Doit-on donner sa chance au CFCM ou se tourner vers autre chose, plus proche d'une sorte de consistoire ? Peut-on proposer des orientations différentes dans son mode d'élection ? Nous avons clairement posé, lors de nos auditions, la question de l'élection au scrutin direct - sachant que c'est actuellement le critère des mètres carrés de mosquée qui régit l'élection des membres du CFCM, ce qui n'est pas sans poser problème (Mme Fabienne Keller approuve). Au point que l'UOIF était un temps sortie du système et que d'autres refusent d'y rentrer. Les représentants des communautés musulmanes des banlieues n'y sont pas, elles ne s'y sentent pas du tout représentées.
Troisième sujet d'interrogation, la formation des imams. Actuellement, dans le cadre de conventions bilatérales, il en vient du Maroc, d'Algérie, de Turquie, où ils sont formés en nombre - même si leur effectif ne répond toujours pas aux besoins. Mais ces imams ne pratiquent pas le français, et c'est, de surcroît, chaque mosquée qui choisit son imam. Il n'est pas exact, à cet égard, de parler d'imams autoproclamés, car ils sont choisis, mais en vertu de critères variables. Doit-on laisser les choses en l'état ou dire que nous voulons, en France, une formation sur laquelle il faut cependant garder à l'esprit que l'État laïc ne pourra exercer aucune influence ?
S'agissant du financement des lieux de cultes - c'est notre quatrième interrogation -, les musulmans, sans en faire un point de crispation, estiment qu'il y a deux poids, deux mesures. La chrétienté et le judaïsme ont depuis longtemps, sur le territoire français, nombre d'églises et de synagogues, à telle enseigne que toute laïque que soit la République, les collectivités territoriales les entretiennent. Tandis que les mosquées, plus récentes, ne sont pas assez nombreuses. Comment en financer la construction ?
Se posent, de là, la question du rôle de la Fondation pour les oeuvres de l'Islam en France et celle d'une contribution halal - c'est là notre cinquième interrogation - laquelle se heurte aux difficultés qu'a relevées Nathalie Goulet. Je n'irais cependant pas, comme elle, jusqu'à en exclure la possibilité. Certes, ce n'est pas simple, mais pourquoi ne pas essayer de trouver une définition canonique du halal, un label ? Car il y a là une manne potentielle.
J'en arrive à notre sixième questionnement, qui tient à l'absence d'une autorité théologique. Car le CFCM représente le culte, mais n'a aucune autorité théologique. Pourtant, dans un pays comme le Maroc, où nous nous sommes rendus, il en existe une, comme cela est aussi le cas en Arabie Saoudite. Les oulémas, rattachés au roi, fixent la règle. Il y a même des centres de la fatwa, c'est à dire de la règle, chargés de répondre aux interrogations des fidèles sur ce que sont les prescriptions authentiques. Une jeune fille musulmane est-elle autorisée à prendre le train sans être accompagnée par ses parents ? Tel est le type d'interrogations auxquelles ils répondent, y compris depuis des plateformes téléphoniques. Vous aurez compris que leur rôle n'est pas sans importance. Si l'on veut aller vers un Islam de France, ne faudrait-il pas qu'il soit doté d'une autorité théologique unique ? Ne pourrait-on imaginer un Conseil théologique rattaché au CFCM ?
Septième problématique, enfin, l'enseignement confessionnel, qui reste embryonnaire et peu contrôlé, à la différence de celui d'autres cultes, notamment catholique. À l'exception de quelques établissements emblématiques, comme le lycée et le collège Averroès de Lille, les établissements confessionnels musulmans sont rarement sous contrat d'association avec l'État, et la contractualisation se fait par classe plutôt que par établissement. C'est une situation préjudiciable qui prive l'État du contrôle pédagogique qu'il pourrait effectuer sur ces établissements.
Telles sont les principales interrogations qui sont les nôtres à ce stade, et sur lesquelles nous souhaiterions recueillir vos observations.