Intervention de Martial Foucault

Mission d'information Démocratie représentative, participative et paritaire — Réunion du 7 février 2017 à 13h30
Audition de M. Martial Foucault directeur du centre de recherches politiques de sciences po le cevipof

Martial Foucault, professeur des universités et directeur du Cevipof :

Pour dégager une proposition en la matière et allier compétence et bienveillance, il faudrait réunir deux préalables.

Le premier est de s'interroger sur la relation verticale ou horizontale de la décision publique. Il est possible d'améliorer à la fois le processus de décision publique et les résultats attendus à travers une plus grande décentralisation, non pas au travers de transfert de compétences, mais grâce à la hiérarchisation des enjeux et des problèmes pour lesquels la décentralisation est justifiée.

Je prendrai l'exemple de la réforme des rythmes scolaires. J'ai eu beaucoup de mal à comprendre, malgré l'intervention de spécialistes des rythmes biologiques des enfants, pourquoi leurs verdicts étaient différents selon l'endroit où vivaient les écoliers. Cette réforme s'est imposée de façon très verticale à l'ensemble des écoles primaires dont les besoins justifiaient pourtant plutôt une politique des rythmes scolaires à la carte. La décentralisation de la décision publique aurait mérité un travail plus délibératif et participatif avec les publics visés. C'est l'autre voie qui a été retenue, au nom d'un principe républicain d'égalité sur l'ensemble des territoires que l'on peut d'ailleurs entendre. Mais dans les faits, les modalités de mise en oeuvre de cette réforme des rythmes scolaires sont différentes selon les communes, certaines ayant notamment choisi le mercredi matin et d'autres le samedi matin. Cet exemple permet de comprendre la frustration des parents d'élèves pour comprendre ces décisions.

Le second préalable est de résoudre le paradoxe selon lequel nos concitoyens attendent de leurs représentants qu'ils fassent preuve de compétence, mais sans vouloir des élus experts. Les Français sont très attachés à des représentants qui puissent les faire rêver, mais ils rejettent massivement l'élu trop technicien, en quelque sorte trop compétent et dénué d'empathie. Il y a là une vraie tension.

En réalité, on ne s'improvise pas élu : l'excès de compétences est directement lié à la sociologie des représentants et à leur professionnalisation, rendue indispensable du fait de la complexité et de la responsabilité grandissantes en matière juridique, notamment à l'échelon local.

L'un de mes collègues au Cevipof, Bruno Cautrès, tente de remettre au goût du jour la théorie de la « démocratie furtive », développée aux États-Unis. Les Américains éprouvent un besoin de démocratie temporaire, très fort tous les quatre ans autour des enjeux présidentiels - le représentant doit être irréprochable, compétent et bienveillant -, mais qui est presque inexistant le reste du temps, car ils veulent être tranquilles dans cette vie démocratique quotidienne.

Je ne milite pas pour cette « démocratie furtive », et nous n'en sommes pas là en France. Mais les Français ont besoin de temps de repos à l'égard des attentes suggérées par la démocratie représentative.

- Présidence de M. Michel Forissier - 

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