Intervention de André Reichardt

Mission d'information organisation, place et financement de l'Islam en France — Réunion du 23 juin 2016 à 10h35
Examen de l'avant-projet de rapport

Photo de André ReichardtAndré Reichardt, rapporteur :

J'insiste à mon tour sur ce point. Si l'on ne change rien à la formation des imams, on se prépare des décennies de difficultés, car c'est dans les prêches que se transmet le venin.

J'en arrive à la question du financement du culte, marqué par l'opacité et la confusion. Dans son rapport sur les collectivités locales et le financement des lieux de culte, notre collègue Maurey dressait, il y a deux ans, trois constats essentiels. Le financement de la construction et de l'entretien des mosquées, tout d'abord, est majoritairement assuré par la communauté musulmane, grâce aux dons de fidèles ; le financement par les États étrangers existe, mais il est plutôt faible en comparaison des sommes mobilisées par les musulmans eux-mêmes ; les associations musulmanes, enfin, font généralement le choix de ne pas se constituer en associations cultuelles, telles que prévues par la loi de 1905 pour la gestion des cultes.

Nos travaux ont permis de confirmer et d'enrichir ce triple constat. Sur le financement du culte par les fidèles, je me contenterai de quelques exemples, éloquents. La zakat, ou l'aumône, l'un des cinq piliers de l'Islam, prescrit à chaque musulman de distribuer 2,5% de ses revenus. À Massy, la communauté musulmane serait en mesure de rassembler 500 000 euros par an. À Gennevilliers, l'association cultuelle de la mosquée aurait récolté 1,3 million d'euros au cours du seul mois de ramadan.

Quant au financement étranger, il reste marginal, mais suscite des interrogations. Nous nous sommes efforcés d'obtenir des chiffres aussi précis que possible, pour chaque communauté d'origine - Turquie, Maroc, Algérie, mais aussi Arabie saoudite, dont l'ambassadeur nous a indiqué que l'État avait versé 3 759 400 euros exactement pour le financement de huit mosquées françaises, pour des aides allant de 200 000 à 900 000 euros par projet, précisant de surcroît que son pays finance le salaire de quelque quatorze imams, exerçant dans des mosquées en France - en dehors de toute convention bilatérale - et ajoutant que ces sommes ne sont pas exclusives de celles qui pouvaient être versées par des donateurs privés. Si l'on ne peut établir le montant de ces dons privés, ils existent bel et bien, comme en atteste le fait que quelques-uns ont transité par l'ambassade.

Les associations qui gèrent les mosquées, enfin, sont majoritairement des association loi de 1901, et non pas des associations cultuelles, prévues par la loi de 1905. Pourquoi, alors qu'une association cultuelle peut recevoir des dons et legs, tandis que les donataires peuvent bénéficier à ce titre de la réduction fiscale prévue par l'article 200 du code général des impôts, ne choisissent-elles pas ce régime ? C'est qu'il emporte plusieurs obligations : outre que les associations cultuelles doivent transmettre leurs comptes annuels à la préfecture, la loi de 1905 prévoir un contrôle financier par le ministère des finances ou l'inspection générale des finances. Ceci explique cela.

Pourtant, la logique de la loi de 1905 voudrait que toute association gérant un lieu de culte se place sous le régime de l'association cultuelle, et une association gérant une mosquée devrait s'y conformer, même si elle exerce aussi par ailleurs des activités culturelles : celles-ci peuvent sans difficulté être disjointes dans une association placée sous le régime de la loi de 1901. C'est ce que vos rapporteurs préconisent.

J'en arrive à la Fondation pour les oeuvres de l'Islam de France, créée par Dominique de Villepin. Malheureusement, cet outil, fait pour dénouer le lien de dépendance entre les pays d'origine et les principales associations et organiser la transparence sur le financement, est mort-né, car les associations musulmanes de France et les États étrangers n'ont pas souhaité le mobiliser et parce que s'y pose, de surcroît, un problème structurel de gouvernance, ainsi que l'a souligné le directeur des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'intérieur, qui nous a indiqué que la Fondation « a dysfonctionné dès sa naissance parce qu'elle a été composée, comme le CFCM, par blocs qui ne s'entendent pas ». Nous vous ferons une proposition visant à recomposer cette gouvernance. Récemment, un haut fonctionnaire du ministère de l'intérieur a été nommé directeur de projet, chargé de la préfiguration d'une nouvelle fondation de l'Islam de France. Vos rapporteurs jugent qu'il appartient à la communauté elle-même de relancer ce processus, même si l'État peut l'accompagner.

Une double évolution, répondant à la fois au souci de transparence et à la volonté de fléchage des financements étrangers, pourrait être envisagée. Nous souhaiterions qu'il soit prévu, sous la forme d'une bonne pratique recommandée auprès des pays partenaires, que les versements effectués par les États transitent nécessairement par la Fondation et que soit organisé, à travers une comptabilité analytique précise, un fléchage des financements de chaque État vers la ou les associations que celui-ci souhaite financer. À cette dernière condition, qui leur permet de continuer à exercer leurs choix, les pays étrangers sont prêts à s'engager dans cette voie.

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