Voici venue l'heure de nous prononcer sur un texte qui libéralise totalement le secteur de l'énergie et qui permet la privatisation de l'entreprise publique Gaz de France.
Monsieur le ministre, le Gouvernement a mené de front les débats en deux mois à peine sur ce projet de loi déclaré d'urgence. Vous avez pour cela fait le choix de l'unité, même si ce choix conduisait la majorité gouvernementale dans son ensemble à renier les promesses d'un ancien ministre de l'économie, aujourd'hui présidentiable.
Cependant, ne vous réjouissez pas trop vite. Les débats ne seront pas clos par le vote du Parlement. Dans le pays, ils ne font que commencer.
En effet, les enjeux de préservation de l'environnement, de diversification du bouquet énergétique, de réponse aux besoins croissants en énergie ainsi que les outils dont se dote la nation pour y répondre - bref, la question de la maîtrise énergétique - seront au coeur de la campagne présidentielle qui s'annonce.
Si vous pouvez aujourd'hui vous réjouir de l'adoption de ce texte qui traduit votre dessein pour la France, soyez assurés que nombreux sont nos compatriotes qui seront ravis de vous faire part de leur opinion prochainement.
Il s'agira en effet de l'une des bases du vote des citoyens pour les échéances électorales à venir. Les candidates et les candidats qui se réclament des valeurs de la gauche sauront rappeler à nos concitoyens ce qui s'est passé tant dans cet hémicycle qu'à l'Assemblée nationale.
Vous avez méprisé toutes les consultations populaires qui ont eu lieu depuis votre arrivée au Gouvernement. Vous n'avez pas voulu comprendre votre échec aux élections régionales de 2004, vous n'avez pas entendu le message des urnes et de la rue lors du référendum sur le projet de constitution européenne ou à l'occasion de l'action contre le CPE.
Pourtant, par leur vote et leur mobilisation, les Françaises et les Français ont, à chaque fois, clairement exprimé leur refus de soumettre l'ensemble des activités humaines à la loi du marché et aux impératifs de rentabilité financière. Ils ont exprimé leur attachement au service public et aux valeurs fondatrices de notre république sociale.
Loin de ces préoccupations et du mandat donné par ce verdict populaire, vous maintenez contre vents et marées votre cap, en agrémentant le calendrier parlementaire de réformes ultralibérales, en allongeant encore la longue liste des entreprises privatisées et en faisant encore un peu plus de cadeaux au patronat et aux grands actionnaires.
À l'inverse de votre projet de recul social, nous avons proposé, lors de ce débat, de garder la maîtrise publique de l'énergie.
Nous avons également suggéré qu'EDF-GDF, 100 % public et fusionné, pourrait constituer le coeur d'un pôle public permettant de renforcer la maîtrise publique de ce secteur hautement stratégique pour les intérêts économiques, sociaux et environnementaux de notre pays.
Ce pôle public pourrait regrouper tous les acteurs de la filière énergétique, qu'ils relèvent de la recherche, de la production ou de la distribution, afin de renforcer la complémentarité des énergies. Il s'agit donc d'EDF et de GDF, mais aussi d'AREVA, de la COGEMA, du CEA, de l'ADEME et - pourquoi pas ?- de Total.
Ce pôle public aurait, en lien avec la définition d'orientations politiques par le Parlement, la mission de conduire cette politique.
Parce que l'enjeu de démocratisation est fondamental, ce pôle public pourrait être chapeauté par une haute autorité, composée d'élus de la nation et de représentants de l'État ainsi que de représentants des salariés et des usagers. Celle-ci aurait pour mission de veiller au bon respect de la transparence et du caractère démocratique des décisions.
En effet, nous ne pouvons tolérer la prolifération d'autorités dites indépendantes, mais dont le rôle est uniquement d'organiser le déclin des opérateurs historiques et l'arrivée de nouveaux entrants, comme c'est aujourd'hui le cas avec la CRE.
Ces nouvelles autorités entérinent la perte de pouvoir politique sur le monde économique, et nous estimons qu'une telle dérive est très dangereuse pour la démocratie : les citoyens ne doivent pas être dépossédés de leur souveraineté, surtout lorsqu'il s'agit de questions aussi fondamentales que l'énergie, bien commun de l'humanité.
Une telle démarche aboutirait à la création d'un véritable service public, émancipé de ces logiques financières, qui aurait donc la pleine capacité d'investir dans la recherche, la promotion de nouvelles énergies et le développement de nouvelles capacités de production, tout en maintenant un coût d'accès à l'énergie acceptable pour tous les usagers.
Parce que nous sommes résolument pour la construction d'une Europe politique, nous estimons aussi que la question énergétique doit être traitée à ce niveau.
Au regard de la forte dépendance en gaz, une politique européenne de l'énergie permettrait également de renforcer la sécurité d'approvisionnement, en développant une logique de coopération, de solidarité et de partage.