Commission des affaires européennes

Réunion du 23 février 2017 à 9h01

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Notre ordre du jour appelle l'examen de l'avis politique sur la réglementation prudentielle en matière bancaire préparé par Fabienne Keller et Richard Yung. Depuis la crise financière, l'Union travaille à un meilleur encadrement des activités bancaires - Richard Yung nous en a rendu compte à plusieurs reprises. C'est indispensable, et l'on peut s'inquiéter de certaines déclarations faites outre-Atlantique, qui iraient dans le sens d'une dérégulation. Nous essaierons de nous habituer à cette communication par tweets... Pour autant, nous devons être attentifs à l'articulation entre la réglementation européenne et les réglementations nationales. La commission des finances a auditionné hier M. William Coen, secrétaire général du Comité de Bâle, et M. Edouard Fernandez-Bollo, secrétaire général de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Je me demande si les débats sur les différences entre les modalités de financement - et les états d'esprit - des deux côtés de l'Atlantique ne cachent pas une volonté réelle de créer des distorsions de concurrence entre les deux rives.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Le premier paquet, dont nous vous avions rendu compte il y a deux, trois ans, concernait les banques, leurs bilans et les mécanismes de résolution. Il a été adopté, et s'applique désormais à tout le système bancaire européen, sous la houlette de Mme Nouy, qui préside le conseil de supervision au sein de la Banque centrale européenne (BCE) et contrôle de ce fait les quelque 6 000 banques de la zone euro, et notamment celles dites d'importance systémique - appellation trompeuse, car le risque peut fort bien venir d'un établissement de taille plus modeste.

Ce paquet traite d'une part de la supervision et des règles prudentielles applicables aux établissements de crédit et, de l'autre, du redressement et de la résolution bancaires, c'est-à-dire des cas où une banque ne peut plus faire face à ses obligations.

La révision du cadre réglementaire prudentiel consiste à traduire dans la législation européenne les dernières normes adoptées par le comité de Bâle, qu'on regroupe sous l'appellation de « Bâle 3 ». Ce comité réunit des représentants des pays du G20 et de quelques autres : les gouverneurs de leurs banques centrales se réunissent pour adopter des recommandations qui ont vocation ensuite à être intégrées aux législations nationales. C'est un lieu de conflit important, notamment entre l'approche américaine et celle des Européens, quoi qu'en dise M. Coen, qui nous a expliqué hier que c'était là une vision simpliste des choses.

On demande donc aux banques une meilleure gestion de leurs besoins de liquidité, qui devront être garantis à un an en plus de l'exigence à un mois. On redéfinit aussi la charge en capital, c'est-à-dire les fonds propres, à mettre en regard des activités de marchés. D'autres ajustements sont proposés directement par la Commission, sous forme de directives et de règlements. C'est le cas de l'obligation faite aux filiales européennes de banques de pays tiers de se regrouper sous une holding intermédiaire implantée dans l'Union. Pour le coup, nous rendons aux Américains la monnaie de leur pièce, puisque ceux-ci obligent déjà les filiales des banques françaises qui opèrent chez eux à se regrouper en holding.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Ainsi, ces filiales seront contrôlées plus facilement. La Commission prévoit aussi une meilleure intégration des groupes bancaires transfrontaliers en demandant l'exonération, par le superviseur national, de contraintes de liquidités pour les filiales situées dans différents États membres. Elle propose une clarification des conditions de suspension de versement de dividendes, coupons et bonus. Là encore, ce n'est que du bon sens ! Il s'agit de restreindre la distribution de dividendes et autres bonus lorsque la banque n'est pas en bonne santé. Mais même pour une telle mesure, il faut une réglementation européenne...

Nous formulons sur ce paquet deux critiques. D'abord, il y a peu ou pas d'études d'impact. Il est vrai que le comité de Bâle ne s'en préoccupe guère. Puis, des exceptions sont prévues, comme toujours... En général, elles sont demandées par l'Angleterre, mais pour une fois c'est plutôt l'Allemagne qui en est à l'origine. Il s'agit des mesures de proportionnalité, qui autorisent la réduction du champ d'application du cadre législatif prudentiel ainsi que des exemptions, formalisées au cas par cas par des actes délégués de la Commission, au profit de certains établissements coopératifs et mutualistes. Ces dérogations profiteront notamment aux banques d'investissement des Länder, qui ressemblent un peu à nos sociétés de développement régional (SDR) et sont en tous cas très liées aux collectivités locales allemandes.

Quant à la Fondamental Review of Trading Books (FRTB), c'est une recommandation du Comité de Bâle qui touche aux aspects centraux des contraintes en fonds propres. Le comité de Bâle estime le besoin d'augmentation des fonds propres liés aux activités de marché à 40 %.

En effet, chaque superviseur peut ajouter son propre ratio aux autres. Par exemple, le fonds de résolution, dirigé par Mme König demande des coussins supplémentaires qui portent le total au-delà de 18 %. Les banques gémissent ! Nous savons qu'elles peuvent vivre avec 18 %, et sans doute même avec 20 %, ou 22 %. Mais si l'on passe à 24 % ou à 26 %, nous arriverons dans des zones difficiles... Or, la vitalité de notre système bancaire doit nous importer. Le nôtre est le plus puissant d'Europe, et nos grandes banques ont remarquablement traversé la crise. Tout ce débat, à Bâle, est en fait une tentative par les Américains d'imposer leurs règles pour que le système bancaire européen, et notamment français, soit gêné, et donc moins compétitif.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Il y a autour du Président Trump quatre ou cinq conseillers issus de Goldman Sachs, et qui savent très bien ce qu'ils font.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Le second volet du paquet réglementaire comporte une révision de la directive sur le redressement et la résolution des banques dite BRRD (Bank Recovery and Resolution Directive) ainsi que du règlement instaurant le Mécanisme de Résolution Unique (MRU) dans le cadre de l'Union bancaire.

Depuis le 1er janvier 2016, la directive BRRD a rendu applicable le renflouement interne au sein de l'Union européenne. Désormais, les pertes d'une banque en difficultéì seront supportées prioritairement par les actionnaires et certaines catégories de créanciers plutôt que par l'État. Du coup, les banques doivent émettre des montants suffisants de dettes éligibles au renflouement (Minimum Requirement of Eligible Liabilities - MREL) et la définition des dettes éligibles ainsi que l'ordre d'éligibilité doivent être harmonisés au sein de l'Union européenne. En parallèle, le Conseil de stabilité financière a élaboré un mécanisme d'absorption des pertes dit TLAC (Total Loss-Absorbing Capacity) spécifique aux banques d'importance systémique mondiale (Global Systematically Important Banks-GSIB's) qui sont huit dans l'Union bancaire, dont quatre en France : BNP Paribas, Société Générale, Crédit Agricole et BPCE. Constitué de titres de dettes pouvant être effacées ou converties en capital, le TLAC, comme le MREL, a vocation à protéger les contribuables du coût engendré par le redressement des banques en cas de difficultés. Il était dès lors opportun de faire converger les deux dispositifs et d'intégrer le TLAC dans le cadre réglementaire européen.

Trois textes distincts sont présentés par la Commission.

Une révision de la directive BRRD est proposée, qui concerne le rang des instruments de dettes non garanties et établit un régime harmonisé de hiérarchie des dettes éligibles en cas d'insolvabilité. La Commission a retenu la récente réforme française de hiérarchie des créanciers en proposant de créer une nouvelle classe de dette senior. Deux options étaient possibles : subordonner rétroactivement le stock existant de titres de créance, ou créer une nouvelle catégorie de titres de créance contractuellement subordonnés. La France a retenu la deuxième solution et l'Allemagne la première. L'articulation avec la réforme allemande adoptée sur ce sujet peut rester problématique car cette hétérogénéité risque de fragmenter le marché européen de la dette bancaire et de fausser, au moins sur une période limitée, la concurrence entre les établissements bancaires. Cette proposition devrait probablement faire l'objet d'un accord anticipé par rapport à la négociation qui s'annonce longue sur les autres propositions du paquet.

Deux autres textes, une directive et un règlement, modifient respectivement la directive BRRD et le règlement MRU. Ils transposent l'exigence TLAC appliquée aux banques mondialement systémiques et l'articulent avec l'exigence MREL applicable à toutes les autres banques. Au titre du TLAC, les banques systémiques européennes devront disposer en 2022 d'un encours de fonds propres et de dettes éligibles égal au minimum à 18 % de leurs actifs pondérés, auquel il conviendra d'ajouter 4,5 % de coussins réglementaires, soit un total de 22,5 %. Au titre de l'exigence MREL, désormais aussi exprimée en pourcentage des actifs pondérés, toutes les banques européennes, y compris les banques systémiques, devront disposer d'un encours de 18,5 % auquel il faudra ajouter 4,5 % de coussins réglementaires, soit un total de 23 %. Les autorités de supervision européennes peuvent imposer des exigences complémentaires au cas par cas et ne donnant lieu à aucune sanction automatique en cas de non-respect. Au sein de l'Union bancaire, le conseil de résolution unique est en charge de fixer les futurs objectifs de MREL spécifiques à chaque établissement. Le texte de la Commission prévoit toutefois, afin de réduire le risque d'une prise de décision arbitraire, l'obligation d'une concertation entre la banque et le conseil de résolution unique sur tout supplément de MREL, la charge de la preuve reposant sur l'autorité de résolution. La vigilance reste toutefois de mise sur un risque de surinterprétation des exigences de MREL en ce qui concerne les banques systémiques européennes car cela rendrait la concurrence inéquitable entre les GSIB's européens et leurs homologues non-européens.

Cette importante révision réglementaire poursuit des objectifs liés à la transposition des recommandations prudentielles internationales, mais aussi à la prise en compte de mesures spécifiques de nature très diverse qui conditionnent les activités bancaires, le fonctionnement des marchés financiers, et donc globalement le financement de l'économie européenne. Ces propositions interviennent dans un contexte particulier. Les banques européennes de financement et d'investissement se trouvent en situation compétitive défavorable vis à vis de leurs concurrentes, notamment américaines, qui détiennent désormais 50 % du marché européen. Le transfert de capacité financière des banques d'investissement européennes vers les banques non-européennes s'est considérablement accru ces dernières années. La situation globale du secteur financier européen, qu'il s'agisse du financement bancaire ou des marchés de capitaux, est de plus fragilisée par les incertitudes pesant sur le contexte réglementaire américain et les négociations avec le Royaume-Uni.

Il paraît dès lors plus que jamais nécessaire de conforter les conditions d'une concurrence équitable avec les pays tiers et de renforcer la cohérence et la compétitivité du marché financier intérieur européen. Il convient pour cela d'éviter les distorsions de concurrence non seulement entre l'Union européenne et les pays tiers, mais aussi au sein de l'Union. Cette révision devrait aussi être l'occasion de conforter la crédibilité de l'Union bancaire en la considérant comme une juridiction unique au regard de certaines contraintes prudentielles : liquidité, MREL... Le Conseil européen des 18 et 19 juin 2009 avait souligné la nécessité d'élaborer un règlement uniforme applicable à tous les établissements de crédit et à toutes les entreprises d'investissement exerçant des activités sur le marché intérieur. L'ambition initiale ne doit pas être oubliée. C'est dans cet esprit qu'il vous est proposé d'examiner notre proposition d'avis politique. En somme, nous devons organiser l'union bancaire, mais sans créer des exigences si fortes qu'elles pénalisent nos établissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Merci pour ce rapport sur un sujet complexe. Lorsque vous dites que « les banques européennes de financement et d'investissement se trouvent en situation compétitive défavorable vis à vis de leurs concurrentes, notamment américaines, qui détiennent désormais 50 % du marché européen », cela ne peut que nous interpeller. On connaît les modalités de financement de l'industrie américaine... D'où l'importance du point 12.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

La formulation des points 13 à 16 est trop douce. J'aurais interverti les points 14 et 15, en remplaçant les mots « Relève que » par « Or ». Et, au point 16, je substituerais le mot « Demande » au mot « Souhaite ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Pourquoi ne pas écrire alors « Relève cependant » ?

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Pour des raisons formelles, il faut commencer la phrase par un verbe.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Merci de votre rapport, sur un sujet très sensible pour notre économie. Le modèle financier européen diffère de celui qui prévaut outre-Atlantique. Chez nous, 70 % de l'épargne des ménages et des institutions est liquide ou placée en obligations d'État. En période d'incertitude, de ralentissement, la prise de risque ne s'accroît pas, au contraire : les épargnants délaissent les actifs à risque.

Attention à l'aspect pro-cyclique du dispositif renforcé : en cas de freinage de l'activité, les coûts des banques vont s'accroître, ce qui mènera à une contraction de l'offre de crédit bancaire. Validé au niveau international, ce dispositif pénalisera davantage notre économie que celle des États-Unis car notre modèle de financement est plus exposé aux incertitudes. Nous devons insister. Si nous voulons affaiblir notre économie, il n'y a qu'à continuer. Nous savons bien que les entreprises américaines empruntent en majorité sur les marchés financiers. On nous répondra que nous n'avons qu'à changer notre modèle...

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Je me rallie à cet avis politique, et souhaite même qu'il insiste davantage sur ce danger.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Le grand problème est que le modèle de financement de l'économie est différent. Chez nous, 70 % du financement des entreprises est effectué par les banques. Et nous n'avançons pas sur ce point. L'union des marchés de capitaux est au point mort. Les États-Unis ont beau jeu, dès lors, de considérer que nous devons accueillir favorablement un renforcement de la régulation bancaire, et de nous recommander de développer le financement par le recours aux marchés de capitaux. De surcroît, nos banques de financement et d'investissement sont faibles, leurs homologues américaines ont déjà capté 50 % des parts de marché. Nous avons trop laissé se dégrader ce qui est pourtant le bras séculier de notre finance.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Merci à M. Raoul pour sa lecture attentive. Le dilemme est complexe. Nous voulons être le moteur d'une réglementation protégeant notre système bancaire et l'isolant du contribuable, mais ne souhaitons pas appliquer à nos propres établissements, européens et français, des règles plus sévères que celles dont relèvent leurs concurrents. Les banques de financement et d'investissement sont, pour l'essentiel, installées au Royaume-Uni. Une harmonisation s'impose donc, pour éviter toute distorsion de concurrence entre les États membres. Ce rapport peut sembler difficile d'accès, il n'en touche pas moins des aspects essentiels de notre économie.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Les marchés de capitaux européens sont complètement balkanisés, parce que chaque pays protège vigoureusement son épargne nationale. Cela empêche d'investir les liquidités abondantes qui s'accumulent en Allemagne ou en France dans les pays qui en auraient besoin, comme l'Italie. Verboten !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Cela vient-il des États, et des établissements bancaires, ou de l'environnement juridique européen, notamment sur la concurrence, qui empêche la constitution de grands ensembles ?

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Ce n'est pas le droit européen, non. J'ajoute que la faiblesse des taux n'encourage pas nos banques à investir. Pourquoi iraient-elles, par exemple, racheter un réseau bancaire italien ? Et la faible circulation de l'épargne est imputable aux banques centrales. En Allemagne, il s'agit de conserver à l'intérieur des frontières les liquidités censées garantir les retraites. Pas question de les investir dans des pays du Sud, d'où elles pourraient ne jamais revenir !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Merci encore. La balkanisation des marchés de capitaux est un aspect de l'insuffisance du développement du marché unique. Hier, l'audition de Pierre Sellal à l'Assemblée nationale nous a appris que les échanges entre États sont quatre fois plus importants aux États-Unis qu'entre les 27 membres de l'Union européenne. La mondialisation rend la question des divergences entre modèles de financement de plus en plus importante. Nous ne changerons pas le nôtre en un claquement de doigt. Et nous n'avons pas évoqué le shadow-banking, majoritairement anglo-saxon. Je vous propose de publier un communiqué, et de mettre l'accent sur ce thème dans nos travaux sur le Brexit : la place de Paris est chef de file dans le processus de renforcement des règles prudentielles.

À l'issue du débat, la commission des affaires européennes a adopté, à l'unanimité, l'avis politique suivant qui sera transmis à la Commission européenne.

(1) Vu la proposition de règlement COM (2016) 850 modifiant le règlement (UE) n° 575/2013 en ce qui concerne le ratio de levier, le ratio de financement stable net, les exigences en matière de fonds propres et d'engagements éligibles, le risque de contrepartie, le risque de marché, les expositions sur contreparties centrales, les expositions sur les organismes de placement collectif, les grands risques et les exigences de déclaration et de de publication, et modifiant le règlement (UE) n° 648/2012,

(2) Vu la proposition de règlement COM (2016) 851 modifiant le règlement (UE) n° 806/2014,

(3) Vu la proposition de directive COM (2016) 852 modifiant la directive (UE) n° 2014/59 en ce qui concerne la capacité d'absorption des pertes et de recapitalisation des établissements de crédit et des entreprises d'investissement,

(4) Vu la proposition de directive COM (2016) 853 modifiant la directive (UE) n° 2014/59 en ce qui concerne le rang des instruments de dettes non garanties dans la hiérarchie en cas d'insolvabilité,

(5) Vu la proposition de directive COM (2016) 854 modifiant la directive (UE) n° 2013/36 en ce qui concerne les entreprises exemptées, les compagnies financières holding, les compagnies financières holding mixtes, la rémunération, les mesures et pouvoir de surveillance et les mesures de conservation des fonds propres,

(6) La commission des affaires européennes du Sénat :

(7) Confirme qu'elle est favorable, dans son principe, à l'intégration des recommandations prudentielles internationales au sein du corpus réglementaire européen, afin de participer au renforcement de la stabilité financière ;

(8) Souhaite toutefois qu'il soit tout particulièrement tenu compte des considérations liées à la compétitivité du secteur financier européen dans un contexte d'incertitudes pesant sur l'environnement réglementaire international ;

(9) Constate que seule l'Union européenne s'engage à ce jour dans la transposition de certaines des recommandations du Comité de Bâle en ce qui concerne notamment la revue fondamentale du risque de marché ;

(10) S'inquiète des conséquences d'une adoption prématurée de ces dispositifs alors que certains éléments significatifs font encore l'objet de discussions et que leurs impacts réels semblent difficilement mesurables tant en ce qui concerne les exigences de liquidité que l'augmentation des fonds propres ;

(11) Invite la Commission européenne à s'assurer explicitement que l'articulation entre la capacité d'absorption des pertes et les dettes éligibles au renflouement (TLAC et MREL) ne conduise pas à l'imposition d'exigences excessives et contreproductives pour les grandes banques européennes ;

(12) Est d'avis qu'une réflexion doit être engagée sur la prise en compte de certaines contraintes prudentielles de façon consolidée plutôt qu'un niveau de chaque entité en ce qui concerne les activés transfrontières et qu'une telle approche est indispensable au sein de l'Union bancaire afin de la reconnaitre dans les faits en tant que juridiction unique ;

(13) Rappelle que l'ambition initiale qui a présidé à l'élaboration de la réglementation financière européenne en réponse à la crise financière repose sur un règlement uniforme applicable à tous les établissements de crédits et à toutes les entreprises d'investissement exerçant des activités sur le marché intérieur ;

(14) Considère donc que la prise en compte des spécificités des modèles de financement et des mesures de proportionnalité ne doit pas conduire à remettre en cause la réalité du cadre réglementaire uniforme seule à même d'assurer des règles de fonctionnement équitables et l'intégration des marchés financiers au sein de l'Union européenne ;

(15) Relève cependant que la Commission européenne introduit des possibilités de dérogations aux contraintes prudentielles ainsi que des réductions du périmètre d'application du cadre réglementaire notamment en ce qui concerne les entreprises d'investissement ;

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Le groupe de suivi sur le retrait du Royaume-Uni et la refondation de l'Union européenne a adopté hier un rapport sur la refondation de l'Union européenne, qui sera diffusé dans les prochains jours.

L'objectif n'était pas de refaire une analyse détaillée des succès et des échecs de la construction européenne. De précédents travaux l'avaient excellemment fait - en particulier le rapport de notre ancien collègue Pierre Bernard-Reymond. Il s'agissait plus précisément d'élaborer une feuille de route à l'adresse des dirigeants européens, en vue du sommet du 25 mars à Rome.

Pour mettre en lumière nos travaux dans la perspective des réunions de Rome, nous avons souhaité - avec Jean-Pierre Raffarin - organiser le 15 mars une conférence-débat avec les ambassadeurs des 26 autres États membres en poste à Paris. Chacun d'entre vous y sera naturellement convié. Nous y inviterons également des représentants des think-tanks : Fondation Schuman, Fondation Adenauer, Institut Lecanuet, Institut Montaigne, Notre Europe... Nous souhaitons aussi la présence de jeunes, et comptons sur Mmes Mélot et Schillinger pour dire un mot du programme Erasmus. L'ambassadeur d'Allemagne vient me voir en Normandie pour s'informer de notre agriculture à la veille de la renégociation de la PAC. Il a spécifiquement demandé à rencontrer des jeunes en formation agricole.

Nous faisons d'abord plusieurs constats : l'Europe est confrontée à de graves crises internes. Elle est en panne de vision et de leadership. Elle est en outre menacée de dislocation et de fragmentation - certains, outre-Atlantique, y veillent. L'Europe a malheureusement perdu la confiance des citoyens.

Le Brexit est un choc. Il est aussi une opportunité pour donner un nouveau souffle au projet européen. C'est à travers l'Union européenne, et elle seule, que les États européens pourront continuer à exister face aux grandes puissances économiques. C'est aussi en regroupant ses forces que l'Europe pourra préserver son modèle de société et défendre ses valeurs. En particulier, nous devons promouvoir notre Charte des droits fondamentaux face à un M. Poutine, ou à un M. Trump, qui ont leurs propres valeurs, différentes des nôtres.

Forts de ces constats, nous avons retenu trois axes pour le rapport.

Premier axe, l'Europe puissance. L'Europe doit se concevoir et agir en tant que puissance. Cela implique de renforcer la défense de l'Europe, d'exploiter pleinement la plus-value européenne dans la lutte contre le terrorisme et pour la sécurité intérieure, de consolider la réponse européenne à la crise migratoire et de mieux défendre les intérêts européens dans les négociations commerciales internationales. Il est par ailleurs indispensable de stabiliser les contours de l'Union en assumant une pause dans l'élargissement.

Deuxième axe, l'Europe compétitive et créatrice d'emplois. L'union fait la force sur le plan économique, l'Europe doit retrouver sa plus-value et inventer des projets nouveaux pour la croissance et l'emploi. Cela passe notamment par un marché unique du numérique et l'union de l'énergie - deux sujets que notre commission considère depuis longtemps comme prioritaires - ainsi que par la levée des obstacles à l'investissement. Il faut aller vers la convergence fiscale. La politique de la concurrence doit par ailleurs être mise au service de la reconquête industrielle, de l'investissement et de l'emploi. Bref, il faut inventer les Airbus de demain ! L'Europe doit parallèlement parachever la gouvernance économique. Nous insistons aussi dans le rapport sur le besoin de renforcer la cohésion européenne. Pour cela, il faut progresser vers la convergence sociale, comme le rappelait hier M. Bocquet, et comme le dossier des travailleurs détachés en souligne l'impérieuse nécessité, moderniser la politique de cohésion. D'ailleurs, au fil du temps, l'Union européenne a révisé sa copie, notamment sur l'idée de pays d'origine, face aux abus qui en étaient faits.

Troisième axe, une Europe lisible et proche. Le projet européen doit être réenchanté à partir de quelques priorités : sécurité, emploi, compétitivité. Cette Europe recentrée doit respecter pleinement la subsidiarité. L'Europe doit réformer son mode de fonctionnement et faire toute sa place au contrôle démocratique, notamment par l'affirmation du rôle des parlements nationaux.

Pour concrétiser ce sursaut européen, le rapport préconise enfin une méthode. Cette nouvelle ambition doit d'abord être portée en priorité par le moteur franco-allemand, qui a malheureusement perdu sa force d'entraînement. Nous demandons une feuille de route franco-allemande tournée vers les enjeux du nouveau siècle tels que la numérisation. Le pragmatisme conduit aussi à encourager le recours aux coopérations renforcées entre les États membres volontaires pour avancer.

L'Union européenne doit enfin redevenir le projet partagé des citoyens européens. Le rapport fait des propositions portant sur des symboles d'appartenance. Nous devons aussi mobiliser les jeunes autour du projet européen. Erasmus est une formidable réussite. Il faut aller plus loin. Nous voulons un Erasmus pour les apprentis. Nous allons en reparler dans un instant.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Nous pensions qu'il y aurait un vote en commission, et peut-être même aussi en séance publique. Notre groupe s'est réuni plusieurs fois sur la question, et nous avons des propositions à faire.

Depuis près de vingt ans, l'Union européenne est marquée par une série de crises sans précédent - crises institutionnelles, démocratiques, financières, économiques, migratoires, sécuritaires... Cet enchaînement a affaibli l'Europe, a creusé un fossé entre les citoyens et les dirigeants, et a fait perdre espoir dans le projet européen. 2017 est jalonné d'échéances électorales qui doivent être l'occasion de relancer l'Union européenne, de lui redonner corps. Dans cette perspective, la France a un rôle majeur à jouer et doit représenter un des moteurs essentiels, avec l'Allemagne, pour alimenter le projet européen qui doit permettre de défendre ensemble nos intérêts, nos valeurs et notre mode de vie.

Le rapport « Relancer l'Europe : retrouver l'esprit de Rome », présenté hier, établit un constat pertinent de la situation de l'Union et propose une série de mesures nécessaire à la refondation de l'Europe. Le groupe UDI-UC souhaite soutenir les conclusions de ce rapport, tout en apportant de nouvelles propositions.

Première orientation, un appel à « Défendre un approfondissement choisi de l'espace politique, et ne pas subir un élargissement sans cohérence ».

Nous pensons, d'abord, que le moratoire sur l'élargissement ne peut pas être une fin en soi ; il ne peut être que provisoire pour respecter et retrouver l'esprit originel de la construction européenne.

L'approfondissement des politiques européennes doit s'assumer par cercles concentriques d'intégration. Il y a un besoin de deux niveaux d'intégration différenciés, l'un favorisant uniquement les échanges, l'autre ayant pour ambition de donner aux États le poids et les moyens de ne pas subir les changements mondiaux, mais au contraire de les orienter, de retrouver une souveraineté et un espace politique de développement.

La notion de frontières et de limites de l'Union ne correspond pas à l'ambition pacificatrice du Traité de Rome.

Deuxième orientation, le souhait de « Définir une vraie politique économique et fiscale européenne ».

L'intégration budgétaire, la fiscalité et la dette permettent une solidarité financière. La nécessité de franchir un nouveau cap en matière économique et fiscale implique une meilleure harmonisation des objectifs et des politiques publiques. Pour cela, un gouvernement économique de la zone euro doté d'une réelle légitimité politique pourrait être créé. Interlocuteur quotidien de la Banque centrale européenne en matière de stratégie monétaire, il serait également compétent pour définir la politique industrielle, énergétique et commerciale de la zone.

Il s'agit là tant d'intérêts économiques que de souveraineté. Adopter des politiques industrielles communes, dans de nombreux domaines, tels que le numérique, les nanotechnologies, la transition énergétique, est le meilleur moyen de faire valoir et d'additionner les atouts de nos secteurs d'activité les plus performants en réduisant les coûts. C'est aussi le moyen d'assurer notre indépendance technologique et de développer notre capacité d'exportation. Il en est de même pour notre approvisionnement énergétique et pour la transition des productions.

Nous pourrions, également, agir concrètement pour une harmonisation des législations nationales. En matière fiscale, nous devons mettre en place, à l'image du serpent monétaire, un serpent fiscal définissant les marges au sein desquelles les principaux taux d'imposition nationaux seront susceptibles de fluctuer. L'objectif est de rapprocher en dix ans les niveaux de fiscalité dans des limites acceptables.

Troisième orientation, il faut « Renforcer la légitimité démocratique de l'Union ».

L'association et la reconnaissance des parlements nationaux, voire des citoyens, pour lancer des initiatives, interpeller les représentants et engager des débats, sont nécessaires pour diminuer les critiques contre l'Europe et pour ne plus laisser croire qu'elle ne serait qu'un outil totalement déconnecté des réalités vécues. Aujourd'hui simples gardiens du principe de subsidiarité, les parlements nationaux pourraient, demain, déléguer à une convention restreinte, formée en permanence mais réunie seulement en cas de besoin, le pouvoir de statuer souverainement à la majorité qualifiée sur des mesures économiques et financières, par exemple, lorsqu'elles impliquent une modification de certaines dispositions du TFUE.

La Commission européenne devrait devenir un véritable gouvernement européen, responsable devant le Parlement européen.

La légitimité démocratique implique que les citoyens puissent identifier clairement et, le cas échéant, renverser ceux qui détiennent les responsabilités. Le problème, aujourd'hui, c'est que ce sont les ambassadeurs et les directeurs des services de la Commission européenne qui détiennent le véritable pouvoir ; ils sont remarquables, nous l'avons encore constaté hier en audition, mais on ne dit pas assez qu'ils dirigent l'Europe au lieu des élus.

Quatrième orientation, il faut « Assumer une véritable politique de défense et de sécurité, conjuguée à une réforme de l'accueil des réfugiés ».

Les budgets et les choix stratégiques de défense restent une politique nationale et souveraine, mais des stratégies de mutualisation peuvent être partagées.

Il semble ainsi primordial d'inciter les États membres à atteindre l'objectif commun de dépense en matière de défense à hauteur de 2 % du PIB, tout en permettant à chacun d'exclure une partie des dépenses en matière de défense des critères de Maastricht. L'Allemagne annonce 10 milliards d'euros sur cinq ans, c'est encore loin de rattraper nos efforts et il est normal qu'une partie des dépenses de défense commune, soit décomptées des 3 %.

Concernant l'accueil des réfugiés, la crise migratoire a démontré une incapacité des membres à se mettre d'accord. Il serait souhaitable d'améliorer l'accueil des réfugiés dans l'ensemble des pays de l'Union et revoir les critères de répartition entre les différents pays. À Paris, nous avons mis sur pied une structure d'accueil, mais elle est temporaire. Il faut aller beaucoup plus loin.

Enfin, nous souhaitons favoriser un véritable accompagnement des réfugiés dans les États, en développant une politique ambitieuse en matière de logement, d'éducation et de santé qui permettrait de retrouver l'esprit humaniste qui prévaut en Europe.

Cinquième orientation du rapport, il faut « Négocier la sortie du Royaume-Uni ».

Le Brexit aura des conséquences pour l'ensemble des européens. Le processus de sortie concerne donc directement l'ensemble des États membres et une vigilance exceptionnelle doit y être apportée.

Le prochain Président de la République devra s'engager à suivre et à être force de proposition dans ce mécanisme sans précédent au sein de l'Union. Il revient au Conseil européen de déterminer et de négocier les conditions de sortie du Royaume-Uni. Le Brexit doit se concrétiser dans un calendrier bien défini, et surtout, montrer que le fait d'être en dehors de l'Union européenne, n'implique pas les mêmes relations que le fait d'être un État membre à part entière. Cette négociation sera difficile, mais doit être exemplaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Je ne comprends pas bien cette intervention... Quoi qu'il en soit, avez-vous envisagé l'hypothèse où le Parlement européen émanerait des parlements nationaux ?

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Elle éviterait bien des distorsions, du type de celles que l'on a constatées sur le Ceta...

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

J'entends les remarques d'Yves Pozzo di Borgo, nous travaillons à trouver des propositions qui donnent du souffle - par exemple le principe d'une année de mobilité dans un autre pays européen pour tous les jeunes Européens. La partie du rapport sur la défense est très intéressante, il faut faire preuve de volontarisme au moment du Brexit, en partenariat avec la Grande-Bretagne.

Je serais prudente dans la communication sur le changement de traité, car nous n'arriverons pas à en changer ; en revanche, nous avons beaucoup progressé sur des outils comme Schengen, sans avoir besoin de changer de traité, cela ouvre bien des champs d'action.

Sur la réforme fiscale, ensuite, nous avons proposé une conférence parlementaire commune aux États membres.

Tous ces éléments seront à présenter, après débat dans notre commission, par exemple lors du moment fort que constituera le 60ème anniversaire du traité de Rome.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Effectivement, si une révision des traités est souhaitable, elle n'est guère réaliste...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Je crois qu'il faut dire que l'opposition entre élargissement et approfondissement n'est pas de mise, qu'elle relève du faux débat. D'abord parce que la perspective d'adhésion a représenté et représente un formidable levier de changement pour les pays candidats ; on ne peut leur dire qu'on suspend toute négociation parce que nous sommes en crise, cela reviendrait à leur signifier qu'ils n'apporteraient rien à l'Union, ce serait contre l'idée européenne même. Ensuite, parce que le moratoire n'est pas la solution à la crise que nous traversons : les difficultés que nous connaissons, économiques, de flux migratoires, nous les aurions eues aussi dans l'Europe à Seize...

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

L'audition de M. Pierre Sellal, représentant permanent de la France auprès de l'Union européenne, hier, m'a paru édifiante : sur chacun des sujets dont il a parlé, notre ambassadeur a conclu en disant que l'action dépendrait des moyens dont l'Europe disposerait... C'est donc bien la question reine. Le Brexit se traduira par 10 milliards d'euros de moins sur les 150 milliards du budget européen, comment les remplacera-t-on ? Le groupe Monti réfléchit aux ressources propres, il faut suivre ses travaux de près - surtout que bien des pays paraissent vouloir diminuer et leur participation, et les dépenses européennes...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

C'est vrai qu'on demande toujours plus d'action à l'Europe, sans lui en donner les moyens. Le rapport Monti fait des propositions sur les ressources, sans les quantifier cependant. Je crois qu'il faudrait aller au-delà du 1 % du PIB européen, mais je sais que ce n'est pas la tendance.

L'alternative entre élargissement ou approfondissement est-elle un faux débat ? Il ne faut pas désespérer les peuples, mais pas leur mentir non plus. Dès lors que tout élargissement nécessitera un référendum, nous savons qu'il n'y aura pas d'élargissement prochainement. La réponse est peut-être du côté d'une Europe à plusieurs cercles, selon l'avancée des progrès. Quoi qu'il en soit, le débat sur l'alternative entre le fédéralisme et l'État nation s'est estompé ; l'intégration est nécessaire et il faut tendre la main aux candidats, c'est aussi une question de sécurité européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Nous entendons maintenant la communication de nos collègues Patricia Schillinger et Colette Mélot sur un projet d'avis politique relatif à l'Erasmus des apprentis.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

Le 9 décembre dernier à Bruxelles, Marianne Thyssen, commissaire européenne pour l'emploi, les affaires sociales, les compétences et la mobilité des travailleurs, a clos la première Semaine européenne des compétences professionnelles en annonçant le lancement d'Erasmus pro. Reprenant la formule employée dans une tribune de l'Institut Jacques Delors du 12 mai 2015, ce nouveau programme vient concrétiser le projet pilote mené par le député européen Jean Artuis.

Là où l'Institut Jacques Delors réclamait 1 million de jeunes apprentis européens d'ici à 2020, les ambitions affichées par la Commission sont aujourd'hui plus modestes, puisqu'elle vise à atteindre 50 000 jeunes d'ici à 2020. Il faut aussi désormais insister sur la nécessité d'être plus ambitieux pour Erasmus pro, en termes de durée, de validation, de qualification, d'expérience professionnelle, pour éviter que ces mobilités ne se réduisent à un stage d'observation de très courte durée comme ce qui est constaté aujourd'hui.

Si Erasmus plus, programme pour l'éducation, la formation, la jeunesse et le sport de l'Union européenne, est incontestablement un grand succès européen, il n'a jusqu'à présent que peu bénéficié aux jeunes en formation professionnelle. Au total, plus de 5 millions d'Européens ont participé à l'un des programmes aujourd'hui regroupés au sein d'Erasmus plus, dont près de 4 millions d'étudiants, parmi lesquels 616 600 Français. Les étudiants en formation professionnelle, parmi lesquels les apprentis, n'en ont représenté que moins de 1 %.

Leonardo, le programme destiné à la formation professionnelle, a été créé en 1995. Il reste aujourd'hui le parent pauvre d'Erasmus. Malgré l'effort financier réalisé pour la période 2014-2020 en faveur d'Erasmus plus, qui a correspondu à une augmentation de 84 % pour la France, la moitié des demandes de bourses françaises en formation professionnelle n'ont, par exemple, pu être satisfaites cette année.

Dans quel contexte s'inscrit ce projet ?

En octobre 2016, 4,169 millions de jeunes Européens, hors étudiants, n'avaient pas d'emploi en Europe. Un peu partout dans l'Union européenne, du Portugal à l'Europe de l'Est, les taux de chômage des moins de 25 ans demeurent très élevés. 18,4 % des jeunes sont ainsi à la recherche d'un emploi dans l'Union européenne, 20,7 % dans la zone euro. On a déjà pu parler à leur sujet de « génération perdue ».

Or, l'apprentissage permet d'améliorer l'employabilité des jeunes : près de 80 % des apprentis trouvent un emploi directement après leur formation. L'Allemagne, pays où la formation en alternance est particulièrement développée, affiche d'ailleurs l'un des taux de chômage des 15-24 ans parmi les plus bas de l'Union Européenne : 6,9 %, contre 18,4 % en moyenne en Europe. À l'inverse, la Grèce (55,3 % en mai selon le dernier chiffre disponible), l'Espagne et l'Italie (35,3 %), où l'apprentissage est peu répandu, ont des taux de chômage très élevés.

Par ailleurs, les étudiants qui ont séjourné un an à l'étranger sont également mieux protégés du chômage. La mobilité internationale divise ainsi par deux les risques de chômage. En moyenne, les étudiants Erasmus auraient une meilleure employabilité de 70 % par rapport aux autres étudiants sans expérience à l'étranger.

Combiner ces deux atouts, apprentissage et séjour à l'étranger, permettrait donc d'aider à l'insertion des jeunes qui ne se destinent pas à des métiers exigeant de longues études.

Enfin, ce programme pourrait renforcer le sentiment d'appartenance à l'Europe de ce nouveau public. Plus de 83 % des étudiants Erasmus se sentent plus Européens après leur séjour à l'étranger. On peut à ce sujet noter qu'une forte majorité des diplômés de l'enseignement supérieur a voté contre le Brexit, au contraire des peu ou pas diplômés qui ont fait le choix inverse. Les chiffres sont révélateurs : 71 % des diplômés de l'enseignement supérieur ont voté contre le Brexit, 64 % des peu ou pas diplômés ont voté pour.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Je préciserai le contenu de l'expérimentation proposée.

Les apprentis partent aujourd'hui en mobilité avec le programme Leonardo, intégré à Erasmus plus depuis 2014 et destiné à l'ensemble des apprenants de la formation professionnelle. Quelques milliers d'étudiants effectuent ainsi chaque année un stage au sein d'une entreprise européenne accréditée mais les apprentis représentent à peine 1 % du total des bénéficiaires d'Erasmus plus. Leur durée moyenne de séjours ne s'élève par ailleurs qu'à 28 jours.

Outre une augmentation du nombre de bénéficiaires, à hauteur de 50 000, le projet à destination des apprentis insiste sur la dimension qualitative des mobilités, en particulier la durée du séjour. Pour cela, une enveloppe moyenne de 5 400 € par apprentis est prévue pour financer formation et préparation linguistique, et éventuellement combler les déficits de certains pays en matière de sécurité sociale. Pour y être éligible, quatre conditions s'imposent : être en partenariat avec au moins une école dans un autre pays, développer un cours d'initiation de la langue du pays, avoir un programme de formation théorique et avoir un réseau d'entreprises prêt à accueillir des jeunes venus d'ailleurs.

Si la région est le niveau pertinent du pilotage des actions de mobilité des apprentis, certains besoins ne peuvent être traités que dans des espaces de mutualisation et de concertation de niveau national ou européen. Le projet est pour le moment porté par une association créée à l'initiative du député Jean Artuis. Euroapprentissage est la dénomination d'un consortium de centres de formation professionnelle et s'appuie sur de nombreux partenaires, organisation patronales, organismes consulaires, collectivités locales ou encore entreprises. Il s'articule aujourd'hui autour de 32 centres de formation présents dans 12 pays, dont 16 centres implantés en France et en particulier dans l'Ouest.

Pour le dernier trimestre 2016, un financement de 1,8 million d'euros avait été prévu par la Commission européenne afin de permettre à 145 jeunes apprentis européens, dont soixante-quinze Français, de partir jusqu'à une année complète à l'étranger. Une trentaine d'apprentis ont déjà pu entamer une telle mobilité longue, d'une durée comprise entre 6 mois et un an. Près de 3 millions d'euros prévus au budget 2017 devraient aussi être débloqués pour une deuxième vague de 550 jeunes apprentis en « Erasmus + » à la rentrée 2018.

La demande récente de la Commission d'un budget de 400 millions d'euros pour Erasmus pro ouvre de nouvelles perspectives. Il reste cependant pour ce programme à sortir du cadre expérimental et à surmonter les nombreux freins à sa progression.

Quelles conclusions en tirer ?

Le début du projet a pu prendre quelques retards en raison de difficultés de coordination entre les deux directions DG emploi et DG EAC. Au sein même des États, les compétences sont souvent partagées entre directions chargées de l'éducation et directions chargées de l'emploi. Des efforts supplémentaires de synchronisation doivent être engagés pour faire réussir ce projet. Ce qui a été fait par le passé et surmonté pour les diplômés de l'éducation supérieure peut et doit être fait aujourd'hui pour les jeunes les moins qualifiés qui sont d'autant plus touchés par le chômage.

De nombreux obstacles juridiques demeurent. Le statut de l'apprenti et la structuration de la formation varient en effet énormément d'un pays à l'autre, toutes les formations en Europe ne préconisent pas de contrats d'apprentissage et n'ont pas les mêmes conditions de formation. Il a même été envisagé d'appliquer le régime des travailleurs détachés aux étudiants. En attendant la mise en place d'un véritable contrat d'apprenti européen, les départs doivent ainsi s'organiser en effet au cas par cas.

Un travail de communication doit aussi être activement mené. Il s'agit désormais d'inclure des populations aujourd'hui peu concernées par Erasmus. Ce nouveau public, qu'il s'agisse des apprentis ou de leur maître d'apprentissage, n'a pas toujours conscience de l'opportunité d'une mobilité, a fortiori d'une mobilité longue.

C'est dans cet esprit que la proposition d'avis politique que nous vous soumettons propose de soutenir l'initiative de la Commission européenne, tout en l'encourageant à aller plus loin et à lever les obstacles juridiques qui risquent d'empêcher ce projet de prendre toute son ampleur. Il est d'autant plus nécessaire de marquer dès aujourd'hui notre engagement en faveur de ce nouveau dispositif que le contexte spécifique du Brexit rend incertains les financements futurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Merci d'avoir travaillé en urgence, avec ce résultat de grande qualité. Le chômage des jeunes est une préoccupation majeure, le sujet est des plus sensibles, l'Europe a son rôle à jouer. Il serait souhaitable que le Sénat s'engage lui aussi, par exemple en parrainant dans ses murs une journée sur l'apprentissage européen, comme nous le faisons pour Apprentis de France.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

En trois ans, à peine 50 000 apprentis à l'échelle européenne, c'est très peu, l'Europe est en retard. Sur la forme, je déplacerais volontiers le point 11, pour le placer entre le 7 et le 8.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Ce sujet est important, merci de l'avoir traité. Le diagnostic est connu, le défaut d'apprentissage accompagne une perte de compétitivité et compromet l'accès à l'emploi. Cependant, je ne suis pas sûr que l'apprentissage ait manqué de budget à l'échelon européen, comme le dit le point 9 ; ce sont plutôt les projets à cette échelle qui ont manqué, nous avons de quoi faire beaucoup mieux. Quoi qu'il en soit, je m'associe à cet avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

L'apprentissage facilite l'accès à l'emploi, 70 % des apprentis trouvent du travail après leur apprentissage. Cependant, le départ à l'étranger, s'il est facile dans les écoles d'ingénieurs, ne va pas de soi dans les lycées professionnels ; il faut lever des freins à la mobilité, cela passe par les chambres des métiers, mais aussi par notre propre action - nous sommes des ambassadeurs de l'apprentissage. Merci beaucoup pour cet avis, auquel je m'associe parfaitement.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

L'encouragement donné au point 10, de concrétiser le projet de 50 000 Erasmus professionnels, n'est-il pas redondant avec le souhait, énoncé au point 12, que ce projet expérimental soit intégré au programme Erasmus ? Ou bien, y a-t-il contradiction ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

L'apprentissage d'échelle européenne ne dure que quelques semaines, c'est trop peu et les nouveaux Erasmus professionnels vont dans le bon sens ; cependant, l'association EuroApprentissage ne saurait gérer le nouveau dispositif, c'est le sens de la demande d'intégration au programme Erasmus.

Les freins à la mobilité existent effectivement et si les enseignants en CFA n'encouragent pas les apprentis à partir, il ne se passe rien ; il faut aussi prévoir des moyens, pour aider concrètement à la mobilité, qui entraîne toujours des dépenses. Seuls 145 jeunes Français devraient partir sur l'année scolaire 2016-2017 avec l'expérimentation destinée aux apprentis, c'est insuffisant.

Enfin, l'idée d'un parrainage par le Sénat est excellente.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Merci pour l'accueil réservé à notre travail. Erasmus a toujours été populaire, l'association EuroApprentissage fait un travail formidable, ses membres sont très motivés, mais il faut structurer davantage quand on parle des 50 000 contrats d'Erasmus professionnels. Nous avons beaucoup à faire, dans notre pays, pour l'apprentissage - surtout par comparaison avec ce qui se passe outre-Rhin.

Enfin, je signale que le groupe d'amitié France-Allemagne va recevoir des membres du Bundesrat et a mis le sujet de l'apprentissage à son ordre du jour.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Merci pour ces précisions. Sur la forme de l'avis, je vous propose de regrouper les points 10 et 12, et de placer ce nouveau point après le 11.

Je vous tiendrai informés des suites données à cette proposition que le Sénat parraine l'apprentissage européen.

À l'issue du débat, la commission des affaires européennes a adopté, à l'unanimité, l'avis politique suivant qui sera transmis à la Commission européenne.

(1) Vu les articles 165 et 166 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,

(2) Vu la résolution du Parlement européen du 2 février 2017 sur la mise en oeuvre du règlement (UE) n° 1288/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013 établissant « Erasmus + » : le programme de l'Union pour l'éducation, la formation, la jeunesse et le sport et abrogeant les décisions n° 1719/2006/CE, n° 1720/2006/CE et n° 1298/2008/CE (2015/2327(INI)),

(3) Vu la communication (COM (2016) 940) de la commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions « Investir dans la jeunesse de l'Europe »,

(4) Considérant qu'en octobre 2016, 4,169 millions de jeunes Européens (hors étudiants) n'avaient pas d'emploi en Europe et que 18,4 % des jeunes étaient ainsi à la recherche d'un emploi dans l'Union européenne,

(5) Considérant qu'apprentissage et mobilité longue sont deux éléments déterminants dans la réponse à apporter au chômage des jeunes,

(6) Considérant qu'Erasmus est un grand succès européen, qui a bénéficié à près de 4 millions d'étudiants mais moins de 1 % d'étudiants en formation professionnelle,

(7) La commission des affaires européennes du Sénat :

(8) Se félicite du lancement de l'initiative « Erasmus Pro » en décembre 2016, salue à cet égard l'augmentation significative des crédits alloués au programme « Erasmus + » pour 2017 ;

(9) Déplore les arbitrages budgétaires qui ont jusqu'à présent freiné l'essor de la mobilité de long terme des apprentis au sein de l'Union européenne ;

(10) Regrette que les apprentis soient aujourd'hui encore exclus de la dimension internationale d'« Erasmus + » ;

(11) Encourage la Commission à concrétiser le projet de 50 000 « Erasmus professionnels » au cours des trois prochaines années tout en insistant sur la dimension qualitative des mobilités réalisées, qui ne sauraient se limiter à des stages de courte durée, souhaite que ce projet encore expérimental soit totalement intégré au programme Erasmus plus et qu'il en devienne un élément central ;

(12) Incite la Commission à promouvoir ce nouveau dispositif auprès des publics concernés, étudiants comme professionnels, et à développer les synergies autour de ce projet ;

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Nous pourrions envisager de travailler sur le véhicule autonome. C'est un sujet qui revêt des enjeux économiques et sociaux importants. Je vous propose de désigner M. René Danesi, Mmes Pascale Gruny, Gisèle Jourda et Patricia Schillinger qui pourraient prendre le temps d'approfondir la question pour nous en rendre compte le moment venu.

Il en est ainsi décidé.

La réunion est close à 10h30.