Sans doute, mais ce n'est pas la majorité. Pour être performante dans la durée, une entreprise doit créer de la richesse pour quatre parties prenantes.
Premièrement, les actionnaires, car une entreprise sans capital ne fonctionne pas, que vous le veuillez ou non.
Deuxièmement, les clients, car sans client, l'entreprise n'existe pas. D'ailleurs, on ne parle jamais des clients, mais la pression la plus lourde qui pèse sur une entreprise provient d'eux. On peut tenir des discours théoriques, mais, quand nous sortons de cette pièce, nous devenons tous des clients et, si nous ne sommes pas satisfaits du service d'un fournisseur, nous en changeons dans les dix minutes. Avec l'économie du partage, le client, qui était extérieur, est entré dans l'entreprise.
Par ailleurs, peut-être y a-t-il eu des excès dans le champ financier, mais des études sérieuses ont montré que le partage de la valeur ajoutée est plutôt équilibré. Ainsi, entre 2008 et 2014, le salaire réel a augmenté plus vite que l'inflation et la productivité. Si les gouvernements successifs avaient apporté des réponses fiscales plus pertinentes pour encourager le citoyen à investir davantage dans les entreprises, les grands groupes n'auraient pas un capital majoritairement détenu par des fonds financiers...
La troisième partie prenante est le personnel de l'entreprise et la quatrième est la société civile, car on ne peut être performant dans la durée si ses pratiques ne coïncident pas avec les attentes de la société. Je suis donc, sans être excessif, de ceux qui considèrent que l'entreprise constitue une communauté.
J'ai été interrogé sur l'assurance-chômage. Il serait trop long d'y répondre dans le détail, mais, en effet, le système d'assurance-chômage n'est plus adapté à la croissance de notre pays, ni à la modification de la structure de ses emplois. Quelques mécanismes étrangers efficaces pourraient être adaptés à la France, comme les solutions modulables. En période de croissance, on fait des réserves et en période difficile, on les utilise. Il s'agit d'un mécanisme assurantiel, mais qui n'a jamais réellement été appliqué. Je rappelle tout de même que le système actuel est équilibré jusqu'à un taux de chômage de 9 %, ce qui est élevé.
Par ailleurs, la finalité d'un régime d'assurance-chômage est double : il doit permettre à celui qui a perdu un emploi d'avoir des conditions de vie décentes et de retrouver ainsi un emploi, mais, s'il y a des droits, il doit aussi y avoir des devoirs. Ainsi, s'il est naturel que l'assurance-chômage offre à ceux qui sont privés d'emploi des conditions décentes de vie, en contrepartie, celui à qui l'on offre un emploi en rapport avec ses compétences, éventuellement moyennant une formation, a le droit de refuser, mais alors le système peut en tirer les conclusions. En Allemagne, par exemple, si vous refusez un emploi adapté et situé à moins de 350 kilomètres, vos indemnités subissent un premier abattement ; si vous refusez une deuxième fois, elles connaissent un nouvel abattement et au troisième refus, vous touchez les minima sociaux. De tels mécanismes existent depuis longtemps en France, mais ils n'ont jamais été mis en application.
Il ne s'agit pas de se comporter de façon sauvage, mais on est dans une situation où 3,5 millions de personnes au total sont sans emploi et où, pourtant, des emplois ne sont, par ailleurs, pas pourvus. Il faut donc des droits et des devoirs, c'est logique.
Vous parliez, madame Robert, de démocratie participative ; le débat politique ou social doit-il se cantonner aux institutionnels ou est-il légitime de faire entrer dans le débat d'autres acteurs ? C'est compliqué. Examinons l'exemple de l'assurance-chômage. Ce domaine doit-il rester réservé aux partenaires sociaux ou doit-il y avoir des discussions avec les autres parties prenantes, notamment les associations de chômeurs ? Si l'on pense que c'est utile - personnellement, je pense que cela va dans le sens de la démocratie sociale -, il faut définir les modalités d'organisation. Faut-il parler avec toutes les organisations de chômeurs ? Il est déjà compliqué de négocier avec cinq organisations syndicales, sans compter que l'État reste toujours présent... Il est donc intéressant de réfléchir, en amont de la négociation, à une concertation avec les autres parties prenantes, mais il faut établir des règles qui ne complexifient pas les choses.
En ce qui concerne la question sur les grands groupes, les très petites entreprises (TPE) et les PME, je le répète, si, dans l'industrie, on n'avait pas les « champions français », il n'y aurait pas une seule PME en France. Néanmoins, la relation entre le donneur d'ordre et le sous-traitant doit être plus efficace.