Intervention de Laurence Cohen

Mission d'information situation psychiatrie mineurs en France — Réunion du 24 janvier 2017 à 14h50
Audition du professeur jean-philippe raynaud chef de service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent supea au centre hospitalier universitaire chu de toulouse

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen :

Contrairement à notre rapporteur, je ne pense pas qu'il faille parler de virage ambulatoire en pédopsychiatrie.

Je fais partie de celles et ceux qui sont opposés aux GHT s'ils ne reposent pas sur un projet médical partagé. Malheureusement, c'est rarement le cas. Nuançons donc nos propos.

Le grand problème actuel de l'hôpital tient au peu de lits en aval : peut-on dire la même chose pour la psychiatrie ? Vous estimez que certains adolescents restent trop longtemps dans ces lits mais pourquoi ne pas créer des centres adaptés à certaines pathologies ? Devrait-il s'agir de centres spécialisés ou de centres plus généralistes qui traiteraient diverses pathologies mais avec des équipes pluridisciplinaires ?

Pr Jean-Philippe Raynaud. - Je parlerai plutôt de deuxième virage ambulatoire. Le premier date des années 1970 avec la création des secteurs et la volonté, que je partage, de sortir les malades mentaux, a fortiori les enfants et les adolescents, de l'hôpital psychiatrique ou de l'asile.

Les moyens de l'ambulatoire n'ont pas beaucoup augmenté ces 25 dernières années. On a certes créé un CMP mais on n'a pas pu renforcer les CMP existants. Il est d'ailleurs souvent plus facile d'obtenir des moyens lorsqu'on crée de nouveaux dispositifs que de renforcer ceux qui existent déjà.

Pour vous répondre, nous disposons déjà de toutes les structures nécessaires : les Instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques (ITEP) pour les jeunes qui ont des troubles des conduites, les Instituts médico-éducatifs (IME) pour les enfants qui ont des retards mentaux. Mais nous devons aujourd'hui les adapter parce que les définitions ne sont plus les mêmes que dans les années 1970 ou 1980 et qu'il faut tenir compte des comorbidités. Par ailleurs, grâce aux progrès qui ont été réalisés, les jeunes qui fréquentaient ces structures il y a 20 ans peuvent aujourd'hui être pris en charge en ambulatoire.

La loi de 2005, au sujet de laquelle j'ai été interrogé tout à l'heure, nous a ouvert les portes de la scolarisation qu'on appelait à l'époque « l'inclusion » pour les enfants handicapés et autres. Il faut savoir que le handicap s'est élargi au point que la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) notifie également les cas de dyslexie, de dyspraxie ou de troubles instrumentaux.

Je ne suis pas convaincu qu'il faille multiplier des structures autour de thématiques. Nous n'en avons d'ailleurs pas les moyens.

Je crois plutôt qu'il faut former le plus grand nombre de praticiens. Je voudrais notamment former deux professionnels dans chaque CMP à la gestion des catastrophes et à la victimologie, que ce soit pour se mobiliser comme on l'a vu à Nice ou à Toulouse avec AZF il y a 15 ans, ou pour prendre le relais une fois le feu éteint car nous savons aujourd'hui que ces traumatismes ont des effets à très long terme.

Il y a de très bonnes compétences dans le médico-social, mais il faut les renforcer.

Par exemple, en Haute-Garonne, département très attractif pour les médecins, nous avons huit temps plein de pédopsychiatres budgétés mais non occupés en médico-social. Est-ce qu'on ne pourrait pas les articuler avec le sanitaire, quitte à ce que leur temps soit partagé entre différentes structures, ce qui serait par ailleurs pertinent sur le plan clinique ? En France, on aime bien cliver, par exemple le médical, le médico-social et le sanitaire, et il faut bien dire que le législateur ne simplifie pas toujours les choses en décidant que les budgets sont fongibles dans un sens mais pas dans l'autre...

Par exemple, lorsque le Conseil départemental a créé la Maison des adolescents, on nous a demandé de mettre à disposition des médecins et des infirmiers compétents en pédopsychiatrie. Nous l'avons fait bien volontiers mais cette manière de procéder est assez nouvelle.

Autre exemple, l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES) de Midi-Pyrénées vient de lancer un appel à projet pour une équipe mobile ITEP. Quand un jeune dans un ITEP n'ira pas bien, cela permettra, avant de l'adresser directement au sanitaire, de demander du soutien auprès de cette équipe mobile qui va se mettre en place le 1er avril.

Permettez-moi une parenthèse sur le fait que nous avons beaucoup de professionnels très jeunes car des pédopsychiatres, des éducateurs et des infirmiers très expérimentés prennent leur retraite. Or les élèves infirmiers ne bénéficient que d'une formation de 10 heures à la pédopsychiatrie. Comment voulez-vous qu'un infirmier qui sort de l'école puisse démarrer en pédopsychiatrie et sécuriser des adolescents en étant si peu formé ?

Cette équipe mobile qui va travailler dans le médico-social nous a demandé la mise à disposition d'un pédopsychiatre. La Guidance a, pour sa part, fourni des travailleurs sociaux. Cela permet de créer des liens et de faire des « tuilages », notamment entre les différentes équipes qui prendront en charge le tout-petit, l'enfant puis l'adolescent. L'état d'esprit commence donc à changer.

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