Intervention de Christian Eckert

Réunion du 23 février 2017 à 10h00
Bilan du « choc de simplification » pour les entreprises — Débat organisé à la demande de la délégation sénatoriale aux entreprises

Christian Eckert :

Monsieur le président, madame la présidente de la délégation, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je ferai trois remarques préliminaires.

Première remarque, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Jean-Vincent Placé, qui est en effet en route pour le Viêt Nam et qui ne peut donc être parmi nous ce matin, ce qu’il regrette profondément. Ne voyez donc dans son absence aucune frilosité de sa part.

Deuxième remarque, je voudrais rebondir sur ce que vient de dire Martial Bourquin. On peut toujours répéter qu’il y a encore beaucoup de travail à faire. Bien sûr, mais le nombre d’items cités ce matin montre bien que de nombreux progrès ont été accomplis. Valorisons ce qui a été fait sans perdre de vue, bien entendu, le chemin qu’il reste à parcourir !

Je n’aurai pas le temps de développer tous les sujets, mais je voudrais rappeler quelques-unes des mesures prises, dans mon domaine d’activité en particulier : la facturation électronique, la dématérialisation, le télépaiement, la DSN, le programme « dites-le-nous une fois », le principe « silence vaut acceptation », l’uniformisation d’un certain nombre de déclarations fiscales, avec le CESU, le chèque emploi service universel, par exemple…

Il faut le reconnaître, ces dernières années, et je le dis sans aucun esprit polémique, nous avons accompli de grandes avancées en matière de simplification.

Notre débat est centré sur les entreprises. Ma troisième remarque consistera cependant à dire que les économies faites par les entreprises grâce à la simplification s’accompagnent la plupart du temps d’économies pour nos administrations. La mise en œuvre de procédures dématérialisées est profitable pour l’entreprise, mais aussi pour l’administration ! Les économies liées à la simplification sont faites dans l’intérêt commun.

Comme l’a indiqué M. Watrin, la simplification va également bien souvent dans le sens de l’intérêt des salariés, pour parler de l’entreprise, et dans celui de nos concitoyens, pour parler plus généralement.

La mise en place des déclarations d’impôt en ligne, plus aisées et conviviales – mot qui peut faire sourire, s’agissant d’impôts, et je le prononce d’ailleurs toujours en souriant –, constitue un gain de temps pour nos administrations comme pour nos concitoyens. Qui n’a pas passé un après-midi à rechercher les justificatifs nécessaires pour remplir sa déclaration d’impôt ? Aujourd'hui, les choses sont tout de même beaucoup plus simples avec les déclarations préremplies !

Mon collègue Jean-Vincent Placé a souvent eu l’occasion d’échanger avec votre délégation aux entreprises. Votre intérêt renouvelé pour la simplification en faveur des entreprises témoigne d’un enracinement de la politique de simplification dans les mœurs administratives et politiques. C’était d’ailleurs le vœu formé par le Président de la République lors du lancement du choc de simplification, voilà maintenant près de quatre ans.

Le Gouvernement a toujours conçu la simplification comme un mouvement permanent en faveur de la compétitivité de notre pays. La simplification n’est pas un élément accessoire des politiques publiques. Bien au contraire, il s’agit d’une politique structurelle qui stimule l’activité économique, en rendant les procédures plus rapides et plus aisées, sans diminuer les protections ou les droits essentiels des entreprises, des salariés ou des particuliers.

À la différence de ce que certains souhaiteraient, simplifier n’est pas déréguler ou porter atteinte à la santé et à la sécurité de nos concitoyens, ou encore à l’environnement. Simplifier, dans un environnement international toujours plus compétitif, c’est s’attacher à démêler les nœuds complexes qui entravent souvent les entreprises, notamment les plus petites.

Le Gouvernement n’a jamais entendu conduire cette politique de simplification seul, sans concertation avec les acteurs économiques. Appuyé par le Conseil de la simplification pour les entreprises, il a fait reposer les réformes sur deux axes simples et originaux.

Le premier axe est le recours à une méthode collaborative permanente : la création du Conseil de simplification pour les entreprises en janvier 2014 a associé chefs d’entreprise, élus, experts et hauts fonctionnaires. Elle a permis d’engager un travail réaliste, pragmatique, concret, de nature à simplifier la vie des entrepreneurs.

Le second axe se caractérise par la présentation d’un plan d’action qui s’accompagne toujours d’un calendrier. Chaque mesure fait l’objet d’un suivi depuis son annonce jusqu’à sa mise en œuvre, ce qui garantit l’efficacité de notre démarche et évite de voir une bonne idée s’évanouir dans la nature, même si l’on peut toujours relever, ici ou là, telle ou telle insuffisance.

Notre méthode se caractérise également par l’attention accordée à la transparence : la mise en œuvre de l’ensemble des mesures proposées dans le cadre de la simplification fait donc systématiquement, je l’ai dit, l’objet d’un suivi.

Elle se caractérise enfin par un chiffrage solide et étayé des effets de la réforme : l’étude du cabinet d’audit EY commandée à l’automne 2016 par le Conseil de la simplification pour les entreprises estime à plus de 5 milliards d’euros le gain net réalisé par les entreprises grâce à notre programme de simplification.

Sur ces 5 milliards d’euros, 3, 5 milliards d’euros sont dus à la mise en place de la déclaration sociale nominative, mesure qui m’est particulièrement chère, et dont j’ai coutume de dire qu’elle représente une véritable révolution.

Puisque certains ont parlé du prélèvement à la source, je précise que la DSN est un facteur essentiel dans la réussite de la mise en œuvre de cette mesure. D’ailleurs, je le dis régulièrement, la DSN n’est ni de gauche ni de droite ! Elle a été mise en place bien avant l’arrivée du gouvernement actuel et sera maintenue au-delà des échéances électorales à venir, quelle que soit la majorité qui sortira des urnes. La DSN, qui remplace foultitude de déclarations manuelles, constitue un véritable progrès.

Certes, comme certains l’ont souligné, son déploiement n’est pas encore achevé. Toutefois, nous nous trouvons dans la phase 3. J’aurai l’occasion de communiquer sur le sujet dans les prochains jours.

Aujourd'hui, plus de 1, 3 million d’entreprises, évidemment les plus grandes, qui emploient une part déjà considérable des salariés, bénéficient d’ores et déjà de la DSN, laquelle, je le rappelle, relie toutes les entreprises à l’ensemble des organismes de collecte des cotisations, et bientôt de collecte d’impôts grâce au prélèvement à la source. Il s’agit donc bien d’une « révolution » !

Je le répète, cette mesure a représenté une économie de 3, 5 milliards d’euros. Je reviens sur le chiffrage : il a été réalisé par un cabinet totalement indépendant du Gouvernement, et ce à la demande non pas du Gouvernement, mais du Conseil de la simplification pour les entreprises. De plus, il a été conduit selon la méthode du Standard Cost M odel, reconnue par l’OCDE, utilisée par nos partenaires européens et d’ailleurs citée dans le rapport de votre délégation.

Vous vous interrogez également, à juste titre, sur le flux des nouvelles mesures. La propension à créer de nouvelles normes, dont certaines sont parfois nécessaires, par voie d’amendement, me semble assez largement partagée, y compris par les parlementaires.

Il serait vain de s’attaquer au stock sans œuvrer à la réduction du flux : c’est probablement le volet le plus difficile de l’action de simplification, tant la tentation est grande de réguler ou de modifier la réglementation, pour les administrations comme pour les politiques.

Comme vous le savez, j’ai plus particulièrement suivi les lois de finances, comme député, en particulier comme rapporteur général, puis comme secrétaire d'État, depuis près de cinq ans. J’ai pu mesurer combien la tentation était grande d’apporter un soutien à des secteurs donnés par le biais de la fiscalité et de nouveaux dispositifs qui conduisent, la plupart du temps, à davantage de complexité… Le Gouvernement n’est pas le dernier responsable de cette situation, mais, reconnaissons-le, les parlementaires y contribuent également largement.

Pour remédier à cette tendance générale, nous avons mis en place un « atelier impact entreprises », qui se saisit en amont des projets de loi et de décret. Cet atelier a déjà permis des avancées significatives. Je pense notamment à la réglementation en matière d’enquête publique ou de performance énergétique. Cette méthode mérite à l’évidence d’être renforcée.

Notre méthode de simplification a donné des résultats concrets : plus de 460 mesures pour les entreprises ont déjà été annoncées depuis le début du choc de simplification, outre les mesures prises à destination des particuliers et des collectivités. C’est considérable. Certaines de ces mesures sont législatives, d’autres réglementaires, d’autres enfin découlent de simples évolutions des processus de gestion. Toutes ont été élaborées en concertation totale avec les acteurs concernés. Les énumérer de façon exhaustive se révélerait particulièrement fastidieux. Je me bornerai à citer quelques exemples.

En ce qui concerne l’innovation, nous avons clarifié les règles en matière de propriété intellectuelle, à travers un guide de bonnes pratiques. J’évoquerai également la simplification du droit des marchés publics, la charte de non-rétroactivité fiscale, que nous avons signée en 2014 avec Michel Sapin et qui est respectée, la création et le développement de nouveaux rescrits, comme le rescrit de branche, le titre emploi service entreprise, la simplification des règles de qualification professionnelle, la déclaration sociale nominative ou encore la simplification de l’emploi des apprentis en matière de travaux dangereux.

Je ne résiste pas à l’envie de vous rappeler quelques exemples de ce que nous avons fait en matière fiscale et douanière pour les entreprises.

Je pense tout d’abord à l’instauration du « moment déclaratif unique », qui permet un alignement sur la déclaration d’impôt sur les sociétés, au début du mois de mai, pour la taxe sur la valeur ajoutée et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Cette réforme, qui était réclamée par les experts-comptables, est en œuvre.

Par ailleurs, il sera procédé, dès l’an prochain, à la centralisation de la déclaration et du paiement de la taxe sur les surfaces commerciales, la TASCOM, impôt dont la gestion était jusqu’à présent difficile pour les entreprises comptant beaucoup de grandes surfaces. Cela fait 400 imprimés en moins !

Je mentionnerai également la fin des déclarations spécifiques d’une dizaine de crédits d’impôt, dont le CICE, reportées vers les déclarations principales.

Pour le CICE, les entreprises remplissent désormais leur déclaration de résultat, sans autre formalité. Elles peuvent, dès le 1er janvier, télédéclarer leur impôt sur les sociétés, ce qui implique qu’elles peuvent, dès cette date, demander leur CICE, au lieu d’attendre le mois de mai. Cela leur est favorable en termes de trésorerie.

En outre, nous avons étendu le télérèglement à la matière douanière, notamment pour les impôts qu’elle recouvre, comme la taxe spéciale sur certains véhicules routiers, la TSVR, anciennement dénommée « taxe à l’essieu ».

Enfin, pour les entreprises important et exportant des biens, nous avons facilité les régimes dits de suspension de droits et de taxes, en supprimant toutes les formalités et cautions inutiles.

J’arrête là cette énumération, pour mieux me concentrer sur un chantier emblématique auquel votre assemblée ne manquera pas d’accorder une attention toute particulière : la prise en compte des petites entreprises dans la politique de simplification.

C’est un enjeu essentiel, car les PME sont le poumon économique de la France et représentent un ensemble de talents remarquables que nous devons protéger, valoriser et développer. Or les PME sont souvent aussi – vous ne me démentirez pas sur ce point – les plus exposées à la complexité.

C’est pour cette raison que nos actions en faveur des petites entreprises se sont concentrées, en priorité, selon trois axes.

En premier lieu, nous nous attachons à alléger les obligations sociales et comptables de tous ordres qui pèsent sur elles. À titre d’exemple, depuis avril 2014, les très petites entreprises n’ont plus à établir l’annexe aux comptes annuels. Cette mesure concerne un million de microentreprises, de moins de dix salariés. En outre, les petites entreprises de moins de cinquante salariés ont la possibilité d’établir des états simplifiés. On estime l’économie engendrée pour les entreprises concernées à 1, 1 million d’heures de travail. Je pourrais également évoquer la réduction des enquêtes statistiques pour les petites entreprises, à laquelle nous avons travaillé avec l’INSEE.

En deuxième lieu, au-delà de ces allégements importants de procédures, le Gouvernement a œuvré à garantir une meilleure sécurité juridique, via le développement du rescrit, par exemple. De la même manière, nous avons demandé à la Direction de la législation fiscale qu’elle publie ses circulaires fiscales à périodicité fixe, le premier mercredi de chaque mois, et ce afin d’éviter aux TPE et aux PME de se livrer à une veille juridique fastidieuse et coûteuse pour être informées des dernières évolutions de la réglementation.

En troisième lieu, outre les mesures sectorielles que nous promouvons, un axe important de notre action en faveur des petites entreprises consiste en la facilitation des formalités d’embauche. Ainsi, nous avons pris des mesures « apprentis » permettant de lever les freins à l’embauche rencontrés par les apprentis mineurs, qui ne pouvaient être facilement recrutés pour des travaux en hauteur ou sur des machines dangereuses. Je citerai également le simulateur des coûts d’embauche. Cet outil numérique innovant développé par notre administration, malheureusement méconnu, permet en quelques « clics » de connaître le coût total d’un salarié, qu’il s’agisse d’un salarié en contrat à durée indéterminée ou d’un apprenti.

Les mesures que je viens d’évoquer n’épuisent bien entendu pas le champ de la politique de simplification. En collaboration avec les acteurs économiques, nous continuons de travailler sur des dispositions en faveur des petites entreprises, particulièrement dans le domaine de l’innovation, à travers le dispositif France Expérimentation, dont les lauréats seront présentés le mois prochain.

Simplifier, sécuriser, faciliter : tels sont les trois mots d’ordre de l’action du Gouvernement s’agissant des entreprises. L’exercice est souvent difficile, mais nous demeurons convaincus de son efficacité pour développer notre tissu productif, assurer le rayonnement international de nos entreprises et renforcer l’attractivité de notre territoire.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion