Intervention de Michel Soussan

Mission d'information organisation, place et financement de l'Islam en France — Réunion du 17 mars 2016 à 13h30
Audition de M. Makhlouf Mamèche président de la fédération nationale de l'enseignement privé musulman fnem et de M. Michel Soussan conseiller

Michel Soussan, conseiller :

J'ai fait toute ma carrière dans l'éducation nationale. Avant mon dernier poste en tant que directeur de l'académie de Paris, je suis passé par des académies à forte implantation de l'enseignement privé catholique, je pense à la Bretagne - et bien sûr l'Orne, Madame le rapporteur. J'y ai beaucoup connu l'enseignement privé sous contrat. Lorsque j'ai pris ma retraite, j'ai été appelé par le président de l'association Averroès, qui m'a demandé si je pouvais être le coach du directeur, qui était alors dépourvu de tout supérieur. C'est ainsi que je me suis attaché à cet établissement, dont je suis devenu conseiller pédagogique. En fait, j'exerce cette fonction aussi bien en direction des enseignants que des élèves et des parents d'élèves. Je m'y suis extrêmement impliqué jusqu'à ce que le président du conseil départemental du Nord m'appelle à ses côtés sur les questions d'éducation. Je suis donc un peu moins présent à Averroès. Mais j'invite les sénateurs à venir en visite.

La Fnem a élaboré une charte des principes fondateurs de l'enseignement privé musulman de France, à laquelle les établissements membres doivent souscrire. J'en suis garant. Je suis un militant laïc qui ne pratique aucune religion, et je souhaite montrer qu'un établissement confessionnel peut défendre constamment les valeurs de notre pays. Le lycée Averroès accueille des enfants non musulmans.

Le problème de l'enseignement musulman est politique. Nous avons besoin d'une volonté politique. Notre lettre du 4 janvier à la ministre de l'éducation nationale, qui demandait des moyens, est restée sans réponse. Alors que la Fnem regroupe 5 000 élèves dans une soixantaine d'établissements, qu'une quinzaine ouvre, que six peuvent passer sous contrat, nous n'avons pas réussi à savoir quelle serait la dotation attribuée pour la rentrée prochaine.

Le budget de l'État accorde aux établissements privés les moyens de fonctionner dès l'adoption de la loi de finances. L'enseignement catholique connaît sa dotation au mois de décembre. Les autres établissements qui dépendent de la réserve, c'est-à-dire de ce qui sera distribué ensuite - selon des critères inconnus -, ne connaissent leur dotation que tardivement. Cette année, la réserve comprend soixante-dix contrats. Alors que nous souhaitons être informés en temps utile, comme l'enseignement catholique, on ne nous informe pas.

Le passage sous contrat classe par classe est excessivement lent. Il aurait fallu vingt ans pour Averroès et ses vingt classes. À l'époque, le préfet Daniel Canepa avait obtenu ce passage en une fois.

Ce système conduire aussi à des situations paradoxales. Ainsi, le groupe scolaire Al Kindi compte deux classes de troisième, dont une seule est sous contrat. Dans ce cas, pour le brevet, les élèves passent trois épreuves, outre le contrôle continu. Hors contrat, les élèves passent toutes les épreuves. Que fait-on, avec ces deux classes ? Comment répartir les élèves ?

Le lycée Averroès n'est pas coranique. La religion n'est pas une matière. Il n'existe que l'éthique musulmane, qui n'est pas obligatoire. Les élèves sont en majorité musulmans, mais ils ne le sont pas tous. À l'entrée en sixième ou en seconde, des parents non musulmans demandent s'ils peuvent inscrire leurs enfants. Oui ! La seule contrariété étant que nous avons quatre fois plus de demandes que de places.

À la différence de ce que j'ai connu dans l'enseignement public, et contrairement à ce qu'affirme l'inspecteur général Jean-Pierre Obin, il n'existe pas de cas d'extrémisme ni de radicalisation. Nous avons seulement signalé une jeune fille à la cellule nationale de prévention de la radicalisation après avoir interrogé quelques élèves venus nous dire qu'elle écoutait des émissions sur internet toute la nuit. Contrairement à ce que dit avec méchanceté et malveillance un professeur de philosophie, il n'y a jamais eu d'antisémitisme au lycée Averroès. Moi qui suis juif d'origine, je serais parti si j'en avais senti le moindre relent. Nous avons fait venir un rabbin et projetons d'emmener les enfants à Auschwitz et Birkenau. Nous cultivons avec beaucoup de force le dialogue interreligieux, et comme notre président de conseil départemental Jean-René Lecerf, nous sommes très partisans de l'enseignement du fait religieux.

Le lycée Averroès est un établissement exemplaire. Les inspecteurs venus nous contrôler nous ont dit que nous étions le seul établissement de l'académie à appliquer avec autant de rigueur le nouvel enseignement moral et civique. Nous avons des anciens élèves étudiants en médecine, ingénieurs... L'honneur de cet établissement est d'être un modèle. Il est beaucoup sollicité par d'autres qui souhaiteraient l'imiter. Je dis parfois que c'est la seule institution musulmane française qui ait vraiment réussi.

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