Intervention de André Reichardt

Mission d'information organisation, place et financement de l'Islam en France — Réunion du 23 juin 2016 à 10h35
Examen de l'avant-projet de rapport

Photo de André ReichardtAndré Reichardt, co-rapporteur :

À condition aussi que les différentes composantes de la communauté musulmane s'accordent sur une norme commune.

Formation des imams, poids des pays d'origine, problèmes de financement, conflits récurrents liés à la filière halal : vous l'avez compris, l'état des lieux que nous avons dressé fait apparaître une série de difficultés. Et force est de constater que le Conseil français du culte musulman n'appréhende pas, à l'heure actuelle, ces questions. D'où nos interrogations. Les premières élections au CFCM, en avril 2003, ont vu, comme je l'ai dit, la victoire de l'UOIF, affiliée aux Frères musulmans. N'ayant pu, cependant, constituer le bureau, tenu en mains par les trois pays que j'ai mentionnés, elle a quitté le Conseil. Se pose donc, à tout le moins, la question de la représentativité du CFCM.

Pour autant, le Conseil s'est imposé, au fil du temps, comme la seule institution avec laquelle l'État puisse nouer des relations en vue de traiter les questions relatives au culte musulman. Fort d'une expérience de douze ans, il s'est clairement imposé comme l'organe représentatif du culte musulman, bien que sa représentativité et sa légitimité soient remises en cause par les musulmans eux-mêmes. Toutes nos auditions ont montré que cette instance est devenue un lieu de pouvoir que se disputent des associations sur lesquelles plane l'ombre portée des pays d'origine. Ahmed Ogras, président du Comité de coordination des musulmans turcs de France, relève ainsi que le CFCM est élu « par de grands électeurs déconnectés de la réalité », ajoutant que « son point faible est de ne pas représenter la base » - ce que nous ont confirmé, en des termes plus catégoriques encore, certains intervenants issus de cette base.

Le CFCM apparaît aussi de plus en plus en décalage avec la jeune génération, qui dit clairement ne se sentir absolument pas représentée par ceux qu'elle appelle « les blédards », venus de leur pays d'origine tandis qu'eux-mêmes sont nés en France. Plusieurs de nos auditions nous ont fait mesurer le fossé qui sépare les représentants de nombreuses associations musulmanes des représentants officiels du culte musulman, les premiers déniant aux seconds toute légitimité de parler au nom des musulmans de France.

Quels choix s'offrent, face à cela, à l'État ? Le directeur des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'intérieur, qui relève que le CFCM a très vite été décrié, n'en observe pas moins qu'il demeure « l'organe le plus représentatif du culte musulman dans notre pays ». L'alternative qui s'offre à l'État est pour nous la suivante : soit il laisse à la communauté musulmane le soin de s'organiser elle-même, à l'instar des Britanniques, comme cela a été le cas jusqu'à présent, soit il s'empare de la question de l'organisation du culte musulman en estimant que ce sujet relève de l'ordre public national, compte tenu du contexte international, des enjeux liés au terrorisme et à la prévention de la radicalisation, ainsi que de la nécessité de protéger la population, à commencer par les musulmans eux-mêmes.

Vos rapporteurs considèrent qu'il appartient aux communautés musulmanes de se prendre en mains. Le CFCM, tout décrié qu'il soit, existe bel et bien : nous l'appelons à s'organiser dans le cadre de nouvelles modalités tenant mieux compte des exigences de représentativité, en se dotant de nouveaux statuts, qui, à tout le moins, n'interdisent pas à ceux qui ont gagné les élections d'exercer le pouvoir... Songeons que l'article 4 des statuts actuels assure aux fédérations déjà présentes au sein du Conseil l'équivalent d'un droit de véto contre l'arrivée d'une fédération concurrente.

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