Eiffage est spécialisée dans les travaux de VRD, de terrassements et d'infrastructures. Le coût des matériaux renvoie à plusieurs sujets connexes. Voici un exemple qui relève de nos installations industrielles. Le marché guyanais est étroit en termes de volume de matériaux. Nous avons 4 postes d'enrobés dont 3 fonctionnels pour fabriquer des matériaux de chaussée et le marché tourne autour de 50 à 60 000 tonnes annuels. Or, aujourd'hui, ce même tonnage est réalisé par un seul poste en métropole en quelques mois. Nous sommes face à un problème d'échelle qui pèse sur nos coûts de construction. Cela s'applique aux carrières, et sans doute au ciment.
Vous avez évoqué la question du rachat de Ciment Guyanais par Argos, une entreprise colombienne. Nous sommes un de leurs clients et nous développons des produits en partenariat. Nous avons constaté après ce rachat un changement d'attitude : ils ont fait des investissements, dont des silos supplémentaires que nous réclamions pour stocker des matériaux de manière à en disposer de manière permanente. Lafarge Holcim avait laissé ces questions en suspens car le groupe ne voulait pas investir. Aujourd'hui, le niveau de prix n'a pas augmenté mais Argos a une souplesse commerciale plus importante. Je ne sais pas si ce rachat sera bénéfique à la Guyane sur le long terme mais, actuellement, cela semble plutôt favorable.
Il y a aussi les difficultés qui se posent lorsqu'on se trouve sur des sites isolés et qu'on veut respecter toutes les contraintes réglementaires. Par exemple, quand le chantier est situé à Maripasoula et qu'un véhicule doit passer un contrôle technique, qui coûte 200 euros, il faut aller à Saint-Laurent-du-Maroni, à une journée de pirogue. Cela signifie un aller-retour en pirogue, soit un coût de 5 000 euros, sans compter le temps d'immobilisation, le risque que le matériel tombe à l'eau, etc. Les petits artisans et les PME ne respectent pas bien évidemment ces obligations mais, en tant qu'entreprise nationale, nous nous imposons de nous conformer à toutes ces réglementations, même si elles induisent des coûts substantiels qui sont indirectement répercutés sur le prix des constructions sur les sites isolés. C'est un exemple qui illustre nos difficultés à optimiser le coût des constructions tout en respectant la réglementation.
Permettez-moi une dernière réflexion sur le coût des importations. Aujourd'hui, le ciment est fabriqué localement mais les matières premières sont importées. Les agrégats sont fabriqués intégralement en Guyane. Pour les matériaux de bâtiment, je ne suis pas bien placé pour me prononcer mais, hormis le bois en partie produit localement, tout le reste me semble importé.
Pour les chantiers routiers, nous sommes confrontés à l'obligation de marquage NF, notamment sur les buses en béton que nous utilisons pour les ouvrages hydrauliques sur les routes. Nous devons importer par bateau toutes les buses - du béton volumineux et lourd - pour pouvoir réaliser ces ouvrages, avec toutes les taxes qui s'ajoutent. Le prix par rapport à celui en vigueur en métropole est multiplié par 5 ou 6. Le marché local n'avait pas, jusqu'à récemment, assez de volume pour se lancer dans une certification locale. Cependant les choses évoluent et un fabricant local doit bientôt faire aboutir sa démarche de certification NF, ce qui pourrait nous soulager. Cela illustre combien le respect des normes NF a une incidence majeure sur le coût de la construction.
Si vous proposiez la création d'une instance locale paritaire pour juger de la pertinence des adaptations au contexte local, je considérerais qu'il s'agit une très bonne proposition.