Intervention de Makhlouf Mamèche

Mission d'information organisation, place et financement de l'Islam en France — Réunion du 17 mars 2016 à 13h30
Audition de M. Makhlouf Mamèche président de la fédération nationale de l'enseignement privé musulman fnem et de M. Michel Soussan conseiller

Makhlouf Mamèche, président de la Fédération nationale de l'enseignement privé musulman (FNEM) :

Merci de cette invitation. L'enseignement privé musulman en France s'inscrit pleinement dans le paysage éducatif français, en respectant les programmes d'enseignement - y compris les établissements hors contrat - et les valeurs de la République. Apparu au début des années 2000, il répond à un réel besoin scolaire et à une demande grandissante. C'est un levier de développement pour l'enseignement privé, en rien un repli identitaire ou un refuge.

Les établissements privés musulmans sont des lieux d'éducation et d'enseignement pour réussir sa scolarité et non apprendre par coeur le Coran. Ils s'inscrivent dans un paysage franco-français et représentent un endroit idéal pour transmettre les valeurs de l'Islam, en parfaite harmonie avec celles de la République : le vivre ensemble, le respect d'autrui, la paix, l'amour, pour lutter contre toutes les formes de radicalisme et d'extrémisme.

L'enseignement privé n'a pas pour but de remplacer l'enseignement public mais d'offrir le choix aux parents d'élèves de profiter de cette valeur ajoutée qu'est le caractère propre de nos établissements. La création de ces établissements n'est en aucun cas un signe d'échec de l'intégration. C'est au contraire un signe de réussite puisque les musulmans intègrent le système éducatif français, au même titre que les catholiques, les protestants, les juifs ou les laïcs, en tant que composante de la société.

En mars 2014, les établissements Averroès à Lille, Al Kindi à Lyon, Ibn Khaldoun à Marseille, La Plume à Grenoble et Éducation et Savoir à Vitry-sur-Seine se sont unis en fédération nationale, à l'instar des établissements catholiques ou juifs, avec pour perspective l'organisation et la structuration de l'enseignement privé musulman. Cette fédération, qui mutualise les expériences, est l'interlocuteur privilégié des pouvoirs publics. Constituée de soixante établissements privés - surtout des écoles primaires - dont six sous contrat, elle accompagne et coordonne les porteurs de projet, puisque des nouveaux établissements sont créés chaque année.

Les cinq premières années de son existence, c'est-à-dire la période d'observation, un établissement est hors contrat ; il ne reçoit pas de subvention publique. Les porteurs de projet, que je salue, assument eux-mêmes le budget de leur établissement, mus par le courage. Ce financement intégral n'est pas une mince affaire.

Au bout de cinq ans, il est possible de signer un contrat. Seul le lycée Averroès est sous contrat total. Pour les cinq autres concernés, le contrat est partiel. Ainsi, deux établissements ont signé l'an dernier un contrat pour une seule classe. Le groupe scolaire Al Kindi à Lyon a signé son premier contrat en 2011 ; chaque année, une classe est ajoutée. À ce rythme-là, s'il compte vingt classes, il faudra attendre vingt ans pour que tout l'établissement soit sous contrat...

J'attends un geste politique fort du Gouvernement, du ministère de l'éducation nationale, pour rattraper ce retard. Le contrat d'association est le meilleur moyen de contrôler non seulement les finances mais aussi la pédagogie. Un vrai dialogue doit s'installer pour voir où sont les problèmes.

La formation du personnel représente également un grand chantier. Les autres branches de l'enseignement privé ont leurs centres de formation des maîtres - nous avons ce déficit.

Quand une école musulmane ouvre, on pense qu'il y a un problème de repli identitaire, de communautarisme et on met des bâtons dans les roues en pointant la communauté musulmane. Je vous invite à ouvrir un dialogue franc avec les porteurs de ces projets, vous serez étonnés de voir à quel point ils défendent les valeurs de la République. Il est faux de parler d'islamisme ou de repli.

J'ai visité nombre d'établissements, été invité à nombre de rencontres. L'objectif de l'ouverture d'un établissement privé musulman n'est pas d'en accroître le nombre mais de répondre à un réel besoin scolaire et d'assurer la qualité de l'enseignement. En outre, ces établissements doivent être ouverts à tous, y compris bien sûr les non-musulmans, comme les autres.

À l'enseignement de qualité, s'ajoute un caractère propre : outre l'éthique musulmane, matière facultative, on essaie de transmettre les valeurs de cette grande religion. Le programme est celui de l'éducation nationale - les établissements sous contrat reçoivent des inspecteurs de l'académie. La langue arabe, langue vivante comme le sont l'espagnol ou l'anglais, est enseignée, comme partout ailleurs. On enseigne aussi l'éthique et la religion musulmane comme on fait le catéchisme dans les établissements catholiques ou l'enseignement de la Torah pour les juifs. Nous essayons de transmettre nos valeurs d'amour, de respect d'autrui.

Nos établissements sont ouverts à tous les contrôles qui existent. Les portes sont ouvertes, et je demande l'instauration d'un vrai dialogue. La meilleure façon de les contrôler est encore de les faire passer sous contrat.

Nous avons tout à gagner à donner à l'enseignement privé musulman les moyens de réussir.

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