Je ne reviendrai pas sur le constat, bien connu.
Le cycle funeste de la complexité des règles et de leur instabilité a un effet nocif sur les décisions non seulement des entreprises, mais aussi des ménages, qui sont des acteurs économiques essentiels.
Depuis vingt ans au moins, tous les gouvernements affichent leur volonté de simplifier, selon des modalités diverses. Toutefois, il faut bien reconnaître que, lors de ce quinquennat, cet objectif a été, très tôt, érigé en priorité.
Dès novembre 2012, en effet, à l’occasion du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, une politique de simplification était décidée puis rapidement traduite en actes.
En mars 2013, le Président François Hollande a mobilisé les préfets et les directeurs d’administration centrale afin d’accélérer la mise en œuvre des réformes pour la croissance et l’emploi.
Le 17 juillet 2013, soit dans un délai remarquable compte tenu de l’habituelle lenteur d’exécution des décisions, le Gouvernement a dévoilé les 200 premières mesures de son programme de simplification.
Le Conseil de la simplification pour les entreprises, créé le 8 janvier 2014 et coprésidé par un député et une chef d’entreprise, a proposé au Gouvernement des orientations stratégiques pour les entreprises. Depuis, il dresse régulièrement un bilan de l’avancement des mesures prises et des résultats obtenus.
Un ministère est créé, ce qui représente tout de même un saut qualitatif, puis, en juin 2015, Thierry Mandon est nommé secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l’État et de la simplification.
Les mesures de simplification, que je ne reprends pas, se sont dès lors engrangées : sur le plan quantitatif, le bilan est indéniablement positif.
Reste que, de l’aveu du Conseil de la simplification pour les entreprises, dont je fais partie, 56 % seulement des mesures proposées et adoptées sont effectives. Il y a donc une marge de progression.
Je ne sais pas, monsieur Cadic, si l’on a une petite cuillère ou une grande louche, mais je puis témoigner qu’il faut une énergie titanesque pour obtenir qu’une proposition fasse l’objet d’une décision qui devienne effective. Je me souviens de ce qui s’est passé pour le forfait jours : l’appareil administratif a laissé passer le délai de neuf mois prévu pour l’ordonnance ! J’ai donc déposé un amendement au projet de loi Travail. Adopté dans les deux chambres, il prévoit la remise d’un rapport au Parlement. Il faudra donc demander des comptes au Gouvernement lors de la prochaine législature…
La loi du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit et des procédures administratives a introduit des mesures notables, notamment le guichet unique de paiement des cotisations et contributions de protection sociale et le développement du rescrit. Quant au principe « silence vaut accord », son importance a déjà été soulignée.
La loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron, comporte elle aussi de nombreuses mesures de simplification, notamment en ce qui concerne les relations interentreprises. Je pense en particulier à la mise en place de la facturation électronique et à la possibilité de prêts interentreprises. Je pense aussi à la réforme des conseils de prud’hommes, qui devait être entreprise depuis des années. Elle a accéléré les procédures et amélioré la visibilité des acteurs grâce au référentiel pour les dommages et intérêts.
Par ailleurs, la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi a regroupé les consultations annuelles du comité d’entreprise et les négociations obligatoires en entreprise.
Enfin, la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels a instauré la dématérialisation, effective depuis le 1er janvier dernier, du bulletin de paie.
Permettez-moi d’insister sur le rôle de l’expérimentation, qui me paraît fondamental en matière de simplification. Je crois en effet que nous n’expérimentons pas assez.
Nous l’avons fait au niveau législatif, le Sénat ayant adopté, à l’unanimité, la proposition de loi dite Grandguillaume dont est issue la loi du 29 février 2016 d’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée, qui institue un fonds d’expérimentation territoriale. Il s’agit, à l’échelle de microterritoires et au travers d’accords entre les collectivités territoriales, les maisons de l’emploi et, bien sûr, les entreprises, d’encourager l’embauche de chômeurs de longue durée.
D’autres initiatives législatives sont venues du Gouvernement. Ainsi, sur le fondement de la loi Macron, deux ordonnances ont été publiées qui offrent un cadre juridique clair et stable aux porteurs d’un projet de construction, afin de lever toute incertitude sur l’application d’une réglementation susceptible d’entraîner une augmentation des délais d’instruction, donc des coûts supplémentaires. Dans cette affaire, je puis vous assurer que le Conseil de la simplification pour les entreprises a joué un rôle majeur, et qu’il a fallu une énergie colossale pour obtenir que les ordonnances soient conformes à la volonté du législateur.
On est passé par l’expérimentation, quatre régions s’étant portées volontaires pour tester pendant trois ans le certificat de projet. Par ce certificat, délivré par le préfet du département dans un délai de deux mois, l’administration s’engage à identifier les règles applicables au projet d’entreprise et à respecter un délai d’instruction pour la délivrance des autorisations nécessaires.
Je pense également à l’initiative réunissant plusieurs ministères, dont le vôtre, monsieur le secrétaire d’État, pour clarifier le bulletin de paie. Certes, on est passé de la simplification à la clarification, mais vous avez eu recours à l’expérimentation, dans dix entreprises volontaires. Un bilan a été établi, et la généralisation du dispositif sera normalement achevée au 1er janvier 2018. On en parlait, nous l’avons fait !
Par ailleurs, je tiens à insister aussi sur un autre dispositif, fruit de la volonté de l’actuel secrétaire d’État chargé de la simplification, qui n’est pas ici ce matin, car il est au Viêt Nam, ce qui me semble constituer une bonne raison, madame Lamure, et l’ancien ministre de l’économie Emmanuel Macron : je veux parler du dispositif France Expérimentation.
Le cadre réglementaire défini à l’échelon national n’étant pas toujours adapté aux nouveaux projets des territoires, il faut donner de l’air à l’expérimentation locale en levant temporairement certaines barrières, pour permettre à de nouvelles idées, de nouveaux projets et de nouveaux services de voir le jour et d’être testés. Ces dérogations doivent ensuite être évaluées et, si leur bilan est positif, généralisées.
Je pense qu’il y a là un cycle vertueux qui devrait être emprunté de façon systématique : expérimentation, évaluation, législation, application, nouvelle évaluation.
Pour conclure, puisque mon temps de parole est épuisé, je veux souligner que, au-delà de la boîte à outils – une norme supprimée pour une norme créée et autres règles de ce type, qui toutes me conviennent –, il y a un problème de gouvernance de la simplification.
On peut imaginer de créer une autorité indépendante, mais nous, parlementaires, n’aimons guère cette méthode. Je vous rappelle que nous avons mené un travail approfondi sur l’« agenciarisation » de la politique de l’État. Ce n’est donc pas la voie que j’emprunterais, même si ce modèle peut être vertueux, comme le montre l’exemple de l’ACTAL aux Pays-Bas.