Intervention de Alex Buchinger

Mission d'information organisation, place et financement de l'Islam en France — Réunion du 6 avril 2016 à 15h00
Table ronde avec des responsables du culte des principales confessions religieuses pratiquées en france

Alex Buchinger, membre du Conseil du Consistoire central et secrétaire rapporteur du Consistoire de Paris :

La présence juive en France remonte à plus de 1 500 ans et durant de nombreux siècles, les communautés juives à travers la France étaient indépendantes les unes des autres. Malgré les périodes de persécution, les communautés juives françaises ont été particulièrement florissantes, notamment sur le plan spirituel, comme à Troyes avec le Maître Rachi et ses petits-fils ou encore à Paris avec Rabbi Riel, et tant d'autres. La France est véritablement un vivier de savoir et de connaissances talmudiques. Il y avait des communautés et des écoles talmudiques, dans de nombreux endroits en Alsace, en région parisienne ou encore en Provence et dans bien d'autres régions. C'est précisément en 1791 que les Juifs ont véritablement eu le droit de citer en France. Peu de temps après, Napoléon a publié deux décrets, le premier, en date du 10 décembre 1806 et le second, en date du 17 mars 1808, qui instaurent le Consistoire central et les consistoires régionaux. Il a donc tenu à fédérer les communautés juives de France sous l'égide du Consistoire. L'instauration du Consistoire central, sous l'appellation d'Union des communautés juives de France, fut une véritable révolution, avec à sa tête un président et une autorité spirituelle incarnée par le Grand Rabbin de France. Quelques modifications furent apportées en 1844, avec l'intégration de laïcs au sein de ce consistoire central. Il y avait au départ sept consistoires régionaux, définies comme des circonscriptions consistoriales. Avec l'avènement de la loi de décembre 1905 sur la séparation des Églises et de l'État, le Consistoire a connu un véritable bouleversement. Il a ainsi fallu restructurer les communautés et ce n'est que quelques années plus tard que le Consistoire, tel que nous le connaissons aujourd'hui, a été mis en place.

Aujourd'hui, on a un Consistoire central - l'Union des communautés juives de France - qui regroupe toutes les communautés dites consistoriales, c'est-à-dire les associations cultuelles israélites qui ont remplacé les circonscriptions consistoriales. Le Consistoire central comprend quinze consistoires régionaux qui ont chacun à leur tête un président. Il compte une assemblée de trois cent personnes, soit un certain nombre de rabbins élus par leurs pairs et de laïcs présidents de consistoires régionaux et d'associations culturelles israélites. Cette assemblée générale élit le président du Consistoire tous les cinq ans et le Grand Rabbin de France tous les sept ans. Cette assemblée générale élit également les membres du conseil d'administration du Consistoire central, avec un bureau composé de son président, de son vice-président et de son trésorier. Le même schéma existe pour les consistoires régionaux, dont le plus important est celui de Paris, plus communément désigné comme l'Association consistoriale israélite de Paris (ACIP) et dont je représente le président, le Docteur Joël Mergui. L'ACIP représente ainsi la plus grande communauté juive d'Europe, avec 35.000 adhérents sur 150.000 usagers. Ce consistoire a son équivalent dans quatorze autres villes de France.

Le Consistoire pourvoit aux besoins et aux intérêts du culte. L'ensemble des consistoires a pour mission de gérer le culte juif en France. Ils veillent également au respect du droit de la liberté religieuse, à la formation des rabbins dans l'école rabbinique, qui est une émanation du Consistoire central. Le cursus dure au moins cinq ans et, à l'issue, les rabbins sont nommés dans les différentes associations cultuelles implantées en France. Dans chaque région se trouve un grand rabbin qui incarne l'autorité religieuse de la région.

Le financement repose sur des dons et des legs ainsi que sur la taxe sur l'abattage rituel. Les différents consistoires ont en leur sein un Betdin, à savoir un tribunal rabbinique qui assume diverses missions, dont celles afférentes aux règles concernant l'alimentation et l'abattage rituel. Des délégués du tribunal rabbinique sont ainsi en charge de l'abattage rituel et sont payés, tout comme les rabbins, par le Consistoire. La taxe permet de subvenir à leurs salaires ainsi qu'aux besoins plus généraux du Consistoire, qui sont importants. Les synagogues, les centres communautaires et certains immeubles qui y sont rattachés doivent être entretenus. A Paris, les grandes synagogues, comme celles de la rue de la Victoire ou de la rue des Tournelles, sont propriétés de l'État, mais le Consistoire de Paris est chargé de leur entretien. Les autres Consistoires sont propriétaires de synagogues, dont certaines ont été construites après le retour des Juifs d'Algérie puis du Maroc et de Tunisie au début des années 60. Ils pourvoient à l'ensemble des dépenses, qu'elles soient de personnels comme le traitement des rabbins et des personnels administratifs, ou encore l'entretien des bâtiments. La tâche est importante et difficile. Comme vous le savez, la communauté juive de France connaît des départs nombreux de ses membres les plus actifs, qui vont s'installer en Israël du fait de l'insécurité qu'ils ressentent dans bon nombre de communes. Ces personnes se définissent comme françaises avant tout mais ont fait le choix d'émigrer en Israël pour préserver l'intégrité physique de leurs enfants. Quinze mille personnes ont ainsi quitté, pour la seule année 2015, la France et donc nos communautés. Ce sont autant d'adhérents qui ne font plus de dons. Nous essayons de les remplacer par d'autres membres, mais c'est une tâche extrêmement difficile.

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