Intervention de Viviane Kovess-Masféty

Mission d'information situation psychiatrie mineurs en France — Réunion du 17 janvier 2017 à 14h35
Audition de mmes viviane kovess-masféty présidente de la commission spécialisée évaluation stratégie et perspective csesp et claudine berr présidente de la commission spécialisée maladies chroniques csmc représentant le haut conseil de la santé publique hcsp

Viviane Kovess-Masféty :

Avant de répondre à votre question, je voudrais vous présenter une enquête mondialement connue. Il est difficile de savoir pour quelles raisons les gens sortent de la pauvreté, et notamment s'ils en sortent grâce à une résistance plus forte. Cette difficulté méthodologique doit être prise en compte. Or cette étude neutralise ce biais : en Caroline du Nord, certaines personnes sont sorties de la pauvreté grâce aux accords passés lors de l'ouverture d'un casino, octroyant une somme d'argent significative à certaines familles. L'étude a analysé les effets de la sortie de la pauvreté de ces personnes sur quatre ans. Les résultats conduisent à distinguer plusieurs groupes : ceux à qui l'on donne de l'argent et qui ne sortent pas de la pauvreté, ceux à qui l'on en donne et qui en sortent, et ceux qui n'étaient pas pauvres, ce qui permet de faire un étalonnage. Il en ressort que, quand les enfants sortent de la pauvreté, les troubles de conduite s'améliorent considérablement, alors que les troubles anxieux et dépressifs ne se réduisent pas.

La restauration du rôle parental semble un des facteurs principaux de ces résultats. En d'autres termes, à partir du moment où les gens sortent de la pauvreté, ils n'ont plus besoin de travailler autant, et passent plus de temps avec leurs enfants, ce qui restaure une relation parentale.

Mais tout n'est pas transposable : cette étude a été réalisée en milieu rural ; rien ne dit qu'elle aurait du sens en milieu urbain, ou en France. Il faut donc conduire des études françaises, dans les conditions sociales françaises. Actuellement la recherche épidémiologique en santé mentale se résume à peu de choses : deux enquêtes d'Éric Fombonne sur l'autisme dans quatre régions en 1985, une enquête en population générale à Chartres en 1987, une enquête GAEL sur les enfants d'une cohorte de travailleurs d'EDF-GDF entre 1991 et 1999, ou encore l'enquête que j'ai effectuée en 2005 en région Provence-Alpes-Côte-D'azur.

Nous rencontrons donc de grosses difficultés en France pour mettre en place des enquêtes épidémiologiques, sur les adultes mais plus particulièrement sur les enfants. Cette difficulté résulte notamment de positions anti épidémiologie. La plupart des gens sont très peu formés sur les instruments standardisés et sur la façon de conduire une enquête épidémiologique.

Les difficultés sont également présentes en ce qui concerne la recherche évaluative, même si des améliorations récentes doivent être soulignées. Il y a très peu de recherche appliquée : la recherche médicale française se porte bien dans de nombreux domaines, mais ce n'est pas le cas de la recherche appliquée. Des expériences dites innovantes prolifèrent, sans que l'on sache si elles le sont réellement. Ce sont souvent des actions déjà prévues et appliquées dans le passé au sein des secteurs mais non évaluées objectivement, et souvent arrêtées lorsque le porteur emblématique du projet n'est plus présent.

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