Intervention de Alain Richard

Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 23 février 2017 : 1ère réunion
Audition de M. Jean-Bernard Auby professeur à l'institut d'études politiques de paris directeur de la chaire mutations de l'action publique et du droit public et de Mme Estelle Bomberger-rivot maître de conférences chercheur à la chaire mutations de l'action publique et du droit public

Photo de Alain RichardAlain Richard :

Au fond, si l'on essaye de retracer cette séquence, il faut se placer non pas au moment des lois de décentralisation, mais dans la période de réflexion antérieure, notamment lors de la préparation d'un projet de loi de délégation présenté par Christian Bonnet, alors ministre de l'Intérieur de Valéry Giscard d'Estaing, qui avait déjà beaucoup anticipé. C'est à ce moment-là qu'est entré dans le champ de l'administration locale le concept de compétence, qui en était absent. Ce concept fait appel à une notion de droit juridictionnel : la compétence. Dans son étymologie latine, c'est l'aire d'autorité d'une juridiction ou d'une instance.

La loi de 1983 a essayé de définir le droit d'exercer une action locale par le terme de « compétence ». Ce processus est toujours en cours et il n'est pas sûr qu'il soit très rectiligne. Que faut-il entendre par « compétence » dans le champ de l'action locale ? C'est au fond la dévolution de prérogatives propres, c'est-à-dire exclusives, à une collectivité ou à une catégorie d'institutions. Or on s'est habitués, du fait de la propension à trouver des arrangements, qui a gagné en importance dans nos assemblées parlementaires et au Gouvernement, à qualifier de « compétences » bien des choses ne répondant pas à cette définition.

L'article L. 1111-9 du Code général des collectivités territoriales mentionne une liste de « compétences relatives à » la mobilité durable, au soutien à l'enseignement supérieur et à la recherche - c'est-à-dire ouvrir un carnet de chèques -, à la politique de la jeunesse. Je serais curieux qu'on m'explique ce que recouvrent ces compétences. Il faudrait à cet égard mener un travail conceptuel - qui aurait aussi des effets pratiques - pour approfondir cette notion aujourd'hui très approximative.

Nous venons de parler de la compétence assainissement à la suite d'un arrêt un peu inattendu du Conseil d'État, selon lequel cette compétence englobe automatiquement la gestion des eaux pluviales. Nous sommes maintenant en train d'essayer de nous débarrasser de cet oursin.

En revanche, il existe des domaines où la notion de compétence est explicite : par exemple la délivrance des autorisations d'urbanisme.

S'agissant de la notion de chef de file telle que je la comprends en droit, elle sous-tend que le législateur postule une action commune de plusieurs niveaux ou de plusieurs types d'institutions. Or, pour moi, l'action commune est toujours facultative. Si un département veut mener une action en matière de politique de la jeunesse et qu'il ne souhaite pas qu'elle soit coordonnée avec celle de la région, en droit, je ne vois pas ce qui peut l'en empêcher. Nulle part il n'est écrit que, si vous voulez mener une action dans l'un des domaines énumérés par la loi, vous devez le faire de manière commune. Au contraire, si vous avez choisi de mener une action commune, alors vous vous placez sous la position de chef de file. L'entrée dans une relation de chef de file à sous-chef ou à subordonné de file est toujours une faculté. Or, ce sujet recelant énormément de considérations protocolaires ou narcissiques, beaucoup de gens se trompent profondément et, par conséquent, se disputent sur ce sujet. S'il y a un domaine où vous pouvez être des sauveurs, ce pourrait être celui-ci.

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