Le 9 décembre dernier à Bruxelles, Marianne Thyssen, commissaire européenne pour l'emploi, les affaires sociales, les compétences et la mobilité des travailleurs, a clos la première Semaine européenne des compétences professionnelles en annonçant le lancement d'Erasmus pro. Reprenant la formule employée dans une tribune de l'Institut Jacques Delors du 12 mai 2015, ce nouveau programme vient concrétiser le projet pilote mené par le député européen Jean Artuis.
Là où l'Institut Jacques Delors réclamait 1 million de jeunes apprentis européens d'ici à 2020, les ambitions affichées par la Commission sont aujourd'hui plus modestes, puisqu'elle vise à atteindre 50 000 jeunes d'ici à 2020. Il faut aussi désormais insister sur la nécessité d'être plus ambitieux pour Erasmus pro, en termes de durée, de validation, de qualification, d'expérience professionnelle, pour éviter que ces mobilités ne se réduisent à un stage d'observation de très courte durée comme ce qui est constaté aujourd'hui.
Si Erasmus plus, programme pour l'éducation, la formation, la jeunesse et le sport de l'Union européenne, est incontestablement un grand succès européen, il n'a jusqu'à présent que peu bénéficié aux jeunes en formation professionnelle. Au total, plus de 5 millions d'Européens ont participé à l'un des programmes aujourd'hui regroupés au sein d'Erasmus plus, dont près de 4 millions d'étudiants, parmi lesquels 616 600 Français. Les étudiants en formation professionnelle, parmi lesquels les apprentis, n'en ont représenté que moins de 1 %.
Leonardo, le programme destiné à la formation professionnelle, a été créé en 1995. Il reste aujourd'hui le parent pauvre d'Erasmus. Malgré l'effort financier réalisé pour la période 2014-2020 en faveur d'Erasmus plus, qui a correspondu à une augmentation de 84 % pour la France, la moitié des demandes de bourses françaises en formation professionnelle n'ont, par exemple, pu être satisfaites cette année.
Dans quel contexte s'inscrit ce projet ?
En octobre 2016, 4,169 millions de jeunes Européens, hors étudiants, n'avaient pas d'emploi en Europe. Un peu partout dans l'Union européenne, du Portugal à l'Europe de l'Est, les taux de chômage des moins de 25 ans demeurent très élevés. 18,4 % des jeunes sont ainsi à la recherche d'un emploi dans l'Union européenne, 20,7 % dans la zone euro. On a déjà pu parler à leur sujet de « génération perdue ».
Or, l'apprentissage permet d'améliorer l'employabilité des jeunes : près de 80 % des apprentis trouvent un emploi directement après leur formation. L'Allemagne, pays où la formation en alternance est particulièrement développée, affiche d'ailleurs l'un des taux de chômage des 15-24 ans parmi les plus bas de l'Union Européenne : 6,9 %, contre 18,4 % en moyenne en Europe. À l'inverse, la Grèce (55,3 % en mai selon le dernier chiffre disponible), l'Espagne et l'Italie (35,3 %), où l'apprentissage est peu répandu, ont des taux de chômage très élevés.
Par ailleurs, les étudiants qui ont séjourné un an à l'étranger sont également mieux protégés du chômage. La mobilité internationale divise ainsi par deux les risques de chômage. En moyenne, les étudiants Erasmus auraient une meilleure employabilité de 70 % par rapport aux autres étudiants sans expérience à l'étranger.
Combiner ces deux atouts, apprentissage et séjour à l'étranger, permettrait donc d'aider à l'insertion des jeunes qui ne se destinent pas à des métiers exigeant de longues études.
Enfin, ce programme pourrait renforcer le sentiment d'appartenance à l'Europe de ce nouveau public. Plus de 83 % des étudiants Erasmus se sentent plus Européens après leur séjour à l'étranger. On peut à ce sujet noter qu'une forte majorité des diplômés de l'enseignement supérieur a voté contre le Brexit, au contraire des peu ou pas diplômés qui ont fait le choix inverse. Les chiffres sont révélateurs : 71 % des diplômés de l'enseignement supérieur ont voté contre le Brexit, 64 % des peu ou pas diplômés ont voté pour.