Aujourd'hui, le hasard a voulu que j'exprime l'autre sensibilité du groupe.
À cet égard, je souhaite vous livrer quelques arguments qui justifient notre position.
Quatrième projet de loi consacré au secteur de l'énergie durant cette législature, le présent texte porte sur l'un des points les plus sensibles de la définition de la politique énergétique : comment garantir la souveraineté énergétique de la France, alors que notre dépendance, principalement gazière, va croissant ? Chacun sait, en effet, qu'il ne peut y avoir de développement économique sans souveraineté énergétique.
Votre projet de loi, monsieur le ministre, transpose deux directives européennes relatives au secteur énergétique et consacre la perte de la participation majoritaire de l'État dans le capital de GDF. Il rassemble donc deux enjeux distincts, qui auraient mérité chacun un texte. Certes, la France respecte ses obligations communautaires par cette double transposition. Mais le texte met à mal le modèle construit depuis 1946, en ouvrant des brèches dans l'existence d'un véritable service public de l'énergie et en créant des charges spécifiques imposées aux opérateurs du marché : égalité, universalité, accessibilité et service universel.
Aussi, rien ne garantit l'égalité entre territoires. De même, l'instauration d'une double tarification - réglementée ou de marché - n'assure pas aux consommateurs le maintien de prix accessibles. Pour les professionnels, le prix du marché a déjà augmenté de 30 % depuis 2004. Les lois du marché risquent encore une fois de s'imposer, au détriment du droit élémentaire, pour chaque citoyen, d'accès au service public du gaz.
Au surplus, l'abaissement à 34 % de la part de l'État dans le capital de GDF semble avoir été préparé à la hâte, sans prendre le temps d'étudier d'autres solutions.
Par ailleurs, l'OPA d'Enel contre Suez, qui est à l'origine de ce projet de loi, reste d'actualité. Pourquoi le Parlement n'a-t-il pas été informé des éléments précis des cessions d'actifs qui permettront la constitution du futur groupe ? La constitutionnalité même de l'article 10 du projet de loi est sujette à caution, au regard de l'alinéa 9 du préambule de la Constitution de 1946.
Le gaz n'est pas une marchandise ordinaire, c'est un bien public, ce qui avait justifié en son temps la nationalisation de son exploitation. Rien ne garantit que le texte qui va être voté soit en mesure de préserver les intérêts des consommateurs, alors même que la participation de l'État dans le futur groupe se fera a minima. Concrètement, que se passera-t-il en cas d'augmentation du capital du futur groupe ? L'État sera-t-il en mesure de s'aligner ? Quels seraient les moyens d'action de l'État en cas d'une action hostile d'envergure d'un géant étranger de type Gazprom ? Le glissement vers des intérêts privés d'un secteur aussi stratégique n'est pas de nature à nous rassurer.
En toute hypothèse, il y a une antinomie entre le patriotisme économique vanté par le Premier ministre et les intérêts des actionnaires du futur groupe, pour lesquels la protection de la souveraineté énergétique de la France ne sera jamais une priorité.
Dans ces conditions, vous l'aurez compris, nous voterons contre ce projet de loi.