Intervention de Daniel Laurent

Réunion du 23 février 2017 à 15h00
Maintien des compétences « eau » et « assainissement » dans les compétences optionnelles des communautés de communes — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Daniel LaurentDaniel Laurent :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, bien sûr, je me félicite que le Sénat se soit saisi de la présente question en cette fin de session, avec l’examen de la proposition de loi visant à maintenir les compétences « eau » et « assainissement » dans les compétences optionnelles des communautés de communes, qui sera, je le souhaite, complétée par l’adoption de l’amendement de notre collègue Alain Joyandet tendant à élargir ce texte aux communautés d’agglomération ; j’y souscris totalement.

Malgré un calendrier progressif, les compétences « eau » et « assainissement » seront attribuées obligatoirement aux communautés de communes et d’agglomération à compter du 1er janvier 2020.

Pour répondre à ce qui vient d’être dit, je trouve qu’il est intelligent d’amender une loi quand on se rend compte qu’elle ne correspond pas ou n’est pas adaptée aux besoins des communes.

Je souhaite m’attarder sur la question prégnante de la gestion des eaux pluviales urbaines, qui n’a jamais été abordée dans les débats, sauf par vous, monsieur le ministre, dans votre propos introductif. Et pour cause, c’est une note de la Direction générale des collectivités locales du 13 juillet 2016 qui est venue préciser les contours des compétences dans les domaines de l’eau et de l’assainissement, mentionnant que la compétence assainissement incluait la gestion des eaux pluviales.

Le Conseil d’État, dans une décision du 4 décembre 2013, assimile la gestion des eaux pluviales à un service public relevant de la compétence « assainissement ». Ainsi, il n’y a pas de distinction selon le mode d’exercice de la compétence « assainissement », qu’elle s’exerce à titre optionnel ou obligatoire. Cela me conduit à confirmer que le transfert obligatoire aux EPCI du bloc « assainissement » est inapproprié : les collectivités n’y sont pas prêtes.

Cela est d’autant plus vrai que, avec le transfert de la compétence « gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations », la GEMAPI, aux EPCI au 1er janvier 2018 – sujet fort complexe ! –, il eût été pertinent de disposer d’un retour d’expérience avant d’ajouter obligatoirement l’assainissement et les eaux pluviales.

Rappelons que le transfert obligatoire des compétences « eau » et « assainissement » n’était pas prévu dans le texte initial. Il a été introduit par le Gouvernement, sans évaluation préalable des effets au niveau local ni concertation. Aucune étude d’impact n’a été réalisée pour déterminer les enjeux et les conséquences d’un tel transfert, pas plus que sur l’organisation, le fonctionnement, le prix de l’eau ou la gouvernance locale.

Nous avions été nombreux sur ces travées à nous opposer à ce transfert imposé, augurant qu’il n’apporterait aucune amélioration en termes d’organisation, mais plutôt une désorganisation des structures, une inégalité territoriale, une gestion de l’eau et de l’assainissement hétérogène à l’intérieur d’un même périmètre.

Plutôt que de faire confiance aux élus pour décider de l’organisation la mieux adaptée aux enjeux et contraintes qu’ils rencontrent dans leurs territoires, le Gouvernement a imposé une fois de plus un modèle unique.

Si, sur certains territoires, le transfert des compétences peut s’avérer pertinent, cela ne peut être une généralité territoriale.

Le transfert obligatoire des compétences « eau » et « assainissement » fait fi des réalités et paramètres locaux, des infrastructures existantes, des moyens d’exploitation des services, des volontés politiques locales, et ne peut qu’entraîner des complexifications administratives, avec un impact sur les coûts, à la charge des usagers.

Dans un contexte budgétaire contraint et avec la mise en place de nouveaux transferts de compétences, les collectivités ne pourront assumer ce transfert ou n’auront pas les capacités de le faire.

Je souhaite citer mon département en exemple. Depuis 1952, un syndicat regroupe 463 des 469 communes de Charente-Maritime, acteur majeur dans le domaine de l’eau, véritable service départemental de l’eau. Son fonctionnement a pour principe la mutualisation des ressources en eau interconnectées, des moyens techniques d’exploitation, des ouvrages de production et de distribution, et la péréquation du prix de l’eau à l’échelle départementale.

En Charente-Maritime, le partage de l’eau entre usages domestiques, agricoles, ostréicoles et touristiques est très complexe. Cette gestion mutualisée permet une solidarité intégrale des territoires ruraux, urbains et littoraux.

Dans sa rédaction actuelle, la loi NOTRe pourrait favoriser le retrait des EPCI urbains denses au détriment des zones rurales et désorganiser les conditions d’approvisionnement en eau, les services d’exploitation et les secours réciproques entre territoires. Elle entraînerait également la multiplication inutile de points de vente d’eau en gros et une perte de réactivité en cas de crise climatique.

Plus globalement, l’alimentation en eau potable doit être réfléchie à l’échelle des bassins versants hydrographiques pour les eaux de surface ou de bassins d’alimentation hydrogéologique pour les eaux souterraines. Il est rare que les périmètres naturels correspondent aux limites administratives des EPCI à fiscalité propre.

Enfin, il conviendra d’être vigilant sur le respect du principe de représentation-substitution, qui permet de préserver les grands syndicats en cas de prise de compétence par un EPCI, même de façon optionnelle.

Si nous ne revenons pas sur ce transfert « obligatoire », nous allons, au mieux, déstabiliser des organisations qui fonctionnent très bien et doivent être consolidées au regard de leur rôle indispensable en termes de solidarité territoriale.

En tant que Néo-Aquitain, je suis bien entendu plus girondin que jacobin. Je soutiens qu’il faut faire confiance aux élus de proximité et leur laisser la gestion des compétences qu’ils sont les plus à même de réaliser dans leurs territoires – nous en avons la preuve tous les jours.

Je voterai donc en faveur du maintien de l’eau et de l’assainissement dans les compétences optionnelles des communautés de communes ou d’agglomération.

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