Intervention de Marie-Claude Bassette-Renault

Délégation sénatoriale à l'Outre-mer — Réunion du 9 février 2017 : 1ère réunion
Normes en matière de construction d'équipement et d'urbanisme dans les outre-mer — Table ronde

Marie-Claude Bassette-Renault, responsable production de la SMABTP :

En préambule, j'aimerais rappeler le principe de l'assurance-construction qui veut que le constructeur soit, aux termes de l'article 1792 du code civil, présumé responsable de tous les dommages à l'ouvrage qui affectent sa solidité ou qui le rendent impropre à sa destination. Le régime actuel de l'assurance construction est prévu par la loi Spinetta du 4 janvier 1978 qui s'applique aux DROM. Cette loi vaut également pour la Polynésie française mais ce territoire ne connaît pas l'obligation d'assurance. La Nouvelle-Calédonie reste pour l'heure sous l'empire de l'ancien code civil et ne prévoit qu'une responsabilité limitée à la solidité.

L'article A 243-1 du code des assurances impose le respect de clauses-types portant sur les assurances de responsabilité et de dommages dans tous les contrats portant sur des travaux de bâtiments. Ces dispositions spécifiques portent sur les garanties, leur nature et leur étendue. Elles encadrent strictement les clauses d'exclusion. Dans ce cadre, pour évaluer son risque et définir ses garanties, l'assureur se fonde sur la nature des travaux. Pour les travaux mobilisant des techniques courantes, les garanties de base s'appliquent. Pour le domaine non courant, l'assureur apprécie au cas par cas et accompagne ses assurés. Il n'est pas question de s'opposer à l'emploi de techniques non courantes de façon systématique. Il faut simplement réaliser des investigations plus poussées que dans le domaine courant.

L'application de normes étrangères, en particulier pour les matériaux, trouve sa limite du point de vue de l'assureur dans les problèmes que pose la mixité des normes, puisqu'il y aura nécessairement au sein d'un ouvrage une coexistence des normes étrangères (américaines, canadiennes, australiennes, etc.) sur certains éléments et des normes françaises ou européennes sur d'autres. Or, une telle configuration me paraît difficilement envisageable. En effet, on constate que les acteurs du secteur de la construction ont déjà des difficultés à assimiler et s'approprier notre corpus normatif. Assimiler de surcroît des systèmes étrangers de manière à mettre en oeuvre les produits de façon appropriée et cohérente paraît une tâche redoutable. Il faut garder à l'esprit que les produits étrangers ne répondent pas forcément aux mêmes conditions d'emploi que les matériaux NF/CE. Comment dans ces conditions garantir la durabilité décennale et la sécurité des personnes ? Il faut s'assurer impérativement que les matériaux et produits étrangers puissent apporter les mêmes garanties de durabilité et de sécurité que les matériaux certifiés NF/CE.

Nous pensons que le développement des filières locales est une bonne piste et que l'avis technique est le bon instrument pour initier une dynamique. Nous sommes favorables à une extension systématique des avis techniques à l'outre-mer. C'est la démarche indispensable pour éviter l'application par défaut de DTU inadaptés qui aboutirait à des sinistres. Par ailleurs, l'actualisation des règles Antilles paraît nécessaire. Il existe aujourd'hui des souplesses et des adaptations locales dans l'application des DTU outre-mer, mais sans que cela soit formalisé dans des règles écrites. Par exemple, en matière de revêtement extérieur des logements, le DTU ne s'applique en principe qu'à la rénovation mais on en étend outre-mer l'application aux constructions neuves.

Prévaut déjà une volonté d'adaptation des règles de l'art ; il faut l'encourager et transcrire les solutions pertinentes dans un corpus normatif en s'appuyant sur des structures locales, comme des commissions techniques locales, qui ont la connaissance du terrain. Il conviendra d'asseoir leur légitimité en veillant à leur indépendance. Nous préconisons d'assurer une mutualisation des travaux entre les territoires ultramarins pour prévenir le risque d'éparpillement avec les coûts afférents et le risque d'émiettement des règles qui pourrait aboutir à des divergences injustifiées. Par exemple, même adaptées, les règles relatives aux effets du vent pourraient être valables sur tous les territoires et en matière parasismique la Guadeloupe et la Martinique peuvent travailler ensemble. Une instance nationale de coordination des travaux locaux serait également bienvenue. Par ailleurs, le programme PACTE en faveur de l'adaptation des règles de l'art pourrait être étendu à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française.

Quant aux pathologies, nos constats rejoignent ceux des bureaux de contrôle. L'étanchéité est un point sensible. L'exposition aux risques naturels est telle que les plus petits écarts par rapport aux normes aboutissent à des sinistres. Le risque sismique est une donnée incontournable même en l'absence de séismes avérés et toute infraction aux règles parasismiques dans les Antilles constitue par elle-même une cause de démolition-reconstruction. La qualité défectueuse des matériaux avec des problèmes d'alcaliréaction et de zéolithes sur les bétons est un autre problème, notamment en Nouvelle-Calédonie. Cela aboutit dans certains cas à la démolition-reconstruction. Sont en cause la fourniture des agrégats, la qualité des ciments et les conditions de mise en oeuvre (température, vibration des bétons, rajout d'eau intempestif). La formation initiale et surtout continue des acteurs de la construction mérite d'être renforcée, ne serait-ce que pour tenir compte des évolutions incessantes de la réglementation ou des nouveaux objectifs environnementaux.

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