Hier, tous les syndicats étaient réunis autour de cette table pour une leçon limpide de syndicalisme à la française.
Nous vous avons écoutés avec beaucoup d'intérêt. Vous êtes allé sereinement à l'essentiel : la société française est profondément inquiète, ce que nous sentons tous. Nous sentons même qu'elle serait collectivement capable, ici ou là, à telle ou telle occasion, de faire des bêtises. Vous avez bien expliqué qu'elle est inquiète parce que le monde, tel qu'il est, lui semble difficile à vivre et à conquérir.
En tant que chefs d'entreprise, vous avez dit très justement que la sécurisation des parcours est au coeur d'une demande plus ou moins exprimée des Français, salariés ou chefs d'entreprises.
Les réponses venues d'en haut - je pense, par exemple, au compte personnel d'activité - n'ont pas encore rencontré une véritable adhésion. Le labyrinthe des aides sociales, dont nous sommes les champions du monde, n'est plus capable de rassurer nos concitoyens. Nous sommes entièrement d'accord avec votre approche.
Le revenu universel peut être l'une des réponses à cette inquiétude profonde. En France, un peu plus qu'ailleurs, contrairement à ce que disent les différents analystes, l'obsession de supprimer des emplois, de rationaliser et de robotiser pour gagner en productivité est au coeur même de la sphère publique.
Jusqu'à présent, nous avons comblé cette faille dans notre dispositif par l'endettement. Nous vivons socialement notre cohésion par l'endettement. Nous empruntons 200 milliards d'euros par an. Le miracle, contrairement à ce que tout le monde dit, accompagne bien le Président de la République et le Premier ministre : nous empruntons à 0 % ! Mais si, demain, ces taux montent à 2 %, 3 % ou 4 %, nous serons plus proches du modèle espagnol que du modèle scandinave.
Selon vous, le consommateur pourrait faire plus d'efforts que le salarié ou l'entreprise. Nous partageons également cette approche.
Nous écoutions les syndicats avec beaucoup de respect. Le fait de renvoyer la charge de la protection sociale vers l'entreprise et l'endettement est une facilité que les Trente Glorieuses nous ont appris à maîtriser. Quand nous avions quelques difficultés, la dévaluation venait à notre secours. Aujourd'hui, ce n'est plus possible, à moins de recourir à la dévaluation intérieure, c'est-à-dire à la baisse du niveau de vie d'une nation. Mais ce que nous avons infligé aux Grecs et aux Portugais, les Français ne sauraient le supporter.
Je pense que la manière dont vous abordez le projet est tout à fait remarquable. Vous avez évité de brandir le chiffon rouge du financement. Même à 560 euros, c'est 7 % du PIB ! Mais il existe des marges de manoeuvre.
Je lisais avec étonnement, même si je m'en doutais, que l'aide publique aux entreprises était de 130 milliards d'euros par an et les charges pesant sur ces mêmes entreprises de 150 milliards d'euros. Il y a d'immenses gisements à explorer et à redéployer pour, progressivement, par l'expérimentation, apprivoiser la notion de revenu universel.