Intervention de Nicole Borvo Cohen-Seat

Réunion du 25 octobre 2006 à 15h00
Secteur de l'énergie — Vote sur l'ensemble

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

En effet, pour l'appliquer à la situation d'aujourd'hui et au projet de loi qui nous est soumis, vous dites : pour que les actionnaires trouvent toujours plus de marge, il faut changer ce qui les contraint un tant soit peu, à savoir la maîtrise publique d'un secteur important, stratégique, de notre économie. Voilà ce que vous nous avez décliné pendant durant le débat.

Mes chers collègues, en 1946, la nation française avait fait le choix du statut d'établissement public afin de se doter d'outils industriels pour mettre en oeuvre la politique énergétique de notre pays et préserver de la faillite un secteur aussi vital pour notre économie, pour son indépendance.

Tous les messieurs de la Palice nous ont dit moult fois : Tout a changé depuis 1945. Mais, en 2004, par la voix de l'un de ses ministres jurant la main sur le coeur, l'État prenait l'engagement de ne pas descendre en dessous de 70 % sa participation dans les entreprises publiques du secteur énergétique.

Le ministre de l'économie, M. Thierry Breton, nous le rappelait hier : « les choses ont changé depuis deux ans et c'est l'honneur de la majorité »... de se dédire, ajouterai-je.

Effectivement, les choses ont changé depuis deux ans, mais pas dans le bon sens.

En 1946, mes chers collègues, les forces politiques avaient conscience que l'électricité et le gaz ne pouvaient pas être considérés comme de banales marchandises. Mais c'est toujours le cas.

Ainsi, lors du débat sur les nationalisations, Robert Buron, rapporteur de la commission des finances, ancien ministre du général de Gaulle en 1958, indiquait : « Le risque de nationalisation non effectuée sera plus grave pour l'industrie privée et, en tout cas, pour l'équipement électrique français qu'une nationalisation sainement effectuée. »

Quant aux enjeux, ont-ils vraiment changé ?

En 1946, Robert Lacoste, rapporteur de la commission des affaires économiques à l'Assemblée constituante déclarait : « De l'expérience passée se dégage l'enseignement que seul un établissement public et national pourra réaliser le programme d'équipement envisagé depuis plusieurs années, achever l'électrification des campagnes - c'était le problème à l'époque -, élargir et moderniser notre appareil de distribution. »

Si, d'une certaine façon, les enjeux ne sont plus vraiment les mêmes, chacun en a conscience, d'un autre côté, et c'est là que nous divergeons, ils demeurent : indépendance énergétique, droit d'accès pour tous à l'énergie - l'énergie d'aujourd'hui, pas celle de 1946 -, garantie de la péréquation tarifaire nationale, sécurité des installations gazières.

La maîtrise de notre secteur énergétique est toujours essentielle. Le contexte géopolitique international actuel impose, plus que jamais, de préserver des alliances stables et durables avec les pays fournisseurs de gaz. Vous ne nous avez pas démontré le contraire.

Or, nous l'avons dit à de multiples reprises, les contrats à long terme ne survivront pas à la logique de déréglementation du marché de l'énergie que vous mettez allègrement en oeuvre ! Avec votre projet de loi, c'est la sécurité d'approvisionnement de notre pays qui est mise en danger : vous exposez la population à des ruptures d'approvisionnement en gaz.

Le ministre de l'économie, M. Thierry Breton, affirmait de manière éhontée, avant de s'envoler pour la Chine : « Les missions de service public seront maintenues ; elles n'ont rien à voir avec la détention du capital. »

Qui croyez-vous tromper quand on voit ce qu'est devenu le service public lorsqu'il est assuré par des sociétés privées, notamment dans le domaine de l'eau et de l'assainissement ?

D'ailleurs, dans votre texte, tout est organisé pour anéantir le service public de l'énergie. Vous détruisez un outil efficace pour proposer des remèdes notoirement insuffisants...

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