En France, certains sites effectuent un prétraitement, mais l'affinage, qui permet d'extraire la matière première, est réalisé sur ces grands sites, lesquels ont consenti de gros investissements et traitent les flux de notre collecte.
Autre point : les téléphones mobiles ne représentent pas de danger particulier. Ils ne contiennent a priori pas de produits toxiques, à l'exception peut-être des batteries au lithium, qui peuvent s'enflammer lorsqu'elles sont encore chargées, ce qui peut poser problème dans les centres de traitement de la filière DEEE.
Votre deuxième question porte sur le volume des téléphones portables mis sur le marché chaque année. Il est de l'ordre de 25 à 30 millions d'appareils, soit quelque 3 000 tonnes. Par comparaison, la filière des produits ménagers met chaque année sur le marché 1,3 million de tonnes environ.
Le gisement potentiel de déchets représente approximativement ce qui est mis sur le marché. Sur un marché mature comme celui des téléphones mobiles, à un produit entrant devrait en principe correspondre un produit sortant. En réalité, ce n'est pas totalement le cas, car il existe un attachement particulier à ces produits, qui, souvent, sont conservés dans les tiroirs, probablement pour être réutilisés en cas de panne du nouvel équipement.
Ce réflexe est au demeurant assez largement inutile : les technologies évoluant très vite, les produits deviennent rapidement obsolètes. Les éco-organismes vont devoir faire des efforts pour les faire sortir des tiroirs.
En outre, ces produits ayant souvent une valeur de deuxième main, certains d'entre eux sont revendus et exportés dans des filières qui ne sont pas totalement contrôlées.
Le potentiel de gisement équivaut donc théoriquement aux 3 000 tonnes mises sur le marché, mais, en pratique, la filière DEEE voit très peu de ces téléphones.
En réponse à votre troisième question, l'éco-organisme que je préside et les éco-organismes en général relèvent d'une filière à responsabilité élargie du producteur, dite « REP », qui s'appuie sur le principe pollueur-payeur. Il s'agit de demander aux producteurs de contribuer, lors de la vente de leurs produits sur le marché français, au recyclage de ces équipements. Grâce à un système qui s'apparente un peu au système de retraite par répartition, les producteurs actifs financent l'ensemble des déchets collectés. Ils constituent éventuellement une marge pour des activités futures, puisque nous sommes des organismes à but non lucratif.
L'idée est donc que les producteurs financent l'intégralité de la collecte des déchets, laquelle s'effectue selon un cahier des charges établi par les pouvoirs publics, essentiellement par la direction générale de la prévention des risques, la DGPR, qui relève du ministère de l'environnement. Celle-ci définit le taux de retour, c'est-à-dire le ratio entre les déchets que l'on collecte et les produits qui sont mis sur le marché. Pour la filière DEEE, dont je rappelle qu'elle met sur le marché 1,3 million de tonnes environ chaque année, le taux de retour est fixé à 45 % pour 2016, soit un peu plus de 550 000 tonnes.
Nous sommes des sociétés de droit privé dont le rôle est de satisfaire aux obligations des producteurs, qui sont responsables de la fin de vie des produits qu'ils mettent sur le marché. Nous bénéficions d'un agrément des pouvoirs publics. Un cahier des charges définit nos objectifs annuels sur une durée de six ans et nos contraintes en termes de communication, de modes de collecte, etc.
Votre quatrième question porte sur le volume de déchets collectés et traités. L'ensemble de la filière a traité 575 000 tonnes de déchets en 2015 et devrait en traiter un peu plus de 600 000 tonnes en 2016.
Le réemploi, dans la filière DEEE, s'applique essentiellement au gros électroménager. On parle de réemploi lorsqu'une personne revend son produit à une autre personne. Les éco-organismes sont plutôt concernés par la réutilisation, lorsque l'appareil a été jeté et qu'il est récupéré par l'éco-organisme pour être remis en fonction.
La réutilisation représente de l'ordre de 1 % de la collecte et concerne surtout le gros électroménager. Les quantités sont faibles sur les petits appareils en mélange, les PAM, dont font partie les téléphones portables. Elles ne sont pas mesurées aujourd'hui et il n'existe pas de filières spécifiques pour le réemploi de ces produits.
En termes de valorisation, nous dépassons les objectifs de la directive européenne transcrite dans le droit français. Nous sommes à environ 80 % de recyclage et entre 5 % et 10 % de valorisation énergétique.
La cinquième question porte sur la part des déchets exportés pour être traités et sur le poids des filières illégales. C'est un problème très difficile, que l'on cherche à résoudre. Une étude avait été conduite en 2014, soutenue par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), pour essayer de comprendre quel était le devenir des déchets d'équipements électriques et électroniques en général. À l'époque, la filière des DEEE en traitait un gros tiers, soit 7 kilogrammes sur une vingtaine de kilogrammes environ par habitant. Un peu moins de la moitié, soit 9 kilogrammes environ, était pris en charge par des filières historiques informelles. Les activités de recyclage et de réemploi préexistaient en effet à la création de la filière DEEE et elles ont continué sur les déchets ayant une valeur ajoutée significative. Dans ces activités de recyclage ou de réemploi historiques, une partie des déchets est exportée, et il est encore difficile aujourd'hui d'avancer un chiffre. Pour moi, ce point n'est pas encore complètement éclairci.
Depuis 2014, de gros progrès ont toutefois été accomplis par la filière DEEE, qui collecte un plus grand nombre de déchets : nous étions à 7 kilogrammes par habitant ; nous sommes désormais à 8,5 kilogrammes et nous tendons vers les 9 kilogrammes. Nous intégrons par ailleurs les flux dans la filière DEEE, ce qui permet d'augmenter le contrôle et de vérifier si ces produits sont exportés. En règle générale, mis à part certains traitements spéciaux, 99 % des déchets de la filière DEEE sont traités en France.
Cette étude de 2014 révélait enfin un dernier point intéressant : sur 21 kilogrammes de déchets par habitant dans la filière, entre un et deux kilogrammes étaient réellement perdus, c'est-à-dire qu'ils finissaient enfouis ou incinérés. Ce chiffre est relativement faible et explique que, dans cette nouvelle période d'agrément, l'accent soit mis sur le contrôle de ces filières historiques. Il s'agit d'intégrer dans la filière DEEE les flux « historiques » sur les produits à forte valeur ajoutée, notamment les téléphones portables.
Je ne suis toutefois pas en mesure de vous dire quelle est la part des filières illégales. Il en existe, c'est évident, et certaines exportations ne devraient pas avoir lieu, puisqu'on retrouve des déchets en Afrique ou en Chine.
Pour répondre à la sixième question, nous constatons un effet positif de la modulation des éco-contributions, notamment en termes de développement de l'éco-conception. Le cahier des charges de la filière DEEE comprend une grille de modulation de la contribution, laquelle peut varier de plus ou moins 20 % en fonction de critères environnementaux - par exemple la conservation de pièces détachées pendant onze ans pour les machines à laver, ou l'utilisation de plastique recyclé dans certains produits. Cela donne lieu à un bonus de 20 % de la contribution, sachant que celle-ci est de l'ordre de 7 euros sur une machine à laver. Sur les téléphones portables, la modulation est de 100 %, la contribution pouvant varier de 1 centime d'euros à 2 centimes d'euros selon l'éco-conception de l'appareil - par exemple l'utilisation ou non d'un chargeur universel. L'impact n'est certes pas très important d'un point de vue financier, mais il peut l'être en termes d'image, les producteurs ne souhaitant pas qu'un malus soit appliqué à l'un de leurs produits.
À votre septième question - compte tenu du caractère international des entreprises mettant sur le marché des téléphones portables, ne faudrait-il pas envisager une action dans le cadre d'une filière européenne ? -, je ne peux que répondre par l'affirmative. Une des difficultés des filières DEEE en Europe tient au caractère variable des règles de traitement d'un État membre à l'autre. Ces distorsions favorisent le développement de canaux orientant les produits vers d'autres pays, notamment la Roumanie. C'est particulièrement vrai pour les téléphones portables, qui sont faciles à transporter. Il me semble d'ailleurs qu'un certain nombre d'entreprises de recyclage de téléphones portables ont externalisé leurs opérations en vue du réemploi de ces appareils dans les pays d'Europe de l'Est.
Il y a certainement des choses à faire au niveau européen, même si je sais que ce n'est pas facile d'agir. Quoi qu'il en soit, lorsque nous examinons les règles en matière de recyclage, nous devons toujours avoir en tête une vision industrielle et européenne, car toute distorsion nuit grandement à notre efficacité.
Votre huitième question porte sur les freins au développement du recyclage des téléphones portables en France.
Les téléphones étant des déchets peu encombrants, ils sont moins jetés que les machines à laver, lesquelles finissent en général à la déchetterie. Les téléphones portables, eux, restent dans les tiroirs. Un travail de sensibilisation du consommateur au recyclage est nécessaire à cet égard, sachant que, en tant qu'éco-organisme, nous sommes en concurrence avec des structures privées qui proposent sur internet de racheter les téléphones à des prix intéressants. Or nous ne pouvons pas entrer en concurrence avec ces structures, car nous n'avons pas du tout d'exutoire de réemploi, en particulier dans les pays étrangers. Il faut convaincre le consommateur de remettre son téléphone à la filière, même s'il pourrait encore bénéficier de sa valeur résiduelle. Ce message étant un peu difficile à faire passer, il faut jouer sur la valeur environnementale du déchet, plus que sur sa valeur économique.
À ma connaissance, il n'existe ni frein réglementaire ni frein technique au recyclage des téléphones portables. Si les téléphones portables étaient collectés, la meilleure solution pour les valoriser serait de les envoyer chez Umicore, mais on perdrait alors la valeur, qui serait générée en Belgique. Si Umicore fonctionne extrêmement bien et réalise des marges extraordinaires, c'est d'une certaine manière grâce à nos produits. Il est dommage qu'il n'existe pas en France un équivalent de cette entreprise.