Mission d'information situation psychiatrie mineurs en France

Réunion du 17 janvier 2017 à 14h35

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • GHT
  • adolescent
  • mentale
  • psychiatrie
  • psychiatrique
  • pédopsychiatrie
  • troubles

La réunion

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La réunion est ouverte à 14 h 35.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Je préside cette séance à la place du président Alain Milon, qui vous prie de l'excuser.

Je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation et de nous avoir communiqué l'important travail fait par le Haut conseil à la santé publique sur l'évaluation du plan psychiatrie et santé mentale 2011-2015. Le Haut conseil à la santé publique est en effet investi depuis longtemps sur les questions de santé mentale et d'efficacité des politiques publiques dont celles en matière de psychiatrie.

Notre sujet, comme vous le savez est la prise en charge psychiatrique des mineurs. C'est donc un cadre défini même si les tentations sont grandes de l'élargir et les frontières sont parfois poreuses.

Vous nous avez préparé une présentation que nous allons écouter avec intérêt avant que le rapporteur Michel Amiel et les autres sénateurs présents ne vous posent des questions.

Je vous indique par ailleurs que cette audition est ouverte au public et à la presse.

Debut de section - Permalien
Viviane Kovess-Masféty présidente de la Commission spécialisée évaluation, stratégie et perspective (CSESP)

Nous vous remercions de cette invitation. Le Haut conseil à la santé publique a été créé en 2004, reprenant les missions du Haut comité de la santé publique et du Conseil supérieur d'hygiène publique. La loi de modernisation de notre système de santé a rénové ses missions, qui sont principalement de contribuer à l'élaboration du plan national de santé, de fournir une expertise et des réflexions prospectives aux agences sanitaires et aux pouvoirs publics. Surtout, le Haut conseil à la santé publique contribue à l'élaboration d'une politique : cette année, il s'agit d'établir une politique de l'enfant globale et concertée.

Pour conduire ces missions, le Haut conseil à la santé publique évalue des plans : récemment, nous avons évalué le plan psychiatrie et santé mentale et le programme national d'action contre le suicide.

Le Haut conseil à la santé publique peut être consulté par les ministres intéressés, ainsi que par les présidents des commissions compétentes du Parlement, sur toute question relative à la prévention, à la sécurité sanitaire ou à la performance du système de santé. Si toutes les directions générales nous saisissent, la direction générale de la santé est notre principale commanditaire.

Le Haut Conseil regroupe des équipes pluridisciplinaires. Je suis psychiatre, avec une formation de santé publique, Claudine Berr est médecin et chercheur à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) ; s'ajoutent également des profils des sciences humaines, des économistes, des géographes, des sociologues, ainsi que des médecins de diverses spécialités. Nous sommes reconnus pour notre capacité à fédérer les organismes partenaires et les praticiens de terrain.

Ces précisions faites, je vais vous présenter le contexte de la psychiatrie et de la santé mentale, puis Claudine Berr récapitulera les principaux enseignements de l'évaluation.

La santé mentale et les maladies mentales forment un sujet très vaste et complexe, ce qui n'empêche pas un traitement rigoureux. En premier lieu, les maladies mentales constituent un ensemble de symptômes ayant un retentissement significatif sur le fonctionnement des personnes. Elles font l'objet de classifications, à l'instar de la classification américaine DSM, dont la cinquième version a introduit de nombreuses modifications en psychiatrie infanto-juvénile. Elle a consacré l'évolution de différentes catégories d'autisme et de troubles du développement au profit d'une conception plus large de troubles du spectre autistique, regroupant ces différentes maladies classées en trois niveaux de gravité en fonction de l'assistance nécessaire. Cette évolution a des répercussions sur la quantité de patients concernés : un enfant sur quatre cents pour les troubles autistiques, contre un pour cent pour les troubles du spectre autistique. D'une façon générale, ces classifications sont adaptées pour tenir compte de la spécificité des enfants.

En second lieu, la détresse psychologique regroupe des symptômes psychologiques, souvent passagers, et très fréquents en population générale : qu'il s'agisse des enfants, adolescents ou adultes, environ 15 % à 20 % de la population a des symptômes de ce type. Il est important de garder en mémoire ces masses différentes de populations. En fonction du groupe de pathologies considéré, si le système psychiatrique doit connaître 20 % de la population, il va avoir du mal à remplir son rôle. C'est pourquoi il est important de faire cette distinction entre des maladies mentales ayant des conséquences importantes sur le développement, et des symptômes passagers. Je ne dis pas que rien ne doit être fait pour ces symptômes passagers, mais il n'est pas certain que ce soit la psychiatrie qui doive intervenir.

En troisième lieu, la santé mentale positive correspond à la notion plus large du bien-être.

À ces concepts différents répondent des besoins de soins distincts : des soins psychiatriques ou des soins de santé mentale.

Une des spécificités de la pédopsychiatrie est que l'enfant ne demande pas lui-même des soins. L'adolescent peut le faire, mais pas le jeune enfant. C'est donc son entourage qui va porter sa parole. Or les enquêtes épidémiologiques en pédopsychiatrie soulignent bien que les symptômes sont perçus très différemment par l'enfant, les parents et les enseignants. Ainsi l'agitation est-elle beaucoup mieux perçue par les enseignants que par les parents. Surtout, les symptômes qui gênent sont perçus très différemment par l'entourage : les principaux motifs de consultation d'un pédopsychiatre sont l'échec et les difficultés scolaires, ainsi que les troubles des acquisitions et du comportement. Par conséquent, les troubles dépressifs et anxieux ne sont pas les plus rapportés à la psychiatrie.

Les problèmes se forment très tôt, et l'adolescence s'inscrit en continuité avec l'enfance. En matière de politique publique, il faut donc s'interroger sur l'intérêt de s'intéresser à la petite enfance et à la période de 6 à 11 ans, dès lors qu'il est plus facile de traiter certains troubles à cet âge que lors de l'adolescence.

En outre, l'enfance concerne des intervenants multiples : la famille, l'enseignement, la justice, les services sociaux. Chacun veut de bonne foi protéger l'enfant et faire son bien. L'articulation des différentes instances autour de l'enfant est particulièrement complexe. D'une façon générale, le monde de la psychiatrie infanto-juvénile ressent un déni général de la maladie mentale. Ce déni existe pour l'adulte, mais il est encore plus fort en psychiatrie infanto-juvénile : il est difficile d'admettre que la maladie mentale existe chez les enfants. Ce déni général va de pair avec une stigmatisation de la psychiatrisation, des médicaments psychotropes, en contradiction avec les pratiques réelles, dans la mesure où environ 7 % des jeunes filles de moins de 15 ans ont pris au moins un anxiolytique dans l'année.

S'ajoutent des clivages entre les soignants, les rééducateurs, les enseignants, les travailleurs sociaux, les intervenants judiciaires : ces professionnels éprouvent des difficultés à travailler ensemble autour de l'enfant.

La question est de savoir si la pédopsychiatrie, qui dispose de moyens non négligeables, exerce bien dans son domaine de compétence. La pédopsychiatrie intervient dans des domaines qui ne sont pas de son ressort, et se trouve de facto exclue des champs où sa compétence pourrait être la plus utile et où se trouvent les troubles les plus graves : l'aide sociale à l'enfance, le médicosocial. Alors que ces domaines devraient constituer le coeur de métier des pédopsychiatres, quand ils sont appelés à l'aide sociale à l'enfance ou dans le médicosocial, c'est le plus souvent pour « éteindre un feu ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

Nous faisons face à un véritable problème de ressources : les pédopsychiatres seraient certainement plus utiles pour soigner les enfants vraiment malades.

Debut de section - Permalien
Viviane Kovess-Masféty

Ce n'est pas tant le manque de moyens que la répartition géographique et fonctionnelle des ressources qui pose problème en pédopsychiatrie. Or pour l'aide sociale à l'enfance par exemple, la pédopsychiatrie n'intervient souvent qu'en ultime recours, alors même que, face à des enfants gravement perturbés, un travail à long terme est nécessaire.

Vous m'avez interrogée sur l'état des connaissances et sur la relation entre les conditions socioéconomiques et les troubles psychiatriques chez les enfants. L'association de la pauvreté aux troubles psychiatriques ne fait pas de doute et est décrite internationalement. Le problème tient à l'explication de cette relation. Il y a deux façons de l'interpréter. Selon l'hypothèse de la « social causation », la pauvreté, et tout ce qu'elle recouvre, de la difficulté d'accès à l'éducation aux mauvais traitements, ferait que les personnes pauvres deviennent malades : c'est la société qui rend malade. Inversement, selon la théorie de la sélection sociale, les personnes fragiles, ayant des difficultés à s'adapter à l'environnement, deviennent de ce fait pauvres. Des travaux britanniques montrent que des enfants éprouvant des difficultés émotionnelles à l'école primaire ont une plus grande probabilité d'exercer des emplois précaires trente années plus tard. Le fait d'être fragile entraîne de facto une descente dans l'échelle sociale.

Les deux hypothèses peuvent se cumuler, avec un cercle vicieux : vous êtes fragile, donc vous vous retrouvez dans une situation difficile, qui ensuite n'arrange pas votre pathologie. Les théories privilégient actuellement les interactions gênes-environnement, compatibles avec les deux hypothèses. Selon cette analyse, les personnes avec une fragilité génétique ne vont développer de maladie que si elles sont confrontées aux difficultés qui accompagnent la pauvreté, mais aussi ces personnes n'arrivent pas à gérer les difficultés et à sortir de la pauvreté lorsqu'elles s'y trouvent.

En matière de santé mentale, la notion de causalité doit être considérée avec prudence. Cela dit, il est aujourd'hui établi que la génétique et l'environnement jouent un rôle.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

De quelle pauvreté parle-t-on : sociale, intellectuelle, financière ? Auquel cas, la conclusion revient à dire que la richesse règle les problèmes.

Debut de section - Permalien
Viviane Kovess-Masféty

Je vous expose l'état actuel des connaissances : il y a une relation entre l'appartenance à une catégorie sociale défavorisée et la prévalence des problèmes de santé mentale. Cependant, la difficulté est que les données sont majoritairement américaines. Or l'appréhension de la pauvreté n'est pas identique entre l'Amérique du Nord et l'Europe, et encore moins entre les États-Unis et la France. Dans l'étude que j'ai réalisée en région Provence-Alpes-Côte-D'azur sur des données françaises, la relation entre les catégories socioprofessionnelles des parents et les troubles des enfants mettait en évidence une courbe en « U » : les enfants les plus à risque étaient les enfants les plus pauvres et les plus riches ; les enfants qui allaient le mieux étaient ceux des classes moyennes.

Mais il est très délicat d'extrapoler des enquêtes nord-américaines vers un contexte français très différent, pour lequel très peu d'enquêtes épidémiologiques sont réalisées.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Comment expliquer qu'il y ait aussi peu d'enquêtes conduites en France ?

Debut de section - Permalien
Viviane Kovess-Masféty

Avant de répondre à votre question, je voudrais vous présenter une enquête mondialement connue. Il est difficile de savoir pour quelles raisons les gens sortent de la pauvreté, et notamment s'ils en sortent grâce à une résistance plus forte. Cette difficulté méthodologique doit être prise en compte. Or cette étude neutralise ce biais : en Caroline du Nord, certaines personnes sont sorties de la pauvreté grâce aux accords passés lors de l'ouverture d'un casino, octroyant une somme d'argent significative à certaines familles. L'étude a analysé les effets de la sortie de la pauvreté de ces personnes sur quatre ans. Les résultats conduisent à distinguer plusieurs groupes : ceux à qui l'on donne de l'argent et qui ne sortent pas de la pauvreté, ceux à qui l'on en donne et qui en sortent, et ceux qui n'étaient pas pauvres, ce qui permet de faire un étalonnage. Il en ressort que, quand les enfants sortent de la pauvreté, les troubles de conduite s'améliorent considérablement, alors que les troubles anxieux et dépressifs ne se réduisent pas.

La restauration du rôle parental semble un des facteurs principaux de ces résultats. En d'autres termes, à partir du moment où les gens sortent de la pauvreté, ils n'ont plus besoin de travailler autant, et passent plus de temps avec leurs enfants, ce qui restaure une relation parentale.

Mais tout n'est pas transposable : cette étude a été réalisée en milieu rural ; rien ne dit qu'elle aurait du sens en milieu urbain, ou en France. Il faut donc conduire des études françaises, dans les conditions sociales françaises. Actuellement la recherche épidémiologique en santé mentale se résume à peu de choses : deux enquêtes d'Éric Fombonne sur l'autisme dans quatre régions en 1985, une enquête en population générale à Chartres en 1987, une enquête GAEL sur les enfants d'une cohorte de travailleurs d'EDF-GDF entre 1991 et 1999, ou encore l'enquête que j'ai effectuée en 2005 en région Provence-Alpes-Côte-D'azur.

Nous rencontrons donc de grosses difficultés en France pour mettre en place des enquêtes épidémiologiques, sur les adultes mais plus particulièrement sur les enfants. Cette difficulté résulte notamment de positions anti épidémiologie. La plupart des gens sont très peu formés sur les instruments standardisés et sur la façon de conduire une enquête épidémiologique.

Les difficultés sont également présentes en ce qui concerne la recherche évaluative, même si des améliorations récentes doivent être soulignées. Il y a très peu de recherche appliquée : la recherche médicale française se porte bien dans de nombreux domaines, mais ce n'est pas le cas de la recherche appliquée. Des expériences dites innovantes prolifèrent, sans que l'on sache si elles le sont réellement. Ce sont souvent des actions déjà prévues et appliquées dans le passé au sein des secteurs mais non évaluées objectivement, et souvent arrêtées lorsque le porteur emblématique du projet n'est plus présent.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

L'innovation est un terme que l'on utilise très souvent, en santé comme dans d'autres domaines. Quel est pour vous le concept d'innovation en psychiatrie et plus particulièrement en pédopsychiatrie ?

Debut de section - Permalien
Viviane Kovess-Masféty

C'est quelque chose qui n'avait jamais été fait auparavant. Pour qu'on puisse dire qu'une pratique est innovante, il faut aussi qu'elle ait été évaluée selon un protocole avec un groupe de contrôle. Le double problème porte souvent sur l'évaluation, d'une part, et sur la transposabilité, d'autre part. Si vous suivez une pratique intéressante, il faut pouvoir le prouver, puis décrire cette intervention afin de déterminer les ingrédients nouveaux et innovants de votre pratique. Un exemple d'intervention innovante récente en Australie pour la schizophrénie permettrait de détecter, pour des enfants à ultra haut risque, de détecter ce fort niveau de risque et donc d'éviter le passage psychotique.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Pouvez-vous nous définir brièvement le concept d'ultra haut risque en psychiatrie ?

Debut de section - Permalien
Viviane Kovess-Masféty

Cette situation recouvre un ensemble de symptômes : des antécédents familiaux de schizophrénie ou de troubles psychotiques, une timidité excessive, une angoisse très forte, des troubles dépressifs, etc. En tout état de cause, la combinaison de risques génétiques, d'éléments symptomatologiques, de difficultés relationnelles, permettrait de prévoir la possible survenue de troubles. L'enjeu de la recherche est d'identifier des éléments suffisamment prédictifs, afin de tenter d'éviter le passage psychotique. Mais je préfère, sur ce point, vous communiquer des publications afin d'éviter toute approximation.

L'évaluation du plan psychiatrie et santé mentale a mis en évidence des efforts en matière de recherche appliquée. En particulier, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) a financé plusieurs projets en ce sens. Malheureusement, parmi les projets présentés, peu sont en psychiatrie, et très peu réussissent l'évaluation préalable à l'octroi de financement. Ces efforts se heurtent donc à l'absence d'un tissu de chercheurs formés pour ces recherches.

Une autre difficulté en France est l'absence de la recherche infirmière et paramédicale : au Canada, par exemple, existent des sciences infirmières où les infirmières font des maîtrises et des doctorats. Cette situation permet une formation en recherche et la formulation de questions de recherche très pragmatiques, mais selon des modalités scientifiques. Or cela n'existe pas en France : le département en recherche infirmière de l'École des hautes études en santé publique n'a ainsi pas prospéré.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Pourquoi ce retard de la France en matière épidémiologique, en recherche appliquée, en recherche paramédicale ? On met toujours en avant la question des moyens, or ce n'est pas évident si l'on compare à d'autres pays. Est-ce donc un manque de culture, un tabou ?

Debut de section - Permalien
Viviane Kovess-Masféty

Je suis franco-canadienne et j'ai exercé comme psychiatre dans des hôpitaux canadiens. Au Canada, les infirmières en psychiatrie font une grande partie de ce que font les psychiatres en France : le découpage des professions n'est pas le même, car la formation n'est pas la même.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

La spécificité de certaines formations infirmières, comme la formation d'infirmières psychiatriques par exemple, a été supprimée. Pensez-vous que ce fut une mauvaise décision ?

Debut de section - Permalien
Viviane Kovess-Masféty

Il y a plusieurs sujets. Je parle de la formation des infirmiers en général. Un point central de la réflexion de l'organisation du système de soins porte sur la répartition entre ce que font les médecins et ce que font les non-médecins, les infirmiers, les kinésithérapeutes, les sages-femmes, les psychologues. La France suit encore le modèle d'Europe du Sud sur cette question : le médecin a un pouvoir et un savoir très important, et les autres personnels doivent l'assister. La question ne porte pas sur les moyens, mais sur l'état d'esprit : est-ce qu'on offre une carrière universitaire aux infirmiers, en leur permettant d'accéder à des niveaux maîtrise ou doctorat, en leur ouvrant la recherche ?

Pour la psychologie, la situation est différente. La psychanalyse a été très accusée, j'en suis plutôt une défenderesse. Mais il faudrait une répartition différente : aujourd'hui le monde de la psychologie n'est pas structuré pour faire de la recherche évaluative. Dans les pays anglo-saxons, les psychologues ont un rôle très important en épidémiologie psychiatrique comme en recherche évaluative. C'est beaucoup plus difficile en France.

Par ailleurs, je tiens à souligner le rôle très positif de la Haute Autorité de santé (HAS) en ce domaine, avec des revues de littérature internationale, y compris sur des pratiques très concrètes. Le problème concerne ensuite la diffusion des recommandations de bonnes pratiques.

Pour terminer, notre propos est d'encourager la formation et la multidisciplinarité en accordant une attention particulière au médecin généraliste, dont on ne peut que souligner le besoin de formation en psychiatrie.

Debut de section - Permalien
Claudine Berr, présidente de la commission spécialisée maladies chroniques (CSMC), représentant le Haut Conseil de la santé publique (HCSP)

Je vais poursuivre en vous présentant les travaux du Haut conseil à la santé publique sur l'évaluation du plan psychiatrie et santé mentale. Nous avons conduit des auditions nationales et régionales. Certains éléments du rapport d'évaluation nous ont ainsi été rapportés par les acteurs de terrain des cinq régions que nous avons visitées.

Un premier constat, que l'on retrouve dans la psychiatrie des adultes, est le problème des retards de prise en charge.

Quelles sont les actions que nous avons pu mettre en exergue, sachant que pour la majorité d'entre elles nous ne disposons pas d'évaluations de leur efficacité ? Certaines démarches d'évaluation sont en cours, mais elles demeurent rares. Il est tout d'abord possible de relever l'essor des maisons d'adolescents, présentes désormais dans quasiment tous les départements. Elles jouent un rôle très important pour le repérage et les premières étapes de prise en charge. Ensuite, des initiatives locales peuvent aussi être soulignées, comme la présence de psychologues dans les missions locales pour l'emploi, qui accueillent les jeunes de 16 ans à 25 ans en recherche d'emploi, souvent sans formation. S'agissant de l'accès aux centres médico-psychologiques (CMP), où les délais pour obtenir un premier rendez-vous sont très importants, des initiatives de terrain sont parfois lancées pour diminuer les délais, tels des binômes d'accueil entre un psychologue et un infirmier en Franche-Comté. Notre conclusion est que les délais traduisent plus un problème d'organisation que de moyens.

Debut de section - Permalien
Claudine Berr, présidente de la commission spécialisée maladies chroniques (CSMC), représentant le Haut Conseil de la santé publique (HCSP)

C'est notre conclusion pour l'Île-de-France, mais elle n'est pas nécessairement généralisable : les résultats peuvent être différents d'un département à l'autre.

Également, nous avons noté des problèmes d'adressage des enfants : il s'opère de moins en moins par le scolaire. Des regrets nous ont été exprimés sur la suppression des réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (Rased), qui tenaient une grande place dans la prévention.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Les Rased ont-ils été supprimés partout sur le territoire ?

Debut de section - Permalien
Claudine Berr, présidente de la commission spécialisée maladies chroniques (CSMC), représentant le Haut Conseil de la santé publique (HCSP)

S'ils ne sont pas supprimés partout, les moyens consacrés sont vraiment fortement réduits et ils ne remplissent donc plus les mêmes missions.

Par ailleurs, des structures de soins dédiés ont été développées : citons des CMP pour adolescents en Bretagne, des dispositifs d'accueil et de soins pour adolescents et jeunes adultes, des lits de crise réservés en pédiatrie en Franche- Comté.

En ce qui concerne la continuité des soins, le Haut conseil à la santé publique a relevé un manque de prévisibilité de la pédopsychiatrie. Nous avons déjà mentionné la diminution programmée des ressources humaines : la pédopsychiatrie fait face à un grand manque de professeur des universités-praticien hospitalier (PUPH) et l'enseignement ne peut plus être assuré dans les mêmes conditions. S'ajoute également un problème humain pour le recrutement des paramédicaux salariés dans les institutions.

Le manque de lits en pédopsychiatrie constitue un problème récurrent, en particulier dans certaines régions. Or les taux d'hospitalisation augmentent, ce qui provoque parfois des situations de pénurie, où des soins non programmés conduisent à des hospitalisations dans des lieux inadéquats. À cet égard, une des situations les plus regrettables est la présence d'enfants dans des structures de psychiatrie adultes. Les délais d'attente pour les hôpitaux de jour sont très importants, conduisant souvent à des situations de crise, dont la survenue aurait pu être évitée.

La transition d'un âge à l'autre suscite aussi des interrogations pour la psychiatrie infanto-juvénile: la périnatalité, l'enfance, l'adolescence, puis l'entrée dans le système adulte. La sortie de la pédopsychiatrie, qui s'opérait à 16 ans auparavant, est désormais prévue à 18 ans. Une piste intéressante est de développer des maisons d'adolescents qui étendent leur action au-delà du mal-être, pour devenir des unités de soins permettant de préparer la transition vers la psychiatrie pour adultes. Pour les familles également, la transition entre la pédopsychiatrie et la psychiatrie pour adultes constitue une difficulté.

Nous avons aussi rencontré les acteurs du médico-social et du social, en particulier des responsables de maisons départementales de personnes handicapées (MDPH). Il en ressort que les relations sont difficiles entre le soin et le médicosocial. Les professionnels du soin se plaignent de l'absence de sollicitation des MDPH par les pédopsychiatres, entraînant des risques de ruptures de soins. Les délais entre les décisions prises pour établir le projet de vie de l'enfant et la prise en charge de terrain sont facteur de pertes de chance pour les jeunes et d'embolisation du système, car ces jeunes continuent d'être pris en charge par les structures qui les ont accueillis, sans pouvoir les transférer dans les structures qui devraient les accueillir. A l'inverse, les MDPH nous ont fait part de difficultés dans le remplissage des certificats médicaux, en particulier pour les enfants présentant un handicap psychique, et dans leur évaluation des besoins de l'enfant.

Enfin, de nombreux enfants et adolescents sont sans solution : les relations entre l'aide sociale à l'enfance et la pédopsychiatrie sont difficiles, en particulier s'agissant des jeunes qualifiés « d'incasables ».

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Il reste un volet important à traiter concernant le suicide. Je propose de vous réinviter pour que l'on aborde ce sujet lors d'une prochaine audition.

Debut de section - Permalien
Claudine Berr, présidente de la commission spécialisée maladies chroniques (CSMC), représentant le Haut Conseil de la santé publique (HCSP)

Je termine mon propos en soulignant que, souvent, les enfants sont dans des circuits médicosocial ou psychiatrique, selon les intervenants qui ont déclenché la prise en charge au moment de la détection des troubles. Des expérimentations sont conduites, comme les groupes de travail créés par la direction générale de la cohésion sociale sur « les jeunes incasables », ainsi que des dispositifs de coordination à différentes échelles - régionale, départementale. Les MDPH font un travail de fond pour tenter de fluidifier les parcours.

Debut de section - Permalien
Viviane Kovess-Masféty

Une précision sur les inégalités territoriales d'accès aux soins en psychiatrie : en psychiatrie générale, le nombre de lits d'hospitalisation par département variaient de 1 à 5 en 2011, et de 1 à 3 en 2015 ; en psychiatrie infanto-juvénile, le ratio est de 14 lits pour 100 000 habitants, mais cette moyenne cache des écarts très importants, qui se sont accentués sur la période 2011-2015. Certes, les agences régionales de santé (ARS) mettent en place des mécanismes de péréquation pour réduire les inégalités entre régions, et, au niveau national des efforts de régulation des dotations sont conduits afin d'amorcer un rééquilibrage, mais les inégalités demeurent fortes. De nombreuses zones sont sous-denses en psychiatres, a fortiori en pédopsychiatres. Il faut savoir que la pédopsychiatrie libérale est un mode d'exercice assez rare.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Lors de la prochaine audition, nous aborderons la question du suicide et le mouvement de réorganisation, avec les groupements hospitaliers de territoire (GHT).

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Mesdames, Messieurs, nous vous remercions d'avoir accepté notre invitation à échanger sur la prise en charge psychiatrique des mineurs. On le sait celle-ci est largement tributaire des moyens humains mis au service de la santé mentale dans notre pays. On sait aussi que la prise en charge psychiatrique des mineurs est à plus de 90 % une prise en charge ambulatoire et qu'il existe très peu de lits pour les mineurs. Ceci pose d'ailleurs parfois problème lorsqu'un lit est nécessaire, notamment pour faire face aux situations d'urgence, et qu'il n'y a parfois de lits que dans des services pour adultes.

Enfin le contexte dans lequel interviennent les établissements de santé mentale a été modifié, au moins pour les établissements publics, par la mise en place des groupements hospitaliers de territoire, sachant que l'activité privée dans ce domaine est très importante. Il nous a donc paru indispensable de vous entendre et de connaître votre vision de la prise en charge psychiatrique des mineurs sur le territoire et des mesures qui vous paraissent nécessaire pour l'améliorer. Je vous demanderai simplement dans un premier tour de table de présenter rapidement votre fédération puis chacun aura la parole pour un bref propos introductif après lequel le débat pourra s'engager. Je vous rappelle que notre audition de ce jour est ouverte au public et à la presse et vous laisse la parole.

Docteur Gilles Moullec, vice-président du Bureau national de l'Association des établissements participant au service public de santé mentale (ADESM). -Notre association regroupe 200 établissements publics et privés à but non lucratifs ; ces établissements étant spécialisés ou non. Nous comptons ainsi parmi nos membres des centres hospitalo-universitaires (CHU). Avec ma collègue vice-présidente, Mme Luce Legendre, nous intervenons en l'absence de M. Pascal Mariotti qui siège actuellement au Conseil de santé mentale.

Docteur Olivier Drevon, président de président de l'Union nationale des cliniques psychiatriques privées (UNCPSY). - Je suis psychiatre et préside l'Union nationale des cliniques psychiatriques privées (UNCPSY) qui fait partie de la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP) et que représentent également le Docteur Vincent MASETTI, coordonnateur pour le groupe Clinea et M. David Castillo, délégué général.

Debut de section - Permalien
David Causse, coordonnateur du pôle santé social de la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés non lucratifs (Fehap)

Je représente, avec ma collègue Anne-Charlotte de Vasselot, la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés non lucratifs (Fehap). Nous fédérons des associations, des structures mutualistes, des institutions de prévoyance, complémentaires et de retraites, qui gèrent des établissements tant médicaux, que sociaux et médico-sociaux.

Debut de section - Permalien
David Gruson, délégué général de la Fédération hospitalière de France (FHF)

J'interviens comme délégué général de la Fédération hospitalière de France qui est aussi représentée par mon adjoint, M. Alexandre Mokédé. C'est pour nous une grande satisfaction que votre mission d'information se soit saisie du sujet majeur de la psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent. La fédération hospitalière de France a fait connaître en 2015, avec sa commission psychiatrie et santé mentale, une série de propositions que nous allons vous transmettre.

Le contexte rend nécessaire une mobilisation forte et rapide sur ces questions avec plusieurs éléments de préoccupation qui nous remontent du terrain. En effet, on constate des besoins et une demande accrus dans les différents champs de la psychiatrie et de la prise en charge des enfants et des adolescents, qu'il s'agisse de la périnatalité, de l'autisme ou des populations migrantes, voire de la question de la radicalisation des jeunes.

Dans ce contexte, notre dispositif de prise en charge est mis en tension par les problématiques de démographie médicale, notamment dans le domaine de la pédopsychiatrie qui connaît une indéniable baisse. Ces difficultés sont d'ailleurs exacerbées par les inégalités territoriales. Le Plan de santé mentale 2005-2008 pointait déjà le paradoxe de la démographie médicale en France : avec l'une des densités de professionnels de santé exerçant en psychiatrie parmi les plus fortes en Europe, on constate une forte hétérogénéité entre les territoires et entre les modes d'exercice public et libéral. On perçoit également un effet d'entonnoir sur les besoins de financement pour accompagner le développement des secteurs. À cet égard, la FHF appelle de ses voeux l'évolution du mode de financement des établissements psychiatriques.

Pour répondre à ces enjeux considérables, plusieurs axes de réflexion peuvent être avancés. Il convient d'articuler l'organisation des modes de prises en charge et d'accompagnement entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social. Si cette séparation peut être justifiée par le statut juridique des établissements, elle est beaucoup moins pertinente s'agissant des modes de prise en charge et de la nécessité de s'organiser en cours d'intervention. En effet, la succession ou l'empilement des solutions crée trop souvent des ruptures dans les parcours. Cela se vérifie particulièrement dans les situations d'urgence ou de crise, lorsque les différentes structures ne se complètent pas de manière fluide.

Pour améliorer cette situation, quelques propositions peuvent être avancées, en améliorant, d'une part, la coopération, l'articulation et la coordination entre les services de pédiatrie et les équipes de pédopsychiatrie de secteur, notamment dans l'évaluation et l'orientation des jeunes patients et en favorisant, d'autre part, le travail en réseau des structures médico-sociales et des secteurs de pédopsychiatrie, afin de mieux coordonner les interventions de chacun dans ses responsabilités sanitaires, sociales ou médico-sociales. Il convient également de favoriser le développement d'instances de travail en réseau pour faire émerger sur des territoires donnés des solutions aux situations très complexes, de type « groupes ressources » ou « intervisions » entre les établissements sanitaires et les établissements ou services médico-sociaux. Dans la facilitation de ces parcours et de ces initiatives, les départements et les ARS peuvent jouer un rôle utile. Dans ce cadre, il convient également de favoriser des dispositifs innovants et hybrides entre les équipes de pédopsychiatrie et les structures médico-sociales, comme les équipes mobiles de liaison ou encore les équipes d'intervention mixte.

Nous souhaitons également que soit mieux reconnue la prise en charge des enfants autistes dans les hôpitaux de jour de pédopsychiatrie. Les équipes de pédopsychiatrie ont fait ces dernières années, en lien avec les Centres Ressources Autisme (CRA) de chaque région, de considérables progrès en termes de formation aux techniques les plus actuelles. Cette activité de prise en charge thérapeutique a besoin d'être reconnue à la fois en termes de moyens, mais également d'articulation avec les accompagnements médico-sociaux, comme les Centres-Médico-Psycho-Pédagogiques (CMPP). Le troisième Plan Autisme a quelque peu ignoré les prises en charge sanitaires. Dans le cadre de la préparation du quatrième Plan Autisme, qui doit être mis en oeuvre après 2017, des visites d'hôpitaux de jour de pédopsychiatrie sont en cours au niveau national pour évaluer la qualité des prises en charge d'enfants autistes selon les recommandations.

Il faut également reconnaître les spécificités de la psychiatrie de l'adolescent et du jeune adulte (15-25 ans). L'adolescence est une période complexe et, sans pour autant en faire une discipline à part entière, reconnaître une psychiatrie de l'adolescent et du jeune adulte sur une tranche d'âge de 15 à 25 ans permettrait de déployer un dispositif de soins spécialisé et adapté à cette période cruciale de la vie, notamment en termes de prise en charge du premier épisode psychotique ou de prévention de la crise suicidaire.

Il faut également encourager les solutions de dépistage, de diagnostic et de prises en charge les plus précoces. En matière de prise en charge d'enfants ou d'adolescents, le dépistage et le diagnostic précoces sont essentiels dans la mise en place des soins. Ceux-ci sont mis en oeuvre par des techniques médicales et paramédicales adaptées, mais certains dispositifs, qui n'étaient pas initialement afférent à la psychiatrie, ont pu se révéler utile en matière de coordination, à l'instar du dispositif de réussite éducative qui a permis une prise en charge par les équipes favorisant l'articulation entre l'école et les soins. Il faut également développer et soutenir la psychiatrie périnatale en articulation avec tous les acteurs de la petite enfance.

Assurer cette fluidité de la coordination est certainement l'un des aspects essentiels pour aborder la psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent. Pour ce faire, il est important de prendre en compte deux évolutions qui sont plus globales, à savoir la révolution de la territorialité, qui concerne le secteur public et le déploiement des GHT, et la constitution des communautés psychiatriques de territoires qui trouvent une partie de leur raison d'être dans ce champ de la psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent. Il ne s'agit pas d'une nouvelle forme institutionnelle, mais plutôt d'un dispositif ouvert sur le secteur médico-social afin de garantir une approche thématisée par discipline.

La seconde révolution concerne le numérique avec l'enjeu majeur du déverrouillage de la télémédecine et de la téléconsultation. Nous vous adresserons des éléments sur ces dispositifs qui concernent notamment la téléconsultation psychiatrique, comme au CHS du Rouvray en Normandie. Cette démarche permet ainsi de créer des liens intelligents avec le secteur médico-social.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Je souhaiterai connaître votre avis sur la prise en charge des jeunes en urgence.

Debut de section - Permalien
David Causse, coordonnateur du pôle santé social, Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés non lucratifs (Fehap)

Dans tous nos territoires, si l'accès à un psychiatre pose déjà problème, que dire de la consultation d'un pédopsychiatre ! Or, pour former de nouveaux praticiens, encore faut-il être sûr de disposer d'un professeur par faculté ! En outre, le secteur tant sanitaire que médico-social est confronté à de nouveaux défis. Ainsi, les représentants de l'Assemblée des départements de France nous ont indiqué que la situation des mineurs isolés et des enfants migrants induit de graves conséquences, notamment en matière d'hébergement puisque, dans certains territoires, jusqu'à la moitié des lits disponibles y est consacrée. Notre système ne vit pas en vase clos, il lui faut absorber des tensions qui lui viennent de l'extérieur. Sur la détection et le diagnostic précoces, je vous invite à consulter l'avis de la Conférence nationale de santé, qui a été adopté à l'unanimité de ses membres.

S'agissant des situations d'urgence où il faut être en mesure de programmer un accueil inopiné, le système a manifestement fonctionné dans un double-déni, tant sur le versant médical que médico-social. En effet, l'absence de lits d'hospitalisation était présentée comme un facteur de modernité et une rupture avec une tradition asilaire révolue. Cependant, le maillage de l'offre n'est heureusement pas univoque et certains territoires assurent l'hospitalisation à plein temps des mineurs. Certaines hospitalisations se font ainsi dans des cadres qui ne sont pas toujours souhaitables pour les mineurs. On retrouve une telle situation dans le versant médico-social et concernant le maillage territorial qui comprend les Instituts Thérapeutiques, Educatifs et Pédagogiques (ITEP), les Instituts d'Education motrice (IEM) ou encore les centre d'action médico-sociale précoce (CAMSP). L'organisation de structures, sous la forme d'externats ouverts aux horaires de bureaux, ne permet pas de répondre aux urgences survenant en dehors de ces horaires. C'est là une vraie difficulté pour l'aide sociale à l'enfance. Comment faire ? Le principe de subsidiarité et l'intelligence de situation des acteurs dans nos territoires répondent, selon nous, à ces enjeux. Le prochain décret sur les projets territoriaux de santé mentale devrait mieux prendre en compte les spécificités territoriales. Il faut ainsi s'extraire d'une vision par trop uniforme, trouver des solutions à l'échelle des territoires et privilégier les interrelations de solidarité, grâce aux politiques sociales et médico-sociales portées par les Conseils départementaux. En effet, outre les maillages sanitaires des grandes régions et des GHT, il faut assumer une maille départementale qui soit un point de rencontre cohérent des politiques publiques que l'Etat a soutenu au travers des ARS ou via l'action des préfets ; le département étant une alvéole qui s'inscrit naturellement dans les régions constituées par les ARS.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Êtes-vous favorable à des GHT psychiatriques qui ont fait débat lors de l'examen de la dernière loi santé ?

Debut de section - Permalien
David Causse, coordonnateur du pôle santé social, Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés non lucratifs (Fehap)

Je ne suis pas le mieux placé pour aborder ce sujet, puisque le GHT est un dispositif obligatoire pour les établissements publics. Le GHT, tel qu'adopté à l'article 116 de la loi de modernisation, suscite notre interrogation à deux égards : d'une part, il est centré sur le service public et sa gouvernance tend à prendre en compte les acteurs essentiellement publics. On ne peut par conséquent en faire l'outil du pilotage territorial puisque d'autres composantes importantes, comme la médecine de ville, le secteur privé non lucratif ou encore le secteur privé à statut commercial, n'y figurent pas, bien qu'ils pourraient y participer si les GHT ne se limitaient pas au seul secteur public comme la loi en a disposé. D'autre part, l'expérience montre que la pression sur l'utilisation des ressources fait que les soins aigus et immédiats absorbent les marges de manoeuvre des agences régionales de santé au détriment parfois des investissements de santé publique de plus longue échéance en psychiatrie et dans la santé mentale. Les acteurs ont ainsi observé que les financements consacrés à la psychiatrie et à la santé mentale ont été régulièrement écornés pour financer des soins somatiques et de court-séjour. La communauté des acteurs publics et privés s'est accordée sur une dimension plus ouverte au champ médico-social, à la parole des usagers et des entraides qui se font jour au sein des communautés psychiatriques de territoires qui ne sont pas antinomiques avec la logique de fédération publique des GHT, mais qui demeurent cependant plus ouvertes à la participation des différents acteurs. Je pense néanmoins que les acteurs de statut public sont les plus à même de parler des GHT.

Docteur Gilles Moullec. - La question des GHT spécialisés a pu se poser comme le Sénateur Amiel le sait. Il faut se garder d'une certaine forme de systématisme, puisque certains territoires peuvent accueillir un GHT, tandis que d'autres en sont dépourvus. Je prendrai l'exemple des Bouches du Rhône où sont implantés trois établissements spécialisés en psychiatrie. Leur regroupement semblait relever d'une démarche rationnelle. Cependant, créer un GHT spécialisé en psychiatrie ne saurait induire la fin des relations avec les établissements somatiques. Il faut des membres associés qui soient notamment des établissements MCO. Il faut garder une cohérence territoriale. Ainsi, dans les Bouches-du-Rhône, le refus de l'un des trois établissements de se regrouper a entraîné la création d'un établissement départemental polyvalent. Pour qu'un tel établissement soit opérationnel, il lui faut individualiser la filière psychiatrique santé mentale comme prioritaire ; ce qui est, du reste, généralement le cas. A l'intérieur de cette filière prioritaire, il conviendrait également d'individualiser la filière consacrée à la psychiatrie des mineurs. Il ne fait pas oublier, non plus, le rôle des conseils locaux de santé mentale qui restent un levier puissant pour fédérer les acteurs en raison du pouvoir de convocation du maire.

La question de l'adolescence est centrale pour les urgences. Comme l'a souligné M. David Causse, trop de lits destinés à l'accueil des adolescents ont été fermés. Ces lits doivent se trouver à proximité des urgences générales. Pour bien fonctionner en termes de lits d'urgence ou de crise, il faut que ces petites structures, avec une densité importante de personnels financés, puissent fonctionner avec des durées de séjour très courtes, de l'ordre d'une semaine, à la condition que le réseau périphérique fonctionne lui aussi très bien. Lors de l'admission de ces adolescents dans l'unité, il faut ainsi anticiper le mode de sortie. Un gros travail d'articulation doit être conduit avec les différents partenaires, afin d'éviter que les unités de crise ne fonctionnent comme des unités d'hospitalisation classique dont les adolescents ne parviennent pas à sortir. L'urgence n'est pas dissociable de la problématique du réseau.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Quelle peut être l'articulation entre les secteurs public et privé ?

Docteur Olivier Drevon, président de l'Union nationale des cliniques psychiatriques privées (Uncpsy) - La psychiatrie est l'un des secteurs qui connaissent le moins de problèmes en matière d'articulation public-privé. Je pense que notre coordination, certes perfectible, repose sur le respect mutuel de ses acteurs. C'est une spécificité de notre spécialité que j'ai observée depuis trente ans. Dans les territoires de santé, on se coordonne très facilement, à la condition de le vouloir. En ce qui concerne la pédopsychiatrie, présente dans 21 établissements de la FHP, nous connaissons de sérieux problèmes de structures qui s'expliquent par l'absence de tarification spécifique dans les hôpitaux de jour pour cette spécialité. Il faut ainsi lutter pendant plusieurs mois pour obtenir un tarif. Comment est-il possible alors d'élaborer des projets médicaux ? De nombreux établissements sont en coopération avec des établissements publics ou avec les agences régionales de santé et souhaitent prendre en charge les adolescents, car ils traitent les adultes et comprennent la nécessité d'intervenir plus en amont. Les hôpitaux de jour, à la lueur de nos quinze années d'expérience, se sont spécialisés dans certaines pathologies, comme les troubles des comportements alimentaires et le traitement des addictions chez les 15-21 ans. Je passe la parole à mon collègue, le Docteur Vincent Masetti, qui va vous exposer ce qui est fait, dans sa clinique Lautréamont située en Nord-Pas-de-Calais, à l'égard des classes d'âge plus jeunes.

Docteur Vincent Masetti, coordinateur CLINEA de l'Union nationale des cliniques psychiatriques privées (Uncpsy). - Je vous invite d'ailleurs à venir visiter notre clinique Lautréamont située à Loos-lez-Lille qui répond aux besoins évoqués en matière de prise en charge des mineurs. De fait, elle illustre aussi les écarts en matière de prise en charge sur le territoire. Nos médecins exercent à mi-temps dans notre clinique et continuent leurs activités de recherche au CHU. Nous accueillons des internes également. Nous avons trois unités spécifiques, respectivement consacrées aux 8-12 ans, 12-15 ans, et aux 15-25 ans ; cette dernière classe d'âge étant la plus difficile. Notre unité fait de la recherche et poursuit des travaux innovants, tout en répondant aux exigences d'un hôpital de jour. En guise d'illustration, je rappellerai que 120 dossiers sont en attente de manière permanente pour l'hospitalisation alors que nous nous situons dans le réseau d'hospitalisation de pédopsychiatrie. Bien que nous disposions de certains relais, il nous est impossible d'accueillir toutes les demandes.

Nous ne parvenons pas à réaliser une démarche analogue dans d'autres régions que la nôtre. Ailleurs, les enfants n'auront pas la même chance d'accéder à des soins de qualité. Notre groupe a pourtant un maillage territorial national et dispose des ressources suffisantes tout en étant adossé à un cahier des charges reconnu de qualité. Afin de faire face à la pénurie de l'offre médicale, nous avons su mettre en place la délégation ; le pédopsychiatre est ainsi devenu un chef d'orchestre qui va animer une équipe de spécialistes et mettre en oeuvre des thérapies brèves et innovantes, qui permettent des prises en charge de trois semaines en moyenne. Nos outils, présents sur nos plateaux techniques, assurent le suivi objectif des patients et permettent de raccourcir les durées de séjour. De telles technologies, aussi innovantes soient-elles, réclament cependant des investissements conséquents. En revanche, nous n'avons pas encore organisé d'hôpital de nuit pour les enfants comme nous l'avons fait pour les adultes, faute d'avoir pu obtenir les autorisations nécessaires. Les disparités régionales nous empêchent ainsi de dupliquer notre modèle de manière opérationnelle.

Vos résultats ont-ils fait l'objet d'une évaluation publiée ?

Docteur Vincent Masetti. - Notre unité est vraiment en lien avec le centre hospitalo-universitaire. Ses deux médecins seniors co-publient sur ces stratégies innovantes de santé, en particulier sur le neuro-feedback. Nous sommes soumis aux certifications comme les autres établissements et mettons en oeuvre des procédures de qualité destinées à vérifier la pertinence scientifique de nos pratiques.

Debut de section - Permalien
Alexandre Mokédé, Fédération hospitalière de France

Je voulais rebondir sur la territorialisation en santé mentale, s'agissant notamment des relations entre les groupements hospitaliers de territoire, les communautés psychiatriques de territoire et la prise en charge des soins psychiatriques. Les GHT ont été défini en juillet 2016 et chaque territoire a pu voir, avec son ARS, quelle était la pertinence d'accueillir un GHT généraliste ou spécialisé en psychiatrie. En sachant que ces établissements répondent à une double logique : soit une mutualisation des fonctions, non médicales et plutôt d'ordre logistique, au sein de l'offre publique, soit l'organisation de filières publiques de prise en charge des patients sur un territoire donné. Il s'agissait alors de délimiter le territoire pertinent en prenant en compte les parcours patients et les filières nécessaires. L'objectif en pédopsychiatrie était de constituer des filières supra-territoriales, quitte à former des communautés psychiatriques de territoire permettant de dépasser le territoire du GHT et d'organiser des filières de soins publics, de manière à avoir une prise en charge adaptée aux besoins des populations et à conforter le lien avec les différents acteurs. Notre objectif est de ne plus avoir des forteresses hospitalières. Il faut abattre les murs pour en faire des ponts. De ce fait, il faut que les GHT soient le plus ouverts possible vers le monde libéral qui participe, en premier recours, à la prise en charge des patients. Il ne faut donc pas que les GHT suscitent des craintes disproportionnées.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Vous nous avez tous indiqué qu'il fallait séparer la psychiatrie de l'ensemble de la médecine hospitalière et générale. Comment voulez-vous créer un maillage si, quelles que soient les propositions qu'on vous fasse, vous entendez autonomiser votre organisation ? Comme médecin anesthésiste à l'hôpital d'Arras où se trouve un service de psychiatrie et un service de pédopsychiatrie qui a cessé d'exister le jour où son chef est parti en retraite, j'ai longtemps travaillé aux urgences. Dans ce cadre, j'ai pu constater une séparation entre le somatique et la psychiatrie qui fait que la psychiatrie ne peut pas s'occuper du somatique. Or, un patient présentant une crise psychiatrique aigüe doit nécessairement passer, dans un premier temps, aux urgences avant d'aller en psychiatrie.

Docteur Vincent Masetti. - Ce sont là des séquelles du temps passé ! Les psychiatres tentent justement de créer des ponts. Ainsi, nos établissements ont souhaité adhérer à l'ensemble des GHT, mais seuls deux de ceux-ci ont répondu à notre demande. La supra-territorialité des communautés psychiatriques de territoire a entraîné la création d'une sorte de mille-feuille supplémentaire, alors qu'il faut, au contraire, travailler sur la souplesse des régions. Les patients ne sont pas régionalisés. Je défends le fait que les établissements psychiatriques soient intégrés aux GHT ce qui me paraît normal puisque notre discipline est elle-aussi fondée par les preuves. Nos patients ont les mêmes exigences que dans les autres spécialités et c'est très bien ainsi !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Clairement, vous n'êtes pas en faveur d'un GHT-psychiatrie ?

Docteur Vincent Masetti. - Non, pas du tout. Je suis pour un GHT général qui accueille les établissements psychiatriques.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Il est vrai que les GHT ont été, à un moment, hospitalo-centrés. Pour preuve, on a opéré les découpes des territoires avant d'élaborer les projets de santé, comme nous l'avions relevé en commission. Chacun, sur ses territoires respectifs, commence à recevoir les premières remontées d'expériences. Dans le département de la Marne, j'ai pu constater une certaine ouverture du monde public vers le monde privé, la médecine de ville et la psychiatrie. Comme j'ai pu le constater en tant que président du Conseil départemental, certaines actions, pas forcément complexes d'ailleurs, pourraient être conduites, comme la mise en réseau et la télémédecine, afin d'alléger la charge du secteur médico-social qui doit gérer les jeunes en période de crise. Avec un peu de bonne volonté, des délégations de tâches, tout en formant des pédopsychiatres, permettraient d'avancer, s'agissant notamment de la tarification. Notre mission pourrait ainsi proposer de telles mesures.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

En effet, c'est une profonde erreur que la pédopsychiatrie ne dispose pas de tarification propre.

Docteur Olivier Drevon. - N'oublions pas que la consultation de pédopsychiatrie de ville est à un niveau très bas par rapport à tous les niveaux européens, comme en Allemagne où son coût est double par rapport à celui d'une consultation en psychiatrie normale. Si l'on veut rendre attractif la pédopsychiatrie de ville, il faut commencer par cela. L'avancée de l'internat et l'élargissement du numerus clausus ont conduit à l'augmentation du nombre de psychiatres depuis ces quatre dernières années. Il faut ainsi flécher davantage ces parcours.

Docteur Vincent Masetti. - Pour aller plus loin, les familles agissent comme de véritables co-thérapeutes et il faut des espaces pour les recevoir. La consultation doit durer deux fois plus de temps, car il importe d'y inclure les familles qui ne sont pas découpées selon les régions. Nos unités de soins d'hôpital de jour et de nuit doivent ainsi les accueillir dans leurs projets de soins.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

C'est un débat qui doit demeurer ouvert. Aujourd'hui, les GHT sont pour beaucoup d'immenses pôles qui ne s'appuient pas obligatoirement sur un projet de soin. Fédérer les établissements, en permettant d'économiser les moyens, a répondu à une logique comptable, sans pour autant répondre aux besoins des populations et des patients. Il faut effectivement travailler sur des projets de soins en ouvrant à tous les professionnels et en revivifiant, du même coup, la démocratie sanitaire. Il est important d'assurer l'articulation des missions de l'hôpital et de suppléer aux manques de la médecine de ville. Pour ce faire, il importe de travailler en coopération, et non en concurrence, et réfléchir à de telles pratiques. En outre, la formation des pédopsychiatres et la reconnaissance des statuts sont deux autres facteurs d'importance. Ainsi, les professions paramédicales sont également malmenées, de même que les psychologues. Enfin, il faut assurer la répartition territoriale des pédopsychiatres dont le nombre doit être accru.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Comment introduire dans le débat l'offre et la demande ? On peut construire les plus beaux projets qui s'avèrent illusoires, faute de partir du réel pour atteindre l'idéal.

Docteur Luce Legendre, vice-présidente du Bureau national de l'Association des établissements participant au service public de santé mentale (ADESM). - Le GHT n'est pas forcément le problème le plus important car Il y a un usage de l'ambulatoire extrêmement développé depuis de nombreuses années. Les outils mis à disposition par les communautés psychiatriques de territoire devraient faire l'objet d'un prochain décret sur la construction des projets territoriaux de santé mentale. Ceux-ci répondent déjà aux besoins de la pédopsychiatrie et à notre constat sur les difficultés propres à la fluidité de parcours hospitaliers. Ces outils vont nous permettre de mieux travailler avec l'ensemble des acteurs du champ médico-social et social, en donnant plus de visibilité aux différents niveaux de l'offre. Il est ainsi nécessaire de travailler à la gradation de l'offre de soins, en partant des trois niveaux des centres experts.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryvonne Blondin

Les régions sont tout à fait différentes et je ne retrouve pas la Bretagne dans les descriptions de certains de mes collègues. Nous avons toujours travaillé avec les structures médico-sociales que j'avais invitées à participer aux conférences sanitaires. La démocratie en santé dépend aussi de l'organisation propre à chaque département. Nous avons en Bretagne un GHT intégré associé à huit établissements publics de santé mentale (EPSM) qui existent sur la région. Ainsi, le parcours du patient doit être le vecteur de l'organisation des soins. Les situations sont disparates dans notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Françoise Perol-Dumont

Il faut ainsi se garder d'une position de principe quant à la constitution des GHT car ceux-ci sont très liés aux traditions de travail dans les territoires et aux spécificités géographiques. Que la psychiatrie soit partie intégrante du GHT global est un atout, comme c'est le cas dans ma propre région. D'ailleurs, comme présidente du conseil de surveillance du CHU de Limoges, j'avais plaidé pour que la psychiatrie soit intégrée, en raison de la présence d'innovation aussi bien dans les secteurs public et privé. Tout dépend des territoires. Par ailleurs, il existe, de facto, des GHT privés qui procèdent du regroupement des cliniques privées. Je ne crois pas que les moyens vont aller en augmentant de manière exponentielle, en raison de la situation des finances publiques et des besoins des établissements. Le GHT représente une manière de régler les problèmes techniques en amont. Le général de Gaulle remarquait qu'on n'avait jamais vu défiler la cantine en tête mais encore faut-il régler les problèmes matériels ! Le GHT est un outil pour mieux maîtriser la dépense publique et mieux cibler les dépenses sur les plateaux techniques. Enfin, nous avons, pour plusieurs d'entre nous, exercé des fonctions de président de département. Or, la situation des mineurs, notamment étrangers, a été évoquée au début de notre audition. Il ne faut plus que les départements servent comme variable d'ajustement, suite aux décisions de juges placeurs, de la prise en charge de l'enfance en danger via les services de l'aide sociale à l'enfance (ASE) qui confient les enfants aux services sociaux, alors que ceux-ci relèvent du médical, dans le meilleur des cas, voire du juridique. Quelle préconisation pourriez-vous faire en la matière ?

Debut de section - Permalien
David Causse, coordonnateur du pôle santé social, Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés non lucratifs (Fehap)

S'agissant de la réponse à l'urgence, je souhaitais attirer votre attention sur la tension qui s'exerce sur l'offre. La tentation est grande aujourd'hui d'apporter une réponse localisée aux problèmes. Ainsi, dans le contexte de l'après 2016, qui peut dire que le stress post-traumatique n'est pas important ? C'est la raison pour laquelle on crée une équipe spécialisée, comme dans tant d'autres domaines, comme l'adolescence. A force de concevoir les réponses aux besoins d'après une logique spécialisée et non territoriale, on oublie que la mobilisation constante des ressources, sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre, est rendue difficile en raison de l'éparpillement de l'offre de soins. Notre logique devrait être d'assurer une couverture de base dans les territoires, voire un minimum de polyvalence, afin d'éviter que nos ressources se retrouvent disséminées et ainsi effilochées sur une diversité de segments. L'épreuve de vérité consiste ainsi à assurer une permanence de l'offre associant les différents secteurs, afin d'assurer la cohérence de son ensemble.

Le GHT, comme tout outil, peut procurer des avantages mitigés. En face d'un problème, notre travers national est de privilégier les institutions au détriment des solutions. Nous avons intérêt à localiser nos angles de vue sur le parcours des personnes. Soit les GHT se mettent au service des usagers des territoires et ils prospéreront. Soit les GHT entendent asservir les usagers et les établissements, alors, nous nous retirerons immédiatement ! Notre responsabilité est néanmoins de penser le meilleur.

Sous le contrôle des médecins ici présents, l'expérience montre que le traitement d'une situation cataclysmique, une fois en place, est très difficile à résoudre par un professionnel qui la découvre. C'est ce que font constamment les médecins dans les services d'urgence. Si l'on peut intervenir en amont, on pourra sans doute désamorcer de telles situations. Que peut-on proposer concrètement ? La tarification des doubles prises en charge me paraît une première solution. Aujourd'hui, le principe de l'Assurance-maladie est qu'un opérateur ne peut être financé qu'une seule fois. Mais il faut bien assurer des passerelles entre les secteurs sanitaire et médico-social, comme pour la prise en charge des adolescents dans un hôpital de jour pour enfant, à temps partiel, que compléterait la prise en charge en institut thérapeutique éducatif et pédagogique. Aujourd'hui, l'Assurance-maladie remet en cause l'intervention de la médecine de ville, en expliquant que les interventions des orthophonistes en médecine de ville doivent être financées sur le budget des établissements de santé puisqu'elles sont opérées au titre de l'action dans un centre médico psycho-pédagogique, sans avoir été commanditées à proprement parler. Toute prise en charge doit être justifiée, a fortiori celles qui donnent lieu à des passerelles entre la médecine de ville et les établissements de santé, voire entre ces derniers et les secteurs médico-social, mais il ne faut pas se priver de revisiter ces règles de double prise en charge qui risquent d'inhiber des logiques de collaboration susceptibles d'intervenir en amont.

En outre, pour faire face aux situations de grande crise impliquant des jeunes patients autistes, l'Ile de France a institué des équipes mobiles d'intervention, sans pour autant créer des unités d'hospitalisation. En effet, une telle démarche n'aurait pas permis de dégager des solutions de sortie. A l'inverse, il a été privilégié de contractualiser avec des unités médico-sociales à temps plein où le jeune patient sera hébergé et dans lesquelles les équipes d'urgence interviendront. De la sorte, une unité, comme la cellule de soins aigus destinée aux jeunes patients autistes et implantée à la Pitié-Salpétrière, n'est pas saturée en cas d'urgence. A l'échelle des territoires et compte tenu de la solidarité entre acteurs, sous la gouverne conjointe des conseils départementaux et des agences régionales de santé, il est possible d'élaborer des projets territoriaux de santé mentale qui fixent la continuité de soins et l'organisation de solutions impliquant tous les acteurs dans une logique de responsabilité partagée.

Docteur Vincent Masetti.- Pour rebondir sur ce qui vient d'être dit, l'hospitalisation à domicile en pédopsychiatrie serait une très bonne idée, mais elle se heurte à de nombreux freins.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Je vous remercie, Madame, Messieurs, de votre participation à notre audition de cet après-midi.

La réunion est close à 16 h 40.