Intervention de René Vandierendonck

Mission d'information organisation, place et financement de l'Islam en France — Réunion du 4 mai 2016 à 14h05
Bilan d'étape — Échange de vues sur les orientations de travail des rapporteurs

Photo de René VandierendonckRené Vandierendonck :

Je crois que chacun se rend compte ici que plus on approche de la période électorale, plus on manie une matière délicate. Comment voit-on les choses, depuis le territoire ? - la nuance est un peu la même qu'entre température réelle et température ressentie. On se demande, vu du territoire, ce que seront les suites du rapport Maurey. Sans parler du débat sur la déchéance de nationalité, qui a fait des dégâts dans tous les rangs. Nous sommes ici au Sénat, aussi je ne doute pas - et je tiens à ce que M. Karoutchi le sache - que chacun tienne à une sortie par le haut. Pour moi, il faut commencer par rappeler que ce travail apporte des compléments d'information utiles. Il est vrai qu'il gagnerait à des tableaux comparatifs, qui feront clairement apparaître qu'il y a de fait, au bout du compte, une différence de traitement, et que les musulmans sont toujours soumis à un principe d'assimilation qui procède par comparaison avec des régimes existants.

Il faut creuser, pour comprendre pourquoi les musulmans se sentent discriminés. Assurer l'égalité ? Oui, mais très concrètement. Vous avez fait l'éloge de l'aumônerie militaire musulmane, fort bien. Mais cela ne doit pas nous faire oublier que les musulmans meurent comme « nous », pour 80 % d'entre eux, à l'hôpital : quid des aumôneries hospitalières ? Et qu'ils recherchent, à leur mort, une sépulture - ils sont d'ailleurs de moins en moins nombreux à faire rapatrier leur corps au pays. Quid des carrés musulmans dans les cimetières ? Pourquoi en crée-t-on dans tel endroit, et pas dans tel autre ? Et je vous mets à l'aise, gauche et droite sont à la même enseigne. Voilà un tableau comparatif qui m'intéresserait. Voilà les questions que l'on souhaite nous voir poser.

On va enfin introduire un enseignement laïc du fait religieux ? Mais où en est-on concrètement, sans se payer de mots ? Comment, dans les écoles de certains quartiers de Strasbourg, d'Aubervilliers, de Roubaix ou d'ailleurs, s'y prend-on pour enseigner ne serait-ce que le b.a.-ba du vivre ensemble ? Reconnaissons qu'il n'y a guère de quoi se glorifier de cet « enseignement laïc du fait religieux ». Là aussi, depuis les accords d'Évian, je vois une grande continuité. C'est d'autant plus regrettable que les musulmans attendent des signes forts. On crie haut et fort « la loi de 1905, rien que la loi de 1905, mais toute la loi de 1905 », de même que l'on clame « Le Concordat, rien que le Concordat, mais tout le Concordat ». Et pourtant, les inégalités persistent entre les confessions, dans l'un et l'autre cas. Je plaide pour que l'on garantisse égalité de droits et de devoirs. Je plaide pour l'égalité de traitement.

Les réponses du directeur des libertés publiques, lors de son audition, m'ont plu, mais elles m'ont aussi laissé un peu sur ma faim. Depuis 2008, on n'étudie plus les parcours, les trajectoires de vie. On s'accorde à dire que les musulmans se sentent de plus en plus discriminés, mais si l'on croisait cela avec les statistiques de la politique de la ville, on verrait que ceux qui ont ce sentiment ne vivent pas n'importe où. Quand ils sont frappés d'exclusion, ils le ressentent d'autant plus mal, et quand ils réussissent, personne n'est capable de retracer ni pourquoi ni comment. Ni même, tout simplement, de mettre la réussite au tableau d'honneur, pour en parler positivement.

À nous de nous concentrer sur les manques. L'hôpital, l'école. Vous allez voir Averroès, très bien, mais au-delà de ce qui est monté en épingle, au-delà du sensationnel dont sont friands les journalistes, il faut aussi se demander dans quelles écoles vont tous les autres. Et ils sont plus nombreux que vous ne le pensez à fréquenter des établissements catholiques. Pourquoi ? Parce que, tout simplement, ce sont des Français comme vous et moi et qu'ils se disent que c'est à l'école que cela se joue.

Je souhaite, vraiment, qu'on en sorte par le haut, sans se laisser embarquer à tout va dans l'idéologie, car les musulmans en ont assez, et si cela continue comme cela, on finira par les envoyer tout droit dans les bras du Front national, ce qui n'est pas l'itinéraire rêvé pour arriver à l'intégration.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion