Intervention de Axelle Lemaire

Mission d'information Démocratie représentative, participative et paritaire — Réunion du 21 février 2017 à 13h30
Audition de Mme Axelle Lemaire secrétaire d'état auprès du ministre de l'économie et des finances chargée du numérique et de l'innovation

Axelle Lemaire, secrétaire d'État :

Madame Sylvie Robert, je suis persuadée qu'il faut aller plus loin. Des travaux préparatifs à l'instauration d'une VIe République, passant par une constituante citoyenne, me semblent indispensables.

Le professeur Marcel Gauchet, que vous avez entendu, a souligné le basculement du pouvoir législatif vers le pouvoir exécutif opéré par la Ve République, pour contrer l'instabilité parlementaire.

Au XXIe siècle, à l'heure du numérique, la question se pose désormais de la place de la société civile, qui peut trouver des modes d'expression citoyenne plus puissants que jamais.

Certaines propositions ont d'ores et déjà été mises sur la table, y compris par le Président de la République : la limitation des mandats dans le temps, la « co-construction » législative, la procédure parlementaire expresse avec l'adoption d'amendements en commission, une initiative législative citoyenne, élargie et effective, le droit d'amendement citoyen, le « 49.3 » citoyen proposé par Benoît Hamon, le droit de pétition, le rôle du Sénat et celui du Conseil économique, social et environnemental, la création d'un « conseil citoyen » dont le rôle doit être défini... Autant de travaux à engager au cours de la prochaine mandature.

Votre question, M. le président, sur la synthèse des contributions citoyennes s'est posée de manière très concrète avec la plateforme créée lors du projet de loi pour une République numérique. Il est très difficile de demander à une administration, déjà sous pression et qui doit remplir ses missions « naturelles », de répondre aux demandes supplémentaires des ministres, le tout dans un contexte de contraction des effectifs, et de traiter dans un temps court et à budget constant les milliers de contributions d'internautes !

Pour permettre une réelle « co-construction » de la loi pour une République numérique, le Gouvernement s'est attaché à répondre aux propositions les plus populaires. 250 réponses écrites ont ainsi été publiées.

Ce travail n'a pas été intégré dans les budgets de fonctionnement des administrations, ce qui explique aussi les résistances que j'ai pu rencontrer lors de l'élaboration du projet de loi. Si l'on veut plus de « co-construction » législative, il faut en tirer les conséquences au plan budgétaire, en l'inscrivant dans le projet de loi de finances.

Notre manière de traiter les contributions des internautes est restée un peu artisanale : chacune d'entre elles a été lue et analysée par les services. Néanmoins, il est certain que des algorithmes pourraient réaliser cette tâche à l'avenir, à une condition : leur complète transparence. La loi pour une République numérique du 7 octobre 2016 impose aux administrations de communiquer, à la demande, les critères retenus par les algorithmes utilisés. Je pense par exemple au système d'admission post-bac (APB).

La transparence des algorithmes est indispensable aussi bien pour le secteur public que pour le secteur privé. La France a été un pays précurseur dans les domaines de la transparence des données, avec l'open data, et des outils, avec l'open source, mais aussi de la gouvernance ouverte. Et aujourd'hui, le recours aux algorithmes constitue une tendance de fond.

Une des réponses aux fausses informations diffusées sur Internet, à la réalité post-factuelle, est la transparence des algorithmes. Se pose alors la question de la capacité de l'administration française à répondre à ces enjeux. Une des raisons pour lesquelles il était important d'intégrer dans la loi pour une République numérique du 7 octobre 2016 les notions d'économie et de société de la donnée était de permettre à la puissance publique de gérer les données qu'elle produit. Si elle ne le fait pas, dans des domaines aussi fondamentaux que la santé ou l'éducation, d'autres le feront : les géants de l'internet.

Nous sommes face à un enjeu historique : l'État, pour entrer dans l'ère de la « gouvernance de la donnée », doit devenir un « État plateforme », qui accepte de se reposer sur l'intelligence collective, en ouvrant ses données et en « co-construisant » ses politiques publiques.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion