Intervention de Alain Joyandet

Réunion du 23 février 2017 à 15h00
Maintien des compétences « eau » et « assainissement » dans les compétences optionnelles des communautés de communes — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Alain JoyandetAlain Joyandet :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre débat est très intéressant, et je reconnais bien là le travail du Sénat.

La loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, prévoit que les compétences relatives à l’eau et à l’assainissement seront obligatoirement transférées des communes aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération à compter du 1er janvier 2020.

Aujourd’hui, en droit positif, l’eau et l’assainissement constituent pour les communautés de communes et les communautés d’agglomération des compétences optionnelles, à la différence des communautés urbaines et des métropoles, pour lesquelles elles sont obligatoires.

En pratique, la gestion de ces services publics est assurée par les communes dans plus de 73 % des cas concernant l’eau potable, 88 % concernant l’assainissement collectif et 53 % concernant l’assainissement non collectif.

Cet état des lieux explique, pour partie, la très forte opposition des élus locaux à ces nouveaux transferts de compétences obligatoires. Ceux-ci craignent surtout, de façon fondée et justifiée, que ces transferts n’aboutissent à une augmentation des coûts de fonctionnement des services concernés et, in fine, à une augmentation du coût pour les usagers.

Je ne vois pas, monsieur le ministre, pourquoi l’eau ne pourrait pas avoir un coût différent selon les communes, quand celles-ci sont gérées différemment. Où sont, monsieur Desessard, les économies d’échelle ? Sur le terrain, on ne les constate pas.

À l’heure actuelle, dans de nombreuses communes, les services relatifs à l’eau et à l’assainissement sont financièrement gérés avec une très grande frugalité. Dans nos communes rurales, ils sont assurés de façon bénévole ou quasi bénévole par des élus municipaux, ainsi que par des agents communaux polyvalents ou à temps non complet. Or la prise en charge systématisée de l’eau et de l’assainissement par les communautés de communes et les communautés d’agglomération impliquera nécessairement la mise en place de services intercommunaux, avec le recrutement de personnels et, par là même, l’engagement de nouvelles dépenses de fonctionnement importantes.

Dans le même ordre d’idée, le contexte financier et budgétaire étant extrêmement contraint, et conjugué à toutes les obligations anciennes ou récentes qu’elles doivent déjà assumer, les intercommunalités ne sont pas toutes en mesure d’assumer de façon satisfaisante la gestion des services de l’eau et de l’assainissement. Bien au contraire, ces nouveaux transferts de compétences à marche forcée – cette expression a été prononcée précédemment ! – risqueraient de déstabiliser fortement une organisation territoriale qui est, dans l’ensemble, satisfaisante, mais également économe en fonctionnement.

Parallèlement, le principe de subsidiarité, consacré par le deuxième alinéa de l’article 72 de la Constitution française, impose aux pouvoirs publics et, en premier lieu, à l’État, de laisser le soin aux élus locaux de déterminer librement quel est le niveau territorial le plus pertinent ou le plus à même de mener au mieux une mission de service public, avec la plus grande efficience fonctionnelle ainsi que financière. C’est inscrit dans la Constitution !

Aussi, pour toutes ces raisons, il ne semble pas pertinent de devoir imposer un seul et même modèle d’organisation dans les domaines de l’eau et de l’assainissement, mais plutôt de faire confiance à l’intelligence des élus locaux, afin qu’ils s’organisent de la façon qui leur semblera la plus adaptée pour leur territoire.

C’est pourquoi il est préférable que ces compétences relèvent des communes et qu’elles redeviennent optionnelles, et surtout pas obligatoires. C’était d’ailleurs la position que le Sénat avait adoptée lors de l’examen en première et en deuxième lectures. Jean-Pierre Sueur l’a rappelé, c’est la commission mixte paritaire qui a abouti à ce compromis et à des dispositions dont certains d’entre nous ont regretté l’adoption. Je pense ainsi au seuil de 15 000 habitants pour les communautés de communes, qui provoque des drames dans certains départements ruraux, y compris le mien.

Nous avons toujours eu l’intention, à la suite des travaux de la commission mixte paritaire, de revenir devant le Sénat pour corriger ici ou là telle disposition qui entraîne un problème sur le terrain.

J’y insiste, il est tout à fait normal que le Sénat, sans renier la loi NOTRe, que nous avons votée, veuille corriger à la marge un certain nombre d’excès, ressentis comme tels sur le terrain.

Pour terminer de façon plus générale sur l’intercommunalité, il est évidemment indispensable de mutualiser les énergies – je ne reviens pas sur cette évidence ! – et d’optimiser les dépenses publiques de chaque territoire.

Néanmoins, mes chers collègues, soyons vigilants à ce que tous les bienfaits apportés par les communes à notre pays, et qui lui donnent son « âme », ne disparaissent pas avec le développement d’une intercommunalité de plus en plus grande et intégrée, génératrice d’économies et d’efficacité, lesquelles restent d’ailleurs encore à démontrer.

De la même manière, n’oublions pas que l’intercommunalité doit être exclusivement au service des communes, j’y insiste,

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