Intervention de Yves Pozzo di Borgo

Commission des affaires européennes — Réunion du 23 février 2017 à 9h01
Institutions européennes — Conclusions du groupe de suivi sur le retrait du royaume-uni et la refondation de l'union européenne volet « refondation » : communication de m. jean bizet

Photo de Yves Pozzo di BorgoYves Pozzo di Borgo :

Nous pensions qu'il y aurait un vote en commission, et peut-être même aussi en séance publique. Notre groupe s'est réuni plusieurs fois sur la question, et nous avons des propositions à faire.

Depuis près de vingt ans, l'Union européenne est marquée par une série de crises sans précédent - crises institutionnelles, démocratiques, financières, économiques, migratoires, sécuritaires... Cet enchaînement a affaibli l'Europe, a creusé un fossé entre les citoyens et les dirigeants, et a fait perdre espoir dans le projet européen. 2017 est jalonné d'échéances électorales qui doivent être l'occasion de relancer l'Union européenne, de lui redonner corps. Dans cette perspective, la France a un rôle majeur à jouer et doit représenter un des moteurs essentiels, avec l'Allemagne, pour alimenter le projet européen qui doit permettre de défendre ensemble nos intérêts, nos valeurs et notre mode de vie.

Le rapport « Relancer l'Europe : retrouver l'esprit de Rome », présenté hier, établit un constat pertinent de la situation de l'Union et propose une série de mesures nécessaire à la refondation de l'Europe. Le groupe UDI-UC souhaite soutenir les conclusions de ce rapport, tout en apportant de nouvelles propositions.

Première orientation, un appel à « Défendre un approfondissement choisi de l'espace politique, et ne pas subir un élargissement sans cohérence ».

Nous pensons, d'abord, que le moratoire sur l'élargissement ne peut pas être une fin en soi ; il ne peut être que provisoire pour respecter et retrouver l'esprit originel de la construction européenne.

L'approfondissement des politiques européennes doit s'assumer par cercles concentriques d'intégration. Il y a un besoin de deux niveaux d'intégration différenciés, l'un favorisant uniquement les échanges, l'autre ayant pour ambition de donner aux États le poids et les moyens de ne pas subir les changements mondiaux, mais au contraire de les orienter, de retrouver une souveraineté et un espace politique de développement.

La notion de frontières et de limites de l'Union ne correspond pas à l'ambition pacificatrice du Traité de Rome.

Deuxième orientation, le souhait de « Définir une vraie politique économique et fiscale européenne ».

L'intégration budgétaire, la fiscalité et la dette permettent une solidarité financière. La nécessité de franchir un nouveau cap en matière économique et fiscale implique une meilleure harmonisation des objectifs et des politiques publiques. Pour cela, un gouvernement économique de la zone euro doté d'une réelle légitimité politique pourrait être créé. Interlocuteur quotidien de la Banque centrale européenne en matière de stratégie monétaire, il serait également compétent pour définir la politique industrielle, énergétique et commerciale de la zone.

Il s'agit là tant d'intérêts économiques que de souveraineté. Adopter des politiques industrielles communes, dans de nombreux domaines, tels que le numérique, les nanotechnologies, la transition énergétique, est le meilleur moyen de faire valoir et d'additionner les atouts de nos secteurs d'activité les plus performants en réduisant les coûts. C'est aussi le moyen d'assurer notre indépendance technologique et de développer notre capacité d'exportation. Il en est de même pour notre approvisionnement énergétique et pour la transition des productions.

Nous pourrions, également, agir concrètement pour une harmonisation des législations nationales. En matière fiscale, nous devons mettre en place, à l'image du serpent monétaire, un serpent fiscal définissant les marges au sein desquelles les principaux taux d'imposition nationaux seront susceptibles de fluctuer. L'objectif est de rapprocher en dix ans les niveaux de fiscalité dans des limites acceptables.

Troisième orientation, il faut « Renforcer la légitimité démocratique de l'Union ».

L'association et la reconnaissance des parlements nationaux, voire des citoyens, pour lancer des initiatives, interpeller les représentants et engager des débats, sont nécessaires pour diminuer les critiques contre l'Europe et pour ne plus laisser croire qu'elle ne serait qu'un outil totalement déconnecté des réalités vécues. Aujourd'hui simples gardiens du principe de subsidiarité, les parlements nationaux pourraient, demain, déléguer à une convention restreinte, formée en permanence mais réunie seulement en cas de besoin, le pouvoir de statuer souverainement à la majorité qualifiée sur des mesures économiques et financières, par exemple, lorsqu'elles impliquent une modification de certaines dispositions du TFUE.

La Commission européenne devrait devenir un véritable gouvernement européen, responsable devant le Parlement européen.

La légitimité démocratique implique que les citoyens puissent identifier clairement et, le cas échéant, renverser ceux qui détiennent les responsabilités. Le problème, aujourd'hui, c'est que ce sont les ambassadeurs et les directeurs des services de la Commission européenne qui détiennent le véritable pouvoir ; ils sont remarquables, nous l'avons encore constaté hier en audition, mais on ne dit pas assez qu'ils dirigent l'Europe au lieu des élus.

Quatrième orientation, il faut « Assumer une véritable politique de défense et de sécurité, conjuguée à une réforme de l'accueil des réfugiés ».

Les budgets et les choix stratégiques de défense restent une politique nationale et souveraine, mais des stratégies de mutualisation peuvent être partagées.

Il semble ainsi primordial d'inciter les États membres à atteindre l'objectif commun de dépense en matière de défense à hauteur de 2 % du PIB, tout en permettant à chacun d'exclure une partie des dépenses en matière de défense des critères de Maastricht. L'Allemagne annonce 10 milliards d'euros sur cinq ans, c'est encore loin de rattraper nos efforts et il est normal qu'une partie des dépenses de défense commune, soit décomptées des 3 %.

Concernant l'accueil des réfugiés, la crise migratoire a démontré une incapacité des membres à se mettre d'accord. Il serait souhaitable d'améliorer l'accueil des réfugiés dans l'ensemble des pays de l'Union et revoir les critères de répartition entre les différents pays. À Paris, nous avons mis sur pied une structure d'accueil, mais elle est temporaire. Il faut aller beaucoup plus loin.

Enfin, nous souhaitons favoriser un véritable accompagnement des réfugiés dans les États, en développant une politique ambitieuse en matière de logement, d'éducation et de santé qui permettrait de retrouver l'esprit humaniste qui prévaut en Europe.

Cinquième orientation du rapport, il faut « Négocier la sortie du Royaume-Uni ».

Le Brexit aura des conséquences pour l'ensemble des européens. Le processus de sortie concerne donc directement l'ensemble des États membres et une vigilance exceptionnelle doit y être apportée.

Le prochain Président de la République devra s'engager à suivre et à être force de proposition dans ce mécanisme sans précédent au sein de l'Union. Il revient au Conseil européen de déterminer et de négocier les conditions de sortie du Royaume-Uni. Le Brexit doit se concrétiser dans un calendrier bien défini, et surtout, montrer que le fait d'être en dehors de l'Union européenne, n'implique pas les mêmes relations que le fait d'être un État membre à part entière. Cette négociation sera difficile, mais doit être exemplaire.

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