Intervention de Philippe Frin

Commission d'enquête Compensation des atteintes à la biodiversité — Réunion du 7 février 2017 à 14h00
Audition de Mm. Philippe Frin et michel mayol membres du collectif « naturalistes en lutte »

Philippe Frin, membre du collectif « Naturalistes en lutte » :

Il s'agit bien de quatre nouvelles espèces protégées qui n'ont pas été prises en compte par le bureau d'études Biotope. Nous avons sollicité en ce sens la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) et le préfet, sans retour.

J'en viens à présent à la quatrième question : quelles ont été les difficultés engendrées par les méthodes de définition de compensation ? Le choix d'une méthode de compensation surfacique par le maître d'ouvrage aurait-il été envisageable et, le cas échéant, préférable ? La méthode de compensation a été conçue pour faire aboutir le projet. L'approche de surface, telle que définie dans les schémas d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) et dans le SDAGE, aurait conduit à une approche surfacique de l'ordre de 200 % pour les zones humides. On est sur une emprise totale de l'ordre de 1 000 hectares, ce qui implique la restauration d'une zone humide de 2 000 hectares. Un tel chantier est considérable et implique de travailler sur la restauration de l'ensemble des fonctions de ces zones humides. Devant l'impossibilité de trouver une telle surface, une réflexion a été conduite pour définir une méthode permettant de contourner l'évitement qui aurait déjà dû être mis en oeuvre. Lorsqu'on ne peut compenser, on devrait renoncer à un projet trop impactant !

L'approche retenue a été invalidée scientifiquement par la commission des experts. Elle est mixte et expérimentale : à Notre-Dame-des-Landes, l'approche retenue est à la fois fonctionnelle et surfacique. On va hiérarchiser les milieux et déterminer des ratios qui permettront de définir des unités de compensation lesquelles donneront lieu à des mesures de compensation sur d'autres territoires. On va ainsi pouvoir échanger ! Cette méthode est magique puisqu'elle permet de tout compenser, y compris les milieux oligotrophes sans pour autant permettre la restauration des conditions nécessaires à l'habitat des espèces protégées. Ainsi, couper une peupleraie va permettre de gagner des unités de compensation, tout comme convertir une culture en prairie. Au final, restaurer un couvert en herbe sur une culture est certes intéressant, mais ne permettra pas l'implantation d'espèces présentant un intérêt patrimonial ! Cette méthode relève de la manipulation en transformant les surfaces en unités de compensation. Néanmoins, la destruction de 1 000 hectares présentant, conformément à la loi sur l'eau, une fonction hydraulique majeure représente quelque 500 unités de compensation. La méthode a manifestement servi à réduire le besoin compensatoire et à assurer une compensation qui n'aurait pas pu être atteinte sans un tel dispositif. Plus les méthodes tendent à hiérarchiser les milieux et à instaurer des coefficients, plus elles apparaissent incompréhensibles au grand public et incontrôlables sur le terrain, faute d'une mise en relation entre ce qui est détruit et ce qui est restauré. L'avantage premier est de diminuer les surfaces à compenser. En outre, différents points de cette méthode doivent être critiqués : d'une part, la non-prise en compte de certains groupes d'espèces par cette méthode de calcul d'impact résiduel global qui ne prend en compte que trois groupes d'espèces. Ainsi, les mammifères n'ont pas été pris en compte ! D'autre part, l'utilisation de ratios s'est avérée scientifiquement non fondée et malgré son invalidation par la commission scientifique, celle-ci n'a pas été modifiée ! Enfin, la taille des enveloppes de compensation doit être prise en compte. En effet, l'intérêt de Notre-Dame-des-Landes est de disposer d'un site étendu sur 1 600 hectares et situé en tête d'un bassin versant entre la Vilaine et la Loire sur un seul ensemble. Or, les mesures compensatoires vont s'égrener sur plus de 16 000 hectares, ce qui est tout bonnement incohérent ! Plus une zone humide est importante, plus les fonctions présentes vont s'y développer. Multiplier les petites actions sur 16 000 hectares ne va pas permettre de restaurer la capacité fonctionnelle de ce qui a été détruit. Enfin, je ne reviendrai pas sur le fait que les mesures compensatoires reposent sur la voie contractuelle et non sur l'acquisition de terrains.

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