Intervention de Aline Archimbaud

Mission d'information situation psychiatrie mineurs en France — Réunion du 24 janvier 2017 à 14h50
Audition du professeur jean-philippe raynaud chef de service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent supea au centre hospitalier universitaire chu de toulouse

Photo de Aline ArchimbaudAline Archimbaud :

Vous avez évoqué le fait que certains enfants ou adolescents restaient à l'hôpital plusieurs années.

Quelles sont les causes de cette situation ? Tient-elle aux pathologies ou aux démarches qui sont mises en oeuvre ?

Quels seraient selon vous les moyens de sortir de cette situation ?

Pr Jean-Philippe Raynaud. - Ces enfants très jeunes et ces adolescents sont en général polyhandicapés : ils ont par exemple à la fois un retard mental, des troubles autistiques, de gros troubles du comportement et, bien souvent, ils se trouvent dans des situations familiales complexes, par exemple avec des parents qui n'en peuvent plus.

Du fait de leur polyhandicap, ces enfants connaissent les institutions depuis longtemps et parfois ces dernières n'en veulent plus au motif qu'ils sont trop violents, trop compliqués à gérer ou qu'elles ne sont pas assez équipées.

Notre travail est d'accueillir ces jeunes quand ils sont en phase de décompensation. Mais lorsque nous les avons aidés à retrouver un équilibre, il arrive que toutes les portes se ferment à l'extérieur. C'est parfois du fait du jeune lui-même qui peut avoir laissé un souvenir épouvantable, avec des actes très violents comme d'essayer d'étrangler un éducateur.

Deuxièmement, c'est aussi un problème d'image ou de représentation. À partir du moment où un jeune a passé plusieurs mois en psychiatrie, on a tendance à penser qu'il va être très difficile de le prendre en charge ailleurs qu'en psychiatrie. Mais quand un patient est suivi en soins intensifs ou en réanimation de cardiologie, son médecin traitant prend le relais à sa sortie. De plus, des tuilages sont toujours possibles.

Il y a maintenant des commissions pour les cas complexes mais je dois reconnaître que sur ces trois ou quatre adolescents qui font de séjours longs dans mon service, elles ne nous aident pas beaucoup. Le dernier qui est sorti est parti en psychiatrie d'adulte le jour de ses 18 ans. Nous n'en sommes pas très fiers.

Où est-il aujourd'hui ?

Pr Jean-Philippe Raynaud. - À l'hôpital psychiatrique Marchant. Je sais par un collègue que cela ne s'y passe pas si mal. C'était aussi le cas chez nous mais le problème est qu'un séjour de 3 ou 4 ans à l'hôpital lui a fait perdre le peu d'adaptation qu'il avait avant.

Que font les malades toute la journée ?

Pr Jean-Philippe Raynaud. - Nos services sont très riches et les malades sont loin d'y être désoeuvrés. Ils ont des soins, des ateliers, de la rééducation, des activités ludiques et ils peuvent bénéficier d'une scolarité. Mais il ne faut pas confondre la psychiatrie avec de l'animation. Il s'agit d'abord de soins. Je compare souvent les soins psychiatriques aux soins intensifs : ils sont coûteux et ils demandent beaucoup de personnel ; c'est pourquoi les patients qui vont mieux doivent laisser la place à ceux qui en ont besoin. Nous devons donc aider le médico-social sur ces cas de polyhandicap.

J'ajouterai pour conclure que je suis favorable à la création d'un DES de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent. Une réforme du troisième cycle des études médicales est en cours. Au niveau européen, les pédopsychiatres sont formés en moyenne en trois ou quatre ans. En France, ils sont formés au maximum en deux ans, ce qui est insuffisant pour leur garantir des compétences solides. Il est clair que nous serons moins nombreux. Il faut donc que nous soyons mieux formés et plus armés.

En Allemagne où existent un DES de psychiatrie de l'enfant et un DES de psychiatrie de l'adulte, on note, premièrement, une reconnaissance de la pédopsychiatrie ; deuxièmement, la transition dans le parcours de soins ; et troisièmement, une amélioration des relations entre la psychiatrie de l'adulte et la psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent. Nous ne sommes pas les parents pauvres mais l'enfant pauvre de la psychiatrie et de la médecine ! Ce qu'il faut garder en tête, c'est que je reconnais l'autre lorsqu'on est sur un pied d'égalité.

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