Intervention de Rouchdy Kbaier

Commission d'enquête Compensation des atteintes à la biodiversité — Réunion du 9 février 2017 à 17h30
Audition de M. Rouchdy Kbaier et Mme Claude Brévan membres de la commission du dialogue M. Ghislain de Marsily président et Mme Véronique de Crespin de billy et Mm. Julien Tournebize et serge muller rapporteurs du collège des experts scientifiques relatif à l'évaluation de la méthode de compensation des incidences sur les zones humides

Rouchdy Kbaier, membre de la commission du dialogue :

Je suis également membre du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), ce qui m'a notamment amené à travailler régulièrement sur les contentieux européens dont je vais vous faire état.

Claude Brévan a évoqué le fractionnement des procédures relatives aux projets initiaux, c'est-à-dire à l'aéroport, dont AGO est le maître d'ouvrage, et au barreau routier, qui relève de l'Etat. Il est évident si l'on observe la période allant du début des années 2000 à la fin de l'année 2016, au moment de la révision du schéma de cohérence territoriale (SCoT) de Nantes Saint-Nazaire. Plusieurs étapes se sont succédé : les conclusions du débat public en 2003, l'enquête publique en 2006, le changement de réglementation concernant les zones humides en 2008, puis les enquêtes publiques loi sur l'eau et les demandes de dérogations au titre des espèces protégées en 2012. Toutes ces procédures ont été mises en oeuvre au regard du droit français de l'époque, mais pas forcément au regard du droit européen, ce qui explique aujourd'hui le contentieux en cours à ce niveau. Et ce n'est que tardivement, une fois prise la décision d'installer l'aéroport à un endroit précis, que la question de l'environnement a été considérée. La séquence ERC ne pouvait donc pas être respectée dans son ensemble. S'ajoute à ces éléments le changement de statut de la zone où doivent être construits l'aéroport et le barreau routier, qui n'est intervenu qu'après l'enquête publique. En effet, deux arrêtés ministériels, de 2008 et 2009, ont ajouté un critère pédologique de profondeur conduisant à ce que 98 % de la surface de la ZAD devienne zone humide.

Au final, neuf ans se sont écoulés entre le débat public et les arrêtés loi sur l'eau, six ans entre ces mêmes arrêtés et l'étude d'impact, et quatre ans, toujours entre les arrêtés et la DUP. Le fractionnement des procédures a donc été très préjudiciable à la transparence du projet et à sa sécurité juridique. Pour éviter ce fractionnement, l'ensemble des mesures prises au plan environnemental auraient dû l'être, comme le demandait la commission du dialogue, au regard du droit européen. Les directives européennes ont en effet une acception globalisante de l'évaluation environnementale et depuis vingt ans, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) censure de façon systématique tous les pays qui fractionnent les procédures.

Les questions ont été prises à l'envers et la question écologique et environnementale n'a pas été traitée quand elle aurait dû l'être. Ainsi, l'aéroport a été conçu de façon très étendue, notamment s'agissant des parkings, alors même que l'application de la séquence éviter aurait dû conduire à réduire la surface occupée, notamment par l'utilisation de parkings en silos, comme le recommandait la commission du dialogue. S'agissant des espèces protégées, les questions auraient là aussi dû être traitées le plus tôt possible, dès le stade de l'étude d'impact, afin de tenir compte des directives européennes en la matière. Il en est de même sur un autre sujet qui est celui de l'autorisation environnementale unique, en vigueur depuis la fin du mois de janvier. La jurisprudence de la CJUE et celle du Conseil d'Etat convergent sur ce point.

J'en viens à la question, non plus du fractionnement des procédures mais de celui du projet. Pour l'Union européenne, le projet d'aéroport concerne également la liaison tram/train et la LGV. Les effets cumulatifs des composantes d'un même projet doivent donc être évalués, de même que leur cohérence avec les documents d'urbanisme. C'est sur ces questions que porte le contentieux en cours sur le projet de l'aéroport, la Commission s'appuyant sur la jurisprudence de la CJUE pour évaluer les effets cumulatifs, les interactions entre projets et la cohérence entre les évaluations. In fine, c'est la question de la façon dont sera mise en oeuvre la compensation sur ces différents projets qui est posée.

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