Intervention de René Danesi

Mission d'information Démocratie représentative, participative et paritaire — Réunion du 1er février 2017 à 17h30
Audition conjointe de Mm. Loïc Blondiaux professeur de science politique à l'université paris i panthéon-sorbonne et rémi lefebvre professeur de science politique à l'université lille ii

Photo de René DanesiRené Danesi :

En tant que sénateur du Haut-Rhin, je suis frontalier de la Suisse. Ayant été maire d'une petite commune de 300 habitants pendant plus de 40 ans mais aussi président d'une communauté de communes, je n'ai, pour ma part, pas eu besoin de démocratie participative ; chaque habitant pouvait me joindre facilement lorsqu'il avait quelque chose à me dire, le plus souvent d'ailleurs lorsqu'il y avait un problème ! Cette démocratie « à l'ancienne », où chacun peut aisément s'exprimer, fonctionne pour des petites collectivités, même s'il est vrai que la fermeture des cafés ont rendu les choses plus difficiles. Mais tout se complique surtout pour les collectivités territoriales de plus grande échelle.

Pour autant, j'ai toujours milité en faveur de la pétition et du referendum d'initiative locale. Je regrette que le dispositif existant soit tellement encadré d'un point de vue juridique qu'il est difficilement utilisable.

Toutefois, « tout ce qui brille n'est pas or ». En tant que voisin de la Suisse, je constate que, si les citoyens sont souvent consultés par la voie du referendum, la participation ne dépasse généralement pas la moitié des électeurs. En France, les électeurs ne se déplacent pas parce qu'ils ne sont pas contents, en Suisse c'est au contraire parce qu'ils le sont, alors que le taux de chômage est très faible et que l'économie fonctionne bien. Il existe, bien entendu, quelques exceptions, la participation a, par exemple, été bien plus élevée lors du referendum sur l'interdiction de construire de nouveaux minarets ou celui relatif à l'instauration de quotas de travailleurs étrangers. Ces referendums n'ont d'ailleurs pas manqué de provoquer la désapprobation de l'Union européenne, même si la Suisse n'en est pas membre puisqu'elle a refusé de l'intégrer en raison de la politique agricole. Bruxelles a fait pression sur le Gouvernement suisse pour limiter l'impact du referendum sur les quotas de travailleurs étrangers afin de préserver le principe de libre circulation des biens et des personnes. Cela aura des conséquences, le Gouvernement suisse hésitera probablement avant de demander un nouveau referendum.

La réalité est aussi, comme je l'ai vécu dans le Haut-Rhin, qu'il est de plus en plus difficile de trouver des candidats compétents et disposés à servir l'intérêt général. Ainsi, dans mon département, deux des 377 communes ne parvenaient pas à boucler de liste pour les élections municipales et risquaient d'être fusionnées avec une commune voisine. Les difficultés à trouver des personnes susceptibles de s'engager apparaissent également dans les associations mais aussi parmi les sapeurs-pompiers. Il y a moins d'engagement, moins d'intérêt pour la chose publique. Par contre, les individus sont toujours disposés à s'opposer à un projet en signant une pétition.

La question du renouvellement des personnes ne concerne pas uniquement le milieu politique, elle touche l'ensemble des élites. Où est l'ascenseur social ? Il est vrai que les fonctions électives sont occupées par nombre d'anciens assistants parlementaires par exemple, mais c'est aussi parce que d'autres catégories d'individus, pourtant intéressés par la vie publique, ne souhaitent pas s'engager au regard des contraintes et de la faiblesse des résultats obtenus.

D'ailleurs, notre démocratie est en crise en raison d'un manque de résultats, les citoyens ayant l'impression que les choses sont les mêmes quel que soit le sens du vote. Pourquoi ? Parce que les décisions sont, en réalité, prises à Wall Street, à la City, mais aussi à Bruxelles. Les Français se demandent à quoi servent leurs élus face, par exemple, à la délocalisation de leurs emplois. L'ouvrier français est ainsi mis en concurrence avec d'autres ouvriers dans d'autres pays, ce qui permet, au prix de l'exploitation de l'ensemble de la chaîne, d'avoir un jean à 10 euros. En outre, on fait venir des salariés étrangers, qui concurrencent les salariés français sur place, pour pouvoir consommer moins cher.

Sans être aux extrêmes politiques, certaines personnes me demandent à quoi je sers en tant que sénateur.

Vous n'avez pas évoqué les médias qui pourtant devraient concourir à l'exercice de la démocratie. À l'inverse, en lisant vingt journaux, vous lisez dix-huit fois la même chose : c'est la pensée unique ! Sans aucune gêne, les experts - les mêmes qui disaient que l'économie britannique s'effondreraient dans la semaine qui suivrait le Brexit - ont expliqué huit jours après le contraire. Les médias jouent un rôle dans le fait de décrédibiliser la démocratie. Les sondages montrent que si les élus nationaux ont 11 % de confiance, les médias atteignent à peine 24 % tandis que les élus locaux restent au-dessus des 50 % car ils peuvent être interpellés directement par les citoyens.

Je ne crois pas à l'alternative de la démocratie participative sur internet. Les personnes concernées sont peu nombreuses : après avoir pris le pouvoir économique dans le cadre de la mondialisation, elles veulent prendre le pouvoir politique pour éliminer les élus politiques les plus anciens dont je fais partie.

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