Mon commentaire ira en quelque sorte dans le même sens : le problème ne vient pas de la religion, mais de son intégration dans l'espace public. C'est une question de philosophie et de construction de rapports non ambigus entre les autorités publiques, les religions et les responsables culturels.
Je prends un exemple concordataire, celui de l'église de Grèce : l'État paie les prêtres comme des fonctionnaires, qui souffrent beaucoup en ce moment avec la crise ! Cela présente parfois des avantages, mais crée aussi à la longue des inconvénients. Le problème n'est pas le régime concordataire ou une laïcité à la jacobine mais la manière dont on conçoit les relations entre pouvoirs publics et religions, et l'intégration du fait religieux à l'intérieur même de la société. Soit on cherche à le garder à distance, soit on cherche à réaliser une intégration plutôt harmonieuse, dans le cadre d'une véritable coopération. C'est à mon sens tout l'enjeu de la question.
La laïcité, en France, comporte des avantages. On a vu qu'il existait des évolutions intéressantes dans le droit positif et dans les arrêts du Conseil d'État. Il y a parfois des rechutes, et tous les acquis retombent parfois. Pour prendre une image, c'est comme si on oubliait de couper le cordon ombilical à la naissance. On est rattaché sans l'être.
Jean-Daniel Roque l'a dit, cette disposition ne concerne que les associations culturelles. On ne comprend pas pourquoi de telles ambiguïtés reviennent toujours, et cela suscite beaucoup d'incompréhensions. Pourtant, comme on peut le constater tout au long du XXème siècle, que ce soit dans le cadre du rapport Machelon ou du groupe juridique interculte, on a toujours travaillé en très bonne intelligence, et c'était très prometteur. Ce groupe constituait un forum établi autour de relations multilatérales avec les autorités publiques. Le fait religieux concernait les deux parties, et les choses n'étaient pas appréhendées d'une manière jacobine, de haut en bas. C'est un peu ce que je disais de l'approche partenariale : il est important que la conception de l'État évolue sur ces sujets. L'approche partenariale est une approche synergétique entre des acteurs de la société, destinée à provoquer davantage de convergences.
On le voit bien avec le développement des projets public-privé, qui constituent une approche partenariale, l'État n'arrivant plus aujourd'hui, dans beaucoup de domaines, à être le seul ordonnateur et le seul exécuteur. Le fait religieux fait partie de ces questions régaliennes, hypersensibles et très importantes pour la société, dans lesquelles le besoin d'une véritable approche partenariale est de plus en plus grand.
In fine, peu importe les dispositions du concordat ou qu'il s'agisse d'une laïcité de l'intérieur : c'est cette question qui nécessite, à mon sens, d'être tranchée.