J'ai plutôt tendance à être opposé aux statuts... Il ne faut pas de caractère automatique - dans une entreprise que j'ai connue, la rémunération de la personne élue ne devait pas être inférieure à la moyenne de celles de ses collègues -, mais il faut que le titulaire du mandat puisse bénéficier, un an avant la fin de son mandat, d'une discussion avec son responsable managérial, pour identifier ses compétences et déterminer la manière dont elles peuvent être utilisées.
Je suis rétif à l'idée de statut parce que, en France, on a tendance à tout réglementer. Il s'agit davantage, selon moi, d'une question d'état d'esprit, même si un encadrement est nécessaire. L'objectif n'est pas d'avoir un statut, mais que le dialogue social améliore la performance de l'entreprise.
Enfin, j'évoquerai la professionnalisation du mandat - on retrouve en partie ce sujet en politique. Aujourd'hui, un organisme d'assurance-chômage ou de caisse de retraite est confronté à des enjeux économiques, stratégiques et sociaux considérables. Si le directeur général d'une caisse de retraite soumet, par exemple, à son comité d'établissement un projet de rachat d'une chaîne de cliniques privées, cela pose toutes sortes de questions : est-ce stratégique ? Est-ce le rôle de la caisse de retraite ? Ensuite, les conditions financières envisagées sont-elles bonnes ? Le rôle de la gouvernance est, en quelque sorte, d'établir un contrepoids, dans le bon sens du terme, avec le management interne de l'institution paritaire. Or, pour assurer convenablement ce rôle, on ne peut être un amateur. Le choix du mandataire est donc crucial et sa formation continue est un enjeu clef.
Par ailleurs, le mandataire doit rendre compte de ses mandats. Lorsque j'ai assumé la présidence du pôle social à l'échelon interprofessionnel, ma première décision a été de réunir les mandataires. Je me suis rendu compte qu'il y en a avait une quantité invraisemblable, qu'on ne les connaissait pas et que la plupart d'entre eux ne rendait jamais compte de leur mandat. Le plus souvent, dans une entreprise, quand vous êtes disponible, ce n'est pas bon signe ; les plus compétents ne sont pas toujours les plus disponibles.
Nous touchons là à un véritable problème, que l'on retrouve aussi dans le sport : les mandats sont bénévoles. Aussi, beaucoup de mandataires, du côté tant syndical que patronal, considèrent que donner de leur temps, faire un acte de générosité, les dispense d'être professionnels et de rendre des comptes.
Pourquoi le débat sur la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels s'est-il si mal passé ? Il s'agit, selon moi, d'un échec collectif lié à l'absence de pédagogie vis-à-vis des citoyens. J'avais encore des mandats à l'époque et je peux certifier qu'il y a eu une véritable concertation entre l'État et les organisations salariales et patronales. Je me souviens de l'organisation, avant le dépôt du projet de loi, d'un nombre important de réunions bilatérales avec les ministres et avec le Premier ministre. Il ne faut donc pas travestir la réalité, la concertation a été réelle et on a largement abordé la question du niveau et des modalités d'élaboration de la norme sociale.
Néanmoins, la loi a subi deux problèmes. Tout d'abord, alors que le débat initial portait uniquement sur la question de la norme, se sont ajoutées la question des indemnités prud'homales et celle du licenciement économique. Ces sujets sont légitimes et doivent, selon moi, être traités, mais ils ont été ajoutés a posteriori au texte. Ensuite, on a perdu la bataille de la communication avec les citoyens. Pas une personne sur dix, dans les cortèges qui ont défilé, n'avait lu la loi, car elle était illisible ! Elle comportait 165 articles, sans parler des décrets par la suite ! C'est pourtant le rôle des politiques et des partenaires sociaux que d'expliquer les enjeux d'une réforme en termes non juridiques, de détailler ce que le texte signifie du point de vue des risques et des opportunités.
Or, si je peux me permettre, mesdames, messieurs les sénateurs, on a une faiblesse endémique en ce domaine. On prétend qu'il s'agit d'un problème de communication, mais c'est plus grave. La communication, cela s'apprend, surtout quand on est à ce niveau de représentation. Pour moi, le problème repose sur le postulat que l'on s'adresse à des gens qui ne sont pas toujours en capacité de comprendre et qu'il n'est donc pas nécessaire de perdre du temps à leur expliquer les choses. Avec ce type de posture, on n'est pas près de s'en sortir...
Ensuite, on fait des choix, car, même si l'on a réuni toutes ces conditions, le positionnement des acteurs existe encore. Certaines organisations sont systématiquement dans la destruction.