Intervention de André Reichardt

Mission d'information organisation, place et financement de l'Islam en France — Réunion du 23 juin 2016 à 10h35
Examen de l'avant-projet de rapport

Photo de André ReichardtAndré Reichardt, co-rapporteur :

Nous avons travaillé dans sept grandes directions, avec le souci de dresser un état des lieux aussi précis que possible, de faire part de nos interrogations et le cas échéant d'apporter des réponses. Elles concernent la délimitation du périmètre de l'Islam en France ; le recrutement et la formation des ministres du culte musulman exerçant en France - question essentielle si l'on veut lutter contre la radicalisation ; la clarification des sources de financement pour la construction et le financement des lieux de culte ; l'organisation et la transparence de la filière halal, marquée par une grande opacité ; l'organisation, la gouvernance et la représentativité de l'organe en charge du culte musulman, le Conseil français du culte musulman (CFCM) ; l'enseignement confessionnel musulman en France ; et pour finir, un rappel de la législation et de la jurisprudence touchant aux questions pratiques auxquelles les représentants des collectivités territoriales, et au premier chef les maires, sont confrontés.

Quel est le périmètre de l'Islam en France ? Rendre compte du nombre de musulmans dans notre pays suppose de bien définir les personnes appartenant à la communauté musulmane. Or, cette dernière expression, ainsi que nous nous en sommes rendu compte au cours de nos travaux, reste une commodité de langage, et la communauté musulmane est à ce point plurielle qu'il serait plus juste de parler des communautés musulmanes.

Le nombre de musulmans en France continue de faire débat. Les estimations fluctuent entre 4 et 7 millions, ce n'est pas rien ! Et cela est dû à l'absence de données officielles : le recensement général ne comporte plus, comme cela était le cas par le passé, et à la différence de ce qui a cours dans d'autres pays européens, de questions, même optionnelles, sur le rattachement à un culte. Moyennant quoi, on ne connaît pas le nombre de musulmans en France, ni le nombre de mosquées - environ 2 500, aux dires des intéressés - pas plus que le nombre d'imams. D'où une interrogation : faut-il en rester au statu quo ? Les conclusions de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) et de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), dont nous avons entendu les représentants, font ressortir deux points importants. En premier lieu, l'établissement de statistiques sur les cultes ne se heurte à aucun obstacle juridique majeur, pour peu qu'il s'entoure des garanties adéquates et ne conduise pas, bien entendu, à un registre nominatif. En second lieu, il serait possible d'établir des résultats fiables au travers d'enquêtes périodiques telle que l'enquête Trajectoires et origines (TeO) ; laquelle cependant, au regard des moyens de l'Insee, ne peut avoir lieu que tous les huit ans au mieux - or, compte tenu du développement exponentiel des communautés musulmanes, cette périodicité est trop espacée. Vos rapporteurs ont donc tranché - et nous vous appelons à vous exprimer sur ce point - en faveur de la réalisation, tous les quatre ans au moins, dans les limites légales précitées, d'une enquête sur l'appartenance religieuse de nos concitoyens. Ce qui suppose d'affecter à l'Insee les moyens humains et financiers nécessaires.

Au delà de la question du nombre, un constat doit être posé : celui de la place des pays d'origine, et principalement l'Algérie, le Maroc et la Turquie, dans l'organisation du culte musulman en France. Globalement, quoiqu'à des niveaux variables selon les pays concernés, les leviers d'influence de ces trois grands États d'origine se situent à six niveaux principaux. En premier lieu, dans les rapports avec les mosquées implantées sur le territoire national et avec les associations cultuelles ou culturelles qui les gèrent ; en deuxième lieu, dans la répartition tripartite et sur une base essentiellement nationale des trois principales fédérations musulmanes françaises, avec respectivement la Grande Mosquée de Paris, d'influence algérienne, le Rassemblement des musulmans de France (RMF), d'obédience marocaine et le Comité de coordination des musulmans turcs de France ; en troisième lieu, dans la composition et la gouvernance du Conseil français du culte musulman, à telle enseigne que quel que soit le résultat de l'élection, c'est toujours l'une de ces trois mouvance qui obtient la présidence. Ainsi, en 2003, lors des premières élections au CFCM, bien que l'Union des organisations islamiques de France (UOIF) ait gagné, c'est Dalil Boubakeur, rattaché à la Grande Mosquée, qui a été désigné président.

L'influence des pays d'origine s'exerce, en quatrième lieu, dans la désignation et la rémunération des imams. Elle pèse, en cinquième lieu, sur le dispositif de formation des imams. Il existe en France trois centres de formation, dont l'un est rattaché à l'Algérie tandis que les deux autres le sont à l'UOIF, lui-même sous influence des Frères musulmans. Elle se fait sentir, en sixième lieu, dans l'organisation de la filière halal. Trois mosquées françaises sont habilitées par arrêté ministériel à délivrer des cartes de sacrificateur, dont l'une est d'obédience algérienne, et une autre d'obédience marocaine.

Dans tous les aspects du fonctionnement de l'Islam, ainsi que vous le verrez au long du rapport, on voit prédominer ces trois communautés.

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