Intervention de Patricia Morhet-Richaud

Réunion du 23 février 2017 à 10h00
Bilan du « choc de simplification » pour les entreprises — Débat organisé à la demande de la délégation sénatoriale aux entreprises

Photo de Patricia Morhet-RichaudPatricia Morhet-Richaud :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le 28 mars 2013, le Président de la République lançait le programme dit du « choc de simplification », censé rendre plus lisibles et plus rapides les normes et les procédures administratives pour les citoyens et les entreprises.

Un premier projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises et portant dispositions de simplification et de clarification du droit et des procédures administratives fut voté le 20 décembre 2014.

Le sujet n’est pas mineur pour notre pays. Un Français sur quatre estime ses relations avec l’administration complexes. Pis, selon le Global Competitiveness Report, le classement international de la France en termes de fardeau administratif s’est dégradé au fil des années pour atteindre la 121e place en 2015.

Du point de vue des entreprises, les contraintes administratives sont une réalité bien connue. Démarches longues, procédures complexes, multiplicité des interlocuteurs, renseignements inadaptés à des situations particulières, manque de réactivité des services sont des phénomènes qui pèsent particulièrement sur nos PME et nos TPE.

Pourtant une simplification de 25 % des charges ferait économiser 15 milliards d’euros aux entreprises, dégagerait des gains de productivité et, in fine, contribuerait à soutenir la croissance et à libérer l’emploi.

Les Français ne demandent qu’à entreprendre librement et à prendre des initiatives, comme l’a montré le succès du statut d’auto-entrepreneur, mais ils ne pourront le faire que dans un cadre administratif favorable susceptible de comprendre et de répondre à leurs attentes.

La loi du 20 décembre 2014 a mis en place un certain nombre de mesures allant dans le bon sens, mais largement insuffisantes. Elles sont mises en place pour la première fois par un secrétariat d’État dédié explicitement à la simplification depuis juin 2014.

Ont été ainsi votées, entre autres mesures, la réduction du nombre de commissions locales compétentes en matière d’aménagement du territoire et de services au public, la suppression ou la simplification des régimes d’autorisation préalable et de déclaration pesant sur les entreprises ; la simplification du code du commerce ; la transposition de deux directives sur les marchés publics ; la suppression d’obligation de déclaration pour la participation au développement de la formation professionnelle.

Au regard de l’immensité de la tâche de simplification à accomplir, au niveau tant local que national, cette loi paraît bien timide. Il faut d’ailleurs noter qu’en février 2016 seulement 56 % des mesures à destination des entreprises étaient effectives.

Lors du déplacement de la délégation sénatoriale aux entreprises, dont je suis membre, dans mon département des Hautes-Alpes le 30 juin 2016, avec sa présidente Élisabeth Lamure et nos trois collègues Michel Canevet, Guy-Dominique Kennel et Michel Vaspart, la rencontre avec les entreprises et les acteurs de terrain avait permis de mesurer que la complexité et, surtout, l’instabilité normative sont des griefs récurrents faits à l’État. Nous avons fait le même constat lors de chacun de nos déplacements.

Un an et demi après le vote de la loi, l’édiction permanente de nouvelles normes, notamment sur l’accessibilité, l’environnement ou les enseignes, réduit les marges et empêche la création d’emplois. Un dirigeant d’une PME locale ironisait également sur le fait qu’il aurait besoin d’un équivalent temps plein administratif uniquement pour s’adapter aux mises à jour normatives de notre législation !

Il apparaît enfin que l’inadéquation de notre réglementation à la réalité des PME reste un problème majeur. Le cadre réglementaire de l’accès aux marchés publics s’avère particulièrement difficile à appréhender. Les règles de rédaction écartent de fait nombre de PME par manque de compétences. La réglementation est bien souvent inadaptée au caractère saisonnier de l’économie locale. On pourrait évoquer aussi le manque d’interlocuteurs fiables capables d’aider des entreprises, qui ont le sentiment d’être livrées à elles-mêmes dans les abysses administratifs.

Si le « choc de simplification » a certes permis quelques avancées, elles sont systématiquement remises en cause par les législations et des contraintes supplémentaires. Dans les Hautes-Alpes comme dans les autres départements, le compte pénibilité et le futur prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu sont des sources d’inquiétudes pour nos entrepreneurs, car ces mesures sont non seulement difficiles à mettre en place, mais aussi très coûteuses.

Et ce ne sont pas seulement les entrepreneurs qui sont victimes de ce trop-plein normatif ! Ce sont d’abord les employés, dont les salaires pourraient augmenter si leurs entreprises ne subissaient pas un tel fardeau.

On assiste en réalité au mouvement suivant : un pas de simplification en avant, deux pas de complexité en arrière.

Le principal problème en France reste le volume de la législation, auquel le Gouvernement n’a jamais osé s’attaquer : 400 000 normes, 10 500 lois, 127 000 décrets… Et les parlementaires que nous sommes n’y sont pas étrangers ! Ces textes sont-ils tous nécessaires ?

Au Royaume-Uni ou en Italie, par exemple, l’édiction d’une nouvelle norme doit obligatoirement passer par la suppression d’une autre. La France devrait s’inspirer de ce système. Chaque loi votée devrait comporter un volet « simplification ». La fin de la surtransposition du droit communautaire, déjà prolifique en matière normative, relève également du bon sens.

Le numérique permet une rapidité d’exécution et une réduction des coûts impossibles auparavant. Par exemple, pourrait être mise en place une déclaration fiscale unique et dématérialisée regroupant les impôts, la TVA, la formation continue, les déclarations de cotisation sur la valeur ajoutée et de cotisation foncière des entreprises, ainsi que la déclaration sur les dividendes et intérêts.

En matière de droit du travail aussi la simplification tarde à aboutir. Permettre le référendum d’entreprise, instaurer une instance représentative unique fusionnant les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les comités d’entreprise et les délégués du personnel, faire en sorte que les accords collectifs s’imposent effectivement au contrat de travail, instaurer la présomption de licéité de l’accord collectif sont autant de mesures qui simplifieraient réellement les relations des entreprises avec les administrations et libéreraient les énergies.

L’administration, quant à elle, doit se recentrer sur les rescrits en matière de droit du travail pour une meilleure adaptation aux réalités de terrain.

Pour toutes ces raisons, il est indispensable pour l’économie française que nous allions beaucoup plus loin dans la simplification afin que le « choc de simplification » ne reste pas une formule politique ou le nom d’un ministère, mais une réalité pour les Français.

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