Intervention de Valéry Laurent

Délégation sénatoriale à l'Outre-mer — Réunion du 9 février 2017 : 1ère réunion
Normes en matière de construction d'équipement et d'urbanisme dans les outre-mer — Table ronde

Valéry Laurent, directeur du Bureau de normalisation des techniques et équipements de la construction du bâtiment (BNTEC) :

Le BNTEC fut créé en 1990 sur sollicitation de l'AFNOR au moment où arrivait la directive européenne sur les produits de construction. Il est issu de la profession. Il a été mis en place par la Fédération française du bâtiment (FFB) qui continue de l'animer. C'est un bureau de normalisation qui est très proche du terrain et des techniques de travaux mises en oeuvre par les entreprises. Les retours d'expérience des professionnels se retrouvent notamment dans la rédaction des clauses types de marchés de travaux que sont les NF DTU. Les problèmes des outre-mer sont connus depuis longtemps du BNTEC et des membres du groupe de coordination des normes du bâtiment, une instance de l'AFNOR. Un premier travail fut conduit à l'initiative du ministère du logement avec le CSTB dans les années 1990 pour dresser la liste des DTU qui évoquaient l'outre-mer. Ce travail a incité le groupe de coordination des normes du bâtiment à préconiser que les DTU mentionnent explicitement s'ils portent ou non sur les outre-mer. C'est désormais systématique.

Le secteur du BTP dans certains territoires ultramarins est mieux organisé que dans d'autres pour nous faire remonter des données techniques pertinentes pour modifier ou adapter les normes. La Réunion se détache. Plus ponctuellement, des relais comme les antennes d'expertise des assureurs-construction ou les bureaux de contrôle nous apportent aussi leur concours. Cela a été le cas pour la Martinique et la Guyane notamment. L'organisation locale de la filière est un point important à renforcer.

Nous avons été contactés récemment par la FRBTP de La Réunion qui a constitué un groupe de travail avec les acteurs locaux (services de l'État, CAPEB, assureurs, contrôleurs techniques) pour formaliser des propositions, en réaction me semble-t-il à l'initiative de votre Délégation. Ce groupe de travail nous a adressé un premier document listant des normes DTU de mise en oeuvre dont l'adaptation pourrait faire l'objet d'une expérimentation. Ce document est très précieux pour nous car il nous permet d'identifier des axes de travail clairs. Nous avons récemment répondu favorablement aux professionnels de La Réunion en vue de tenter une expérimentation technique. Nous ne croyons pas au document unique qui couvrirait tous les besoins, version grande cathédrale normative. Cela ne fonctionne jamais. Nous croyons plutôt aux bienfaits d'un travail plus progressif et segmenté, norme par norme pour répondre à des besoins techniques bien spécifiques. L'expérimentation que nous souhaitons mener se fera en coordination avec le programme PACTE. Le BNTEC projette à cet effet d'ouvrir une sorte d'antenne locale à La Réunion, étant entendu qu'elle aura vocation à travailler avec les autres territoires ultramarins, y compris ceux qui sont moins organisés. Cette antenne s'appuiera sur des personnes que nous aurons formées à la normalisation pour préparer des adaptations ou des révisions de DTU, en lien avec les commissions nationales du BNTEC. Nous inverserons la logique classique pour tenir compte du fait que les commissions métropolitaines n'ont pas nécessairement la compétence et la connaissance du contexte ultramarin. Ce seront donc les ultramarins qui piloteront l'adaptation. Les commissions nationales faciliteront l'organisation des travaux et seront garantes de leur légitimité et de leur transparence. Cette supervision générale fera intervenir les partenaires habituels que sont le CSTB et les contrôleurs techniques nationaux. Ce renversement de perspective est nouveau car, historiquement, nous n'avons jamais pu disposer des compétences locales pour travailler sur les outre-mer.

Après avoir interrogé le service juridique de la FFB, ainsi que la fédération régionale de La Réunion, j'ajoute que personne ne se manifeste pour demander une adaptation de la norme d'écriture des marchés de travaux ; j'entends les CCAG/CCTG. Le respect du cadre réglementaire français s'impose. Peut-être pouvons-nous intégrer quelques révisions éditoriales pour préciser des points de souplesse, dès lors que les spécificités des outre-mer sont reconnues par le législateur et le pouvoir réglementaire. Par exemple, lorsqu'un DTU ne s'applique pas in extenso outre-mer, on peut faire preuve d'une certaine souplesse. J'insiste sur un point déjà évoqué : pour réussir l'adaptation des normes, une structuration des acteurs locaux est nécessaire. Les assureurs et les contrôleurs techniques seront des relais intéressants sur le terrain.

J'en viens à la question des matériaux et produits de construction. Il est exact que les outre-mer enregistrent un flux d'achats en provenance de leur environnement régional de produits qui ne satisfont pas les normes NF. Je rappelle qu'en France les normes de produits sont largement d'origine européenne et harmonisées à l'échelle de l'Union européenne. Le marquage CE a pour but précisément de rendre possible la libre circulation des produits au sein du marché intérieur européen. Il repose sur l'obligation faite au fabricant de remettre une déclaration de performances de son produit sur la base de caractéristiques réglementées. Il est d'ordre réglementaire et non contractuel, si bien qu'il est automatiquement pris en compte dans les normes de mise en oeuvre d'un produit. Lorsque nous définissons techniquement ces normes de mise en oeuvre et les critères généraux de choix d'un produit, le marquage CE est en quelque sorte présupposé et n'a pas besoin d'être directement pris en considération, car nous ne pouvons pas faire autrement que de partir du principe que les produits respectent la réglementation.

Définir des critères de choix nous demande d'identifier les besoins d'information technique sur tel ou tel produit à utiliser selon des techniques éprouvées de mise en oeuvre. L'innovation n'entre pas dans le champ des DTU, qui se restreignent aux techniques courantes. Une technique éprouvée au niveau local peut être intégrée dans un DTU. L'intérêt des DTU est aussi d'offrir une référence commune au plan national qui s'applique à tous les départements français. C'est pourquoi nous ne voulons surtout pas les émietter, au nom des spécificités de Paris, du Var ou de la Côte-d'Or. Cela n'aurait plus de sens. Les DTU ne traitent que de la technique. Pour tenir compte du risque sismique ou des vents en outre-mer, on analysera les sollicitations mécaniques et d'autres effets que nous savons traiter, le cas échéant en prévoyant des études complémentaires. Nous savons traiter techniquement ces problèmes et nous savons inscrire les solutions techniques dans une norme. C'est ainsi que peuvent être pris en compte les besoins des outre-mer.

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