nous en sommes et de pouvoir nous comparer avec nos voisins. On nous oppose que ce chiffrage coûterait 3 millions d’euros. Qu’est-ce par rapport aux gains substantiels que nous pouvons attendre de cette méthode qui a fait ses preuves chez nos voisins ?

Nous pourrons ensuite arrêter des objectifs de réduction nette de la charge bureaucratique – comme l’a fait l’Allemagne, à hauteur de 25 % en quatre ans –, des indicateurs et des règles pour y parvenir.

L’établissement d’un plan de réformes globales, au début de chaque mandat, évitera que les dispositions juridiques applicables aux entreprises soient modifiées plus d’une fois par législature. Leur impact sera étudié en amont, leurs objectifs seront chiffrés et les indicateurs à suivre définis : l’étude d’impact deviendra ainsi l’outil principal de qualité de la norme.

Une clause de révision devra aussi être insérée dans chaque loi pour évaluer son efficacité dans les cinq ans suivant son adoption. Ainsi, l’élaboration des lois obéira à un processus d’amélioration continue. La roue de Deming décrit ce cercle vertueux : préparer, exécuter, contrôler, ajuster.

La deuxième étape consiste à alléger le stock normatif. Nous avons deux siècles de lois derrière nous : pour commencer, il faut élaguer le stock de normes et l’alléger des règles devenues obsolètes avant d’en créer de nouvelles.

La collaboration déjà engagée entre entreprises et administration doit se poursuivre : il faut réévaluer la nécessité des règles et procédures qui compliquent la vie des entreprises.

L’objectif est de parvenir à des simplifications substantielles.

Ce travail doit mieux être articulé avec l’échelon européen, à la fois avec Bruxelles et avec les autres États européens. Nous devons comparer la performance de notre réglementation avec celle d’États voisins qui partagent des exigences comparables aux nôtres, en termes de santé publique, de protection du consommateur et de sécurité industrielle.

Les salariés français sont-ils en meilleure santé que leurs voisins grâce à l’existence d’une médecine du travail ? Nos raffineries pétrolières sont-elles plus sûres grâce à une législation plus stricte ? Non : les raffineries françaises concourent pour 26 % des accidents en Europe alors qu’elles ne représentent que 10 % des sites. L’efficacité des règles juridiques doit s’apprécier à l’aune de résultats concrets.

La troisième étape consiste à concevoir la régulation au service des entreprises. Pourquoi faire porter la responsabilité à un fonctionnaire de déterminer ce qui est autorisé ou pas ? Passons d’un système où tout est interdit sauf ce qui est autorisé à un système où tout est autorisé sauf ce qui est interdit. Ainsi nous libérerons non seulement les entreprises, mais aussi l’administration.

La régulation doit se faire par objectif et non par moyen. Plus libre, l’entreprise sera plus responsable.

Il convient aussi de porter à l’échelon européen nos exigences nationales. La transposition de directive doit se faire de manière stricte. Si, ensuite, nous voulons poser des exigences supplémentaires, cela doit faire l’objet d’un texte distinct, dont l’impact devra être évalué.

Enfin, notre pays doit cesser d’anticiper sur les règles européennes à venir.

La quatrième étape consiste à mieux légiférer. Le Parlement est comme une usine à produire des lois. Seul un processus qualité pour leur élaboration peut garantir leur efficacité et leur simplicité.

En amont, il faut associer les entreprises à l’élaboration des lois : acceptons de prendre ce temps-là, car il est déterminant pour améliorer non seulement la qualité, mais aussi la légitimité, et donc l’effectivité de la loi.

La réalisation d’un test PME sur les projets de textes qui leur sont applicables doit devenir obligatoire. Faciliter les expérimentations en amont est aussi un moyen de mieux calibrer les règles avant leur adoption.

Nous devons également miser sur l’étude d’impact préalable, qui doit être approfondie, et poser d’abord la question de l’utilité d’une nouvelle règle. L’étude d’impact devrait être rendue également obligatoire pour les projets d’ordonnances et les propositions de loi inscrites à l’ordre du jour.

Surtout, sa qualité doit être contrôlée par le Conseil de la simplification pour les entreprises, dont nous proposons de transformer les missions et la composition pour en assurer l’indépendance. Le Conseil rendrait un avis consultatif, mais public sur l’étude d’impact, afin de créer du débat public et de l’émulation entre ministères.

Enfin, au Parlement, la procédure d’examen des textes pourrait être améliorée. Nous suggérons un débat d’orientation préalable avant d’attaquer l’examen d’un projet de loi concernant les entreprises. Nous proposons de réfléchir à de nouveaux outils pour endiguer le gonflement des textes au cours de la navette. Nous voulons qu'un nouveau regard soit porté sur l’activité des parlementaires, un regard qui ne se réduise pas à mesurer combien de textes ou d’amendements ils déposent. Nous demandons une mise à jour de l’étude d’impact après la première lecture. Enfin, nous voulons développer une culture d’évaluation préalable au Parlement.

Le contrôle de l’efficacité des lois adoptées doit également être renforcé. Leur déclinaison réglementaire doit mieux respecter la volonté du législateur.

Voici l’essentiel de nos propositions pour simplifier efficacement et libérer nos entreprises. Il s’agit de revoir en profondeur nos façons de faire, au bénéfice de la compétitivité de nos entreprises. « La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent », aurait dit Albert Einstein.

La délégation aux entreprises vous propose tout simplement de changer de manière de faire de la politique.

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