La course à l'innovation constitue le premier frein : elle relève d'un jeu entre distributeurs et constructeurs pour produire le téléphone doté du plus grand nombre de fonctionnalités. De tels téléphones sont développés pour répondre à ce jeu entre concurrents et pas du tout dans une logique de recyclage ou avec la volonté de faire durer l'appareil.
Le jeu du marché constitue le second frein. Si je prends l'exemple du lithium, celui-ci a été commercialisé en France, depuis 1991, initialement pour les batteries des baladeurs avant qu'il ne se retrouve dans tous nos appareils portatifs. La toute première usine de recyclage du lithium, ouverte en Allemagne en 2011, ne concerne que le recyclage de batteries de véhicules électriques. Or, le recyclage du lithium est une démarche technique, potentiellement dangereuse et très compliquée. Son extraction au Chili, en Argentine ou en Bolivie s'avère surtout bien moins onéreuse. Ce jeu du marché s'applique à tous les métaux ! Aujourd'hui, extraire des terres rares en Chine ou à Madagascar revient moins cher que de développer des usines de recyclage. Au moment de la crise des terres rares, à la suite de l'annonce par la Chine d'une restriction de ses exportations, un petit sursaut en faveur du recyclage a été constaté. Solvay a installé une usine de recyclage des terres rares près de La Rochelle. Il y a quelques mois, cette usine a fermé : la Chine a été condamnée et doit exporter des terres rares. L'intérêt pour le recyclage a ainsi disparu.
S'il y a un intérêt sanitaire pour le recyclage, il y a d'abord un intérêt économique ; l'intérêt environnemental est toujours considéré comme secondaire. Lorsqu'il s'agit de rechercher des métaux plus rares dans des alliages un peu complexes, la volonté et les moyens financiers manquent. Il est, à cet égard, dommage que le signal politique récemment envoyé par le Gouvernement consiste à ouvrir des mines, plutôt qu'à mettre en oeuvre un recyclage de pointe et à parvenir à un leadership dans cette filière.
Dans un petit appareil, rechercher les métaux assemblés et les extraire - comme dans le cas de l'or pour lequel il est nécessaire de monter la température des fours de manière très importante, ce qui risque d'éliminer d'autres métaux importants - implique un effort d'innovation et un investissement très importants. Le cahier des charges des éco-organismes comprend une obligation de dépenser 1 % du montant des éco-contributions perçues sur une année en R&D. En 2012, ce montant s'élevait à 181 millions d'euros d'éco-contributions. Ce n'est pas avec moins de deux millions d'euros par an que l'on va développer les technologies nécessaires, sachant que ces sommes concernent l'ensemble des EEE.