Intervention de Bernard Manin

Mission d'information Démocratie représentative, participative et paritaire — Réunion du 9 février 2017 à 13h30
Audition de M. Bernard Manin directeur d'études à l'école des hautes études en sciences sociales ehess et professeur de science politique à l'université de new york

Bernard Manin, directeur de recherches à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS) :

J'ai souligné tout à l'heure l'importance de la perception des enjeux. Or, ces derniers reposent en partie sur la différence entre les options politiques proposées.

Aujourd'hui, les alternances sont devenues routinières dans nos démocraties - des régimes qui n'ont pourtant été identifiés à l'alternance au pouvoir que de façon récente, depuis une quarantaine d'années environ. Nous sommes donc pris dans une sorte de « tenaille temporelle », par l'effet de circonstances malheureuses : les démocraties représentatives sont devenues des systèmes d'alternance au moment précis où, pour d'autres raisons qui leur sont exogènes et qui tiennent à la mondialisation et à la constitution d'entités régionales unifiées, la marge de manoeuvre laissée aux gouvernements nationaux s'est beaucoup réduite. Autrement dit, l'alternance est devenue la règle au moment où elle n'avait plus guère d'enjeux ! En outre, nous n'avons guère de raison de supposer que la similarité des politiques proposées se réduira dans l'avenir.

Aussi, il n'est peut-être plus possible de fonder notre régime sur la seule alternance. Il existe en effet deux types de démocraties : les démocraties d'alternance, comme la France, et les démocraties de consensus, comme la Suisse ou les Pays-Bas. Il faudrait que notre régime valorise davantage le consensus et les coalitions. Toutefois, j'avance cette proposition avec crainte et tremblement, car l'une des valeurs fondamentales de la démocratie est précisément de permettre de changer le personnel gouvernant. Il y a une vertu intrinsèque à ce que les équipes elles-mêmes alternent et changent, car le pouvoir corrompt et le pouvoir absolu corrompt absolument. Il faut donc trouver un équilibre.

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