Intervention de Véronique de Crespin de Billy

Commission d'enquête Compensation des atteintes à la biodiversité — Réunion du 9 février 2017 à 17h30
Audition de M. Rouchdy Kbaier et Mme Claude Brévan membres de la commission du dialogue M. Ghislain de Marsily président et Mme Véronique de Crespin de billy et Mm. Julien Tournebize et serge muller rapporteurs du collège des experts scientifiques relatif à l'évaluation de la méthode de compensation des incidences sur les zones humides

Véronique de Crespin de Billy, rapporteure du collège d'experts :

Il est vrai que l'on pourrait nous reprocher d'avoir travaillé sur l'état initial alors que cela ne faisait pas partie de notre saisine. Mais l'état initial participe de l'évaluation des impacts et donc du dimensionnement de la compensation. Il était donc pour nous très important que cet état initial soit correctement fait, sans quoi nous ne pouvions juger de la pertinence du dimensionnement de la compensation. Tout au long de notre expertise, nous avons été gênés par cet état initial incomplet pour rendre notre avis sur le dimensionnement de la compensation. Nous savions donc dès le départ que le jeu de données était incomplet, sinon biaisé.

Les fortes lacunes de cet état initial conduisaient à une surestimation potentielle de certaines fonctions, notamment la fonction de soutien d'étiage des zones humides pour les cours d'eau de tête de bassin versant, et une sous-estimation en revanche des autres fonctions remplies par ces zones humides, notamment des fonctions de régulation hydraulique, de régulation des crues et surtout de la fonction biologique. Cette fonction biologique a été évaluée dans le cadre de ce projet au regard de la typicité des habitats humides et de leur occupation par les amphibiens. Il est possible de faire cela, on le voit dans d'autres dossiers : on utilise un groupe d'espèces, que l'on appelle des espèces « parapluies » : en regardant un groupe d'espèces, cela explique le fonctionnement de toutes les autres. Mais on ne peut le faire qu'à condition que ces espèces révèlent bien les besoins physiologiques ou écologiques de toutes les autres espèces présentes (mammifères, oiseaux, insectes, espèces aquatiques, etc). En l'occurrence, le choix des amphibiens nous a paru intéressant mais incomplet parce qu'il ne pouvait représenter les besoins physiologiques des oiseaux, des chiroptères, des insectes et des autres espèces aquatiques. C'était donc pour nous une proposition intéressante, mais qui ne permettait pas d'évaluer l'ensemble des fonctions biologiques du site.

Un autre point manquait selon nous à l'analyse de l'état initial : la mosaïque d'habitats au droit de ce projet ainsi que les connexions entre ces habitats, qui permettent aux fonctions biologiques d'être démultipliées. Ce critère-là n'était malheureusement pas pris en compte dans leur évaluation des fonctions biologiques associées au site.

J'ai été un peu longue mais c'était pour indiquer pourquoi le dimensionnement de la compensation partait dès le départ d'un jeu de données qu'il aurait fallu compléter.

Sur la méthode, à la décharge du maître d'ouvrage, l'exercice était à l'époque compliqué. Il n'existait pas de méthode de dimensionnement de la compensation. Pour ce projet, il appartient à chaque maître d'ouvrage de proposer sa propre méthode. C'est une difficulté pour le maître d'ouvrage mais aussi pour les services instructeurs, pour les établissements publics en charge de l'expertise de ces dossiers, etc. Chaque projet propose une méthode de dimensionnement qui lui est propre, avec des critères qu'il choisit et qui doivent être validés par les services instructeurs, ce qui est relativement complexe.

Nous avons tout de même noté dans notre rapport que les deux maîtres d'ouvrage - DREAL et AGO - pour ce projet-là avaient fait l'effort de proposer une méthode, ce qui n'est pas toujours le cas. Il faut reconnaître que cette volonté d'innovation des maîtres d'ouvrage était à l'époque assez intéressante pour un projet surfacique, en outre sur un grand territoire.

Au-delà de ce constat, nous devions apporter une caution scientifique aux choix qui avaient été faits, or il est apparu très vite que cette méthode était extrêmement complexe, qu'elle démultipliait les coefficients d'ajustement ou de pondération du besoin de compensation, autrement appelé « dette environnementale ». Les critères retenus étaient à chaque fois critiquables et insuffisamment justifiés dans le dossier pour pouvoir être validés. Pour chacun de ces coefficients, il y avait plusieurs classes de qualité et des choix de valeur attribuée. Tant pour la nature de ces coefficients que pour le nombre de classes attribuées et pour les valeurs, on pouvait se poser la question du pourquoi. Nous n'avons pas pu valider ces choix de coefficients d'ajustement ou de pondération.

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