Intervention de Jean-François Rapin

Mission d'information situation psychiatrie mineurs en France — Réunion du 24 janvier 2017 à 14h50
Audition du professeur jean-philippe raynaud chef de service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent supea au centre hospitalier universitaire chu de toulouse

Photo de Jean-François RapinJean-François Rapin :

Les spécialistes que nous avons auditionnés nous ont expliqué la difficulté de faire des études épidémiologiques en psychiatrie infantile et de l'adolescent.

Vous avez parlé de l'évolution de la précarité ces 20 dernières années. Voyez-vous un lien entre les pathologies et l'augmentation de la précarité ?

Constatez-vous une évolution des pathologies psychiatriques chez les enfants ces 20 dernières années ? Nos modes de vie modernes ont-ils un impact important de ce point de vue ?

Faut-il créer un secteur spécifique pour la prise en charge des adolescents ?

Pr Jean-Philippe Raynaud. - L'unité d'épidémiologie 10-27 de l'Inserm, au sein de laquelle je travaille, fait partie d'une fédération de recherche, l'Institut fédératif d'études et de recherches interdisciplinaires santé société (IFERISS), qui travaille sur les inégalités sociales en santé. Mes collègues chercheurs montrent depuis des années que plus on est pauvre, isolé, habitant dans les territoires où il y a une moins forte densité de dépistage, de soins, de ressources, d'accès aux informations, plus les risques d'infarctus du myocarde, de cancer, de maladies neurodégénératives, mais aussi de maladies mentales, sont élevés.

Il faut évidemment faire très attention à la manière dont on le présente et c'est pourquoi je préfère le mot précarité à celui de pauvreté.

Nous savons que le Valproate de sodium, ou Dépakine, qui est très souvent prescrit dans l'épilepsie et dans les troubles bipolaires, donne des troubles développementaux sévères. Il est désormais bien connu que lorsqu'il est pris pendant la grossesse, ce traitement « fabrique » de l'autisme.

Les équipes de liaison que nous avons dans deux maternités publiques voient régulièrement de jeunes mères qui ont pris du Valproate pendant toute leur grossesse parce que, pour des raisons d'isolement, de précarité, de manque d'informations ou parfois de jeune âge, elles ont été très peu suivies. Des troubles graves dans le développement de l'enfant peuvent être évités grâce à l'information.

Dans mon unité Inserm, j'ai participé à une étude sur l'autisme avec retard mental qui a montré qu'il est plus fréquent dans les territoires de grande précarité et d'isolement. Cela va à l'encontre de toutes les représentations qu'on a depuis la découverte de l'autisme par Kanner et Asperger car on a toujours pensé que les milieux favorisés étaient les plus touchés.

Il n'y a pas de pathologie de gens surinformés, à part peut-être l'hypocondrie car la consultation des sites internet médicaux rend très anxieux.

L'évolution des pathologies est liée à nos progrès communs. L'éducation nationale dépiste mieux, l'information circule mieux et les médecins généralistes sont bien formés. Cette mobilisation permet de dépister les pathologies de plus en plus tôt et de plus en plus finement. Il y a donc un effet d'augmentation de la prévalence, auquel il faut ajouter l'élargissement du spectre pour quelques pathologies dont l'autisme, d'où des effets de progression assez vertigineux.

Quand j'ai appris la pédopsychiatrie, on apprenait la névrose et la psychose. Aujourd'hui, on a beaucoup plus de pathologies intermédiaires, avec des troubles de la personnalité et des troubles limite ou borderline. Jusqu'à 18 ans, les classifications sont ainsi faites qu'on ne pose pas de diagnostic de trouble de la personnalité, même si l'on voit bien les choses se dessiner. Roger Misès parlait de troubles de la personnalité « en train de se constituer ». Cela permet de travailler de plus en plus tôt et c'est bien utile.

Par ailleurs, il faut prendre en compte la multiplication des addictions et des expérimentations. Je n'ai pas un patient adolescent qui n'ait pas expérimenté ou qui ne consomme pas régulièrement de cannabis. Dans la plupart des cas, ce n'est pas la raison principale de leurs difficultés.

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