Intervention de Mgr Philippe Bordeyne

Mission d'information organisation, place et financement de l'Islam en France — Réunion du 17 février 2016 à 15h00
Audition de mgr philippe bordeyne recteur de l'institut catholique de paris

Mgr Philippe Bordeyne, recteur de l'Institut catholique de Paris :

Merci pour votre accueil. L'ICP vient d'obtenir la qualification d'établissement d'enseignement supérieur privé d'intérêt général. Cet établissement comprend 10 000 étudiants : 5 500 en diplôme d'État, 1 500 en diplôme canonique et 3 000 dans des formations plus courtes, au sein des instituts qui dépendent directement du recteur. En outre, onze écoles supérieures autonomes sont associées à l'ICP et je suis membre de droit de leur conseil d'administration. Ainsi, j'arrive à l'instant de l'assemblée générale de l'Essec, qui est l'une de nos plus belles écoles.

Nous proposons une formation de cadres cultuels ou de responsables d'associations étrangers qui sont appelés à rester de façon durable sur notre territoire. De 170 heures, elle s'achève par un diplôme universitaire et représente 60 crédits au ECTS (European Credits Transfer System). Dans les formations existantes, c'est la plus riche en nombre d'heures. Je suis recteur depuis quatre ans et demi et j'étais le doyen de la faculté de théologie et de sciences religieuses lorsque cette formation a été créée en 2008 par mon prédécesseur, Pierre Cahné. On m'a souvent demandé comment notre faculté de théologie pouvait former des imams. D'un point de vue symbolique, il est très important que cette formation ne se déroule pas dans la faculté de théologie et c'est pourquoi les cours sont dispensés dans notre faculté de sciences sociales et économiques.

Les universités publiques ne souhaitaient pas assurer cette formation. Mon prédécesseur et moi-même l'avons accueillie en raison de l'orientation générale de l'ICP. Notre unité de recherche comporte 70 enseignants-chercheurs et s'intitule « Religion, culture et société ». Elle a été reconnue par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche durant l'été 2014. Cette unité qui comporte des philosophes, des spécialistes du droit canonique, des théologiens, des sociologues, des juristes, des littéraires, s'intéresse particulièrement aux rapports entre les religions, les cultures et les sociétés. C'est pourquoi lorsque le diplôme « Interculturalité, laïcité, religions » a été mis en place en 2008, nous avons tenu à ce que ces trois thèmes figurent explicitement dans l'intitulé.

J'en viens au contenu, en quatre blocs. Le premier bloc regroupe trois cours : République française, institutions de la République française, politiques publiques d'intégration et de citoyenneté.

Le deuxième traite du droit, des libertés, des religions et des convictions, ainsi que de l'exercice des religions au quotidien dans l'espace public. Nos étudiants étrangers découvrent souvent avec étonnement qu'il est possible d'avoir une confession religieuse et de jouir de droits en tant que citoyen ou étranger.

Le troisième bloc, « Religion, philosophie et interculturalité », aborde la question de la laïcité d'un point de vue juridique mais aussi philosophique. Les étudiants étrangers maîtrisent souvent mal la notion de sécularisation.

Un autre cours concerne l'introduction aux religions et l'enseignement est dispensé par sept enseignants-chercheurs de notre institut de sciences et de théologie des religions. Ce cours présente l'islam contemporain, le christianisme contemporain, le judaïsme contemporain et les religions orientales contemporaines. Ainsi, les étudiants saisissent les difficultés, les questions et les marges de liberté des autres confessions en France.

Depuis quatre ans, plusieurs de nos étudiants sont des séminaristes russes orthodoxes. Nous avons en effet signé un partenariat avec le séminaire russe orthodoxe de l'Essonne. Le recteur, le père Siniakov, souhaite en effet que les futurs ministres du culte orthodoxe russe appréhendent mieux les diverses religions.

Le quatrième module a trait à la médiation et la communication. Le plus souvent, les cours les plus pratiques ont pour les étudiants le plus grand intérêt : économie, gestion du culte, médiation interculturelle. Notre institut de formation à la médiation et à la négociation forme des avocats et des médiateurs dans diverses disciplines et j'ai signé il y a deux ans une convention avec le préfet de police de Paris pour que des médiateurs puissent se rendre dans des commissariats. Ce cours de médiation intéresse beaucoup les étudiants : un ancien élève, imam du Val d'Oise, me disait récemment qu'il passait une grande partie de son temps à faire de la médiation, au sein des familles musulmanes, entre musulmans d'origines géographiques différentes, entre communautés au sein de chaque cité,... Ce cours, qui enseigne les fondamentaux du dialogue avec l'autre, est très apprécié. En outre, le dialogue s'avère fructueux entre les étudiants de la même promotion qui sont d'âges, de nationalités et de confessions différentes. Enfin, nous enseignons les techniques de base de la communication orale et surtout écrite, car les étudiants ont à préparer le mémoire qu'ils présenteront lors d'un grand oral. Ainsi, l'étudiant démontre sa capacité à construire un discours cohérent sur un sujet qu'il a choisi avec ses enseignants.

Cette formation est dirigée par Claude Roëls, philosophe, enseignant à l'ICP et à l'institut Al-Ghazali de la Grande Mosquée de Paris. Cette année, nous avons 27 étudiants mais d'autres promotions sont hélas moins nombreuses. Nous recrutons en grande partie grâce aux alumni : les anciens élèves racontent leur parcours et les bénéfices qu'ils en ont tirés.

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