Ce n'est pas tant le manque de moyens que la répartition géographique et fonctionnelle des ressources qui pose problème en pédopsychiatrie. Or pour l'aide sociale à l'enfance par exemple, la pédopsychiatrie n'intervient souvent qu'en ultime recours, alors même que, face à des enfants gravement perturbés, un travail à long terme est nécessaire.
Vous m'avez interrogée sur l'état des connaissances et sur la relation entre les conditions socioéconomiques et les troubles psychiatriques chez les enfants. L'association de la pauvreté aux troubles psychiatriques ne fait pas de doute et est décrite internationalement. Le problème tient à l'explication de cette relation. Il y a deux façons de l'interpréter. Selon l'hypothèse de la « social causation », la pauvreté, et tout ce qu'elle recouvre, de la difficulté d'accès à l'éducation aux mauvais traitements, ferait que les personnes pauvres deviennent malades : c'est la société qui rend malade. Inversement, selon la théorie de la sélection sociale, les personnes fragiles, ayant des difficultés à s'adapter à l'environnement, deviennent de ce fait pauvres. Des travaux britanniques montrent que des enfants éprouvant des difficultés émotionnelles à l'école primaire ont une plus grande probabilité d'exercer des emplois précaires trente années plus tard. Le fait d'être fragile entraîne de facto une descente dans l'échelle sociale.
Les deux hypothèses peuvent se cumuler, avec un cercle vicieux : vous êtes fragile, donc vous vous retrouvez dans une situation difficile, qui ensuite n'arrange pas votre pathologie. Les théories privilégient actuellement les interactions gênes-environnement, compatibles avec les deux hypothèses. Selon cette analyse, les personnes avec une fragilité génétique ne vont développer de maladie que si elles sont confrontées aux difficultés qui accompagnent la pauvreté, mais aussi ces personnes n'arrivent pas à gérer les difficultés et à sortir de la pauvreté lorsqu'elles s'y trouvent.
En matière de santé mentale, la notion de causalité doit être considérée avec prudence. Cela dit, il est aujourd'hui établi que la génétique et l'environnement jouent un rôle.