Intervention de Michel Sergent

Réunion du 6 décembre 2008 à 14h00
Loi de finances pour 2009 — Sport jeunesse et vie associative

Photo de Michel SergentMichel Sergent, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation :

Peut-être auriez-vous préféré assister à un match ? Je sais d’ailleurs que vous n’y manquerez pas après ce débat. Mais pour l’instant, le devoir exige que nous soyons là.

La mission « Sport, jeunesse et vie associative » doit contribuer fortement à l’effort de rigueur budgétaire, à en juger non seulement par les crédits qui lui sont alloués dans le cadre du projet de budget pour 2009, mais aussi par la programmation prévue pour les deux années suivantes. En 2010 et 2011, les crédits de paiement devraient ainsi baisser, en valeur absolue, de 2, 4 % puis, de nouveau, de 2, 8 %. Quant à l’augmentation de 0, 4 % cette année, elle mérite d’être sérieusement relativisée.

Pour ce qui concerne le sport, on observe une fracture de plus en plus nette entre les crédits du programme « Sport » proprement dit, qui profitent de plus en plus – à hauteur des trois quarts des crédits – au seul sport de haut niveau, et les crédits affectés au Centre national de développement du sport, le CNDS, qui aide au sport pour tous en contribuant au financement d’équipements sportifs locaux.

En effet, si les crédits du programme « Sport » consacrés au financement du droit à l’image collective, ou DIC, à la rénovation de l’Institut national du sport et de l’éducation physique, l’INSEP, ou à l’indemnité du Stade de France sont en progression, ceux du Centre national de développement du sport chutent de 21, 8 %, passant de 266 millions d’euros à 208 millions d’euros. Cela correspond, certes, à la fin du Programme national de développement du sport, le PNDS, lancé par le précédent gouvernement pour accompagner la candidature de Paris pour l’organisation des jeux Olympiques de 2012, mais une telle baisse risque de sérieusement limiter l’action du CNDS, et donc l’équipement harmonieux du territoire en équipements sportifs.

La non-diminution des crédits du Centre national de développement du sport aurait permis d’aider les collectivités dans leurs investissements, ces collectivités qui font tant en faveur du sport, et en tout cas beaucoup plus que l’État.

Je ne peux que regretter ce choix dont je remarque qu’il entre en contradiction avec les engagements chiffrés pris par M. Nicolas Sarkozy devant le monde sportif lors de sa campagne présidentielle. Pour moi, le sport ne se résume pas au haut niveau : la pratique sportive a aussi une dimension sociétale et une dimension de santé publique.

En outre, le programme « Sport » ne paraît pas soutenable dans sa forme actuelle, au moins sur deux points.

Le premier concerne l’INSEP, et je reconnais bien volontiers que vous le subissez, monsieur le secrétaire d’État. L’incendie du parc nautique, survenu dans la nuit du 10 au 11 novembre dernier, aura des conséquences, notamment budgétaires. Quelles solutions ont-elles été mises en place pour les sportifs concernés, quel impact ce sinistre aura-t-il sur le chantier de rénovation de l’Institut national du sport et de l’éducation physique ? Je viens d’apprendre que vous avez déposé un amendement à ce sujet.

Le second élément, qui jette un doute sur la soutenabilité du budget du programme « Sport », est plus grave à mes yeux, car il me fait m’interroger sur la sincérité des chiffres présentés au Parlement. Il s’agit de la ligne de 26 millions d’euros budgétée au titre du droit à l’image collective dans ce projet de loi de finances. Vous le savez, j’ai réalisé un rapport de contrôle relatif au DIC, au nom de la commission des finances, en avril 2008. Ces travaux, et le suivi que j’en ai fait depuis, m’amènent à considérer qu’un tel montant n’est pas sérieux et relève d’une attitude consistant à « cacher la poussière sous le tapis ». Les principaux bénéficiaires du dispositif, qui connaissent les rémunérations des joueurs, en estiment le coût pour l’État en 2009 à 33 millions d’euros au minimum. En outre, la dette de l’État envers l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale ne sera pas résorbée à la fin de 2008, puisqu’il devrait rester environ 5 millions d’euros d’impayés.

Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous expliquer ces écarts et nous préciser les crédits que vous comptez réduire pour respecter votre budget ? À moins que vous ne comptiez sur l’adoption de l’amendement relatif au DIC que je présenterai, au nom de la commission des finances, à l’article 78, seul moyen de rester dans votre prévision budgétaire ! Mes chers collègues, nous en sommes non plus à 26 millions d’euros, mais très probablement à 36 ou 37 millions d’euros !

Je voudrais rapidement évoquer l’indemnité due au consortium du Stade de France. Pendant deux années, en 2007 et en 2008, elle s’est élevée à 2, 5 millions d’euros. Pour 2009, elle est de 6, 2 millions d’euros. L’avenir semble plus sombre, puisque des négociations difficiles s’entament avec les fédérations de football et, surtout, de rugby pour le renouvellement des contrats d’utilisation du Stade de France. Monsieur le secrétaire d’État, pourrez-vous nous en dire quelques mots ?

Concernant le programme « Jeunesse et vie associative », je ne peux qu’établir, là aussi, le constat d’une forte austérité. Les crédits d’intervention, qui servent à financer de nombreuses initiatives locales par les jeunes ou en faveur des jeunes ou des associations, baissent de plus de 11 % : de nombreux « petits » acteurs seront donc touchés.

Même s’il est souvent question de sommes faibles, ces financements de l’État ont une double importance pour les individus ou les associations concernées : d’une part, ils permettent de « boucler des budgets » souvent serrés ; d’autre part, ils leur octroient une reconnaissance qui facilite aussi souvent, pour ces acteurs, l’obtention d’autres financements.

Je citerai en exemple l’opération « Envie d’agir », par laquelle des jeunes, seuls ou en groupe, souvent issus de milieux défavorisés, peuvent mener à bien des projets dans tous les domaines, culturel, social, humanitaire, sportif ou économique. Certains jeunes ont ainsi reçu un coup de pouce pour créer leur entreprise ; d’autres, passionnés de cinéma, ont pu réaliser un film ou un documentaire. Or les crédits d’intervention à ce titre doivent baisser de 66 % en 2009, passant de 7, 6 millions d’euros à 2, 5 millions d’euros.

Voilà quelques semaines, une émission de télévision montrait à travers deux ou trois exemples de réussite significative les avantages d’une telle opération. Je trouve profondément regrettable d’en diminuer les crédits ; je vous proposerai donc un amendement tendant à transférer 2 millions d’euros du programme « Sport » vers le programme « Jeunesse et vie associative », précisément pour abonder l’opération« Envie d’agir » et, ainsi, limiter les effets de cette baisse.

Monsieur le secrétaire d’État, la commission des finances a réservé sa position quant à l’adoption des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », parce qu’elle n’a pu obtenir de justification précise quant à l’utilisation prévue des 350 000 euros de crédits supplémentaires octroyés à la mission à titre reconductible, en seconde délibération, à l’Assemblée nationale. Pouvez-vous donc nous dire, à présent, à quoi servira cette somme ?

J’ajouterai simplement que, à titre personnel, cette réserve me convient tout à fait. Mon vote sera conditionné à l’issue de notre débat sur le droit à l’image collective, lors de la discussion des amendements portant sur l’article 78.

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