Intervention de Laurence Monnoyer-Smith

Mission d'information Démocratie représentative, participative et paritaire — Réunion du 8 mars 2017 à 9h35
Audition conjointe de Mme Laurence Monnoyer-smith commissaire générale au développement durable cgdd M. Philippe Rogier sous-directeur de l'intégration des démarches de développement durable dans les politiques publiques au cgdd et M. Michel Hersemul sous-directeur de l'aménagement du réseau routier national au sein de la direction générale des infrastructures des transports et de la mer dgitm du ministère de l'environnement de l'énergie et de la mer

Laurence Monnoyer-Smith, commissaire générale au développement durable (CGDD) :

Monsieur le président, je vous remercie de votre invitation.

Je m'exprimerai à titre liminaire en ma qualité de commissaire générale au développement durable, mais informée par mon expérience au sein de la Commission nationale du débat public (CNDP).

J'évoquerai tout d'abord l'impact sur les grandes infrastructures de transport de l'ordonnance du 3 août 2016 portant réforme des procédures destinées à assurer l'information et la participation du public à l'élaboration de certaines décisions susceptibles d'avoir une incidence sur l'environnement.

En l'espèce, cette ordonnance « participation » implique peu de changements pour les grandes infrastructures. Je rappelle qu'aujourd'hui, les enjeux concernent moins la réalisation de nouveaux équipements, qui était autrefois une priorité, que la modernisation de l'équipement existant.

S'agissant des infrastructures soumises à débat public, le décret prévu pour l'application de cette ordonnance - qui est actuellement en discussion devant le Conseil d'État - ne comporte que des modifications mineures. J'en citerai deux : entrent désormais dans le périmètre de saisine de la CNDP l'élargissement des autoroutes -et non plus seulement leur création - ainsi que des équipements se situant dans le périmètre de ces infrastructures.

Par ailleurs, l'ordonnance du 3 août 2016 introduit une procédure de conciliation entre les différentes parties prenantes à la création d'une infrastructure. Cette procédure sera menée par la CNDP, mais ne pourra être activée que si l'ensemble des parties prenantes le demandent conjointement.

L'ordonnance précitée comporte également quelques mesures de simplification. Par exemple, un projet prévu dans le cadre d'un plan ou d'un programme ayant déjà donné lieu à un débat public ne sera pas systématiquement soumis à cette dernière procédure : il pourra faire l'objet d'une simple concertation préalable, sous l'égide de la CNDP. Dans ce cas précis, en effet, l'opportunité du projet peut ne pas être débattue de la même façon, puisqu'elle aura déjà été discutée dans le cadre du plan ou du programme.

De plus, la CNDP pourra être saisie par 10 000 citoyens dans le cadre d'un droit d'initiative citoyen.

Enfin, après une procédure de débat public organisée par la CNDP, un garant sera désigné par cette dernière de manière encore plus systématique, afin de poursuivre la concertation tout au long de la procédure, et ce jusqu'à l'enquête publique.

Le dispositif de concertation préalable que nous avons mis en place n'ajoute pas d'exigence complémentaire pour les projets entrant déjà dans le champ de la CNDP. Les projets qui font l'objet d'une étude d'impact environnementale seront soumis à cette concertation préalable. Leur nombre a toutefois vocation à diminuer du fait de la récente modification du périmètre de l'évaluation environnementale. De surcroît, les projets concernés par cette obligation de concertation préalable devront être financés par des fonds publics, à hauteur de 10 millions d'euros, selon le projet de décret en cours d'examen devant le Conseil d'État.

En conclusion, concernant la phase de concertation préalable sur les grandes infrastructures, l'impact de l'ordonnance « participation » du 3 août 2016 est extrêmement limité, d'autant que la commande du Président de la République, exprimée lors de la conférence environnementale de novembre 2014, visait principalement les petits projets comme celui de Sivens qui, du fait des montants engagés, pouvaient échapper à toute procédure de concertation.

La deuxième partie de cette ordonnance vise, en aval de la concertation, la poursuite de la modernisation des enquêtes publiques. Elle s'inscrit dans le prolongement de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement qui avait déjà pour objet d'opérer un certain nombre de simplifications et de répondre à certaines critiques émises à l'encontre des enquêtes publiques. Je citerai notamment parmi les apports de cette loi la création de l'enquête publique unique, la possibilité de suspendre l'enquête ou d'effectuer une enquête complémentaire, sans nécessité de nommer un nouveau commissaire enquêteur. Je mentionnerai également la possibilité de dessaisir le commissaire enquêteur ou de réviser régulièrement les listes départementales des commissaires enquêteurs.

Il a ainsi été question, avec l'ordonnance « participation » du 3 août 2016, de parachever le processus de modernisation des enquêtes publiques, en se focalisant essentiellement sur la dématérialisation. Cette dernière est en effet propice à une plus large participation de nos concitoyens, dont certains peuvent éprouver des difficultés pour se déplacer, rencontrer les différents intervenants ou avoir accès aux dossiers des enquêtes publiques. À l'heure du numérique, ces mesures nous semblent donc indispensables.

En outre, l'enquête publique peut être réduite à quinze jours pour les projets qui ne sont pas soumis à une évaluation environnementale.

La possibilité d'organiser une enquête publique unique est renforcée et peut porter, dans un souci d'éviter une multiplication d'enquêtes pour un même projet.

De nombreux groupes de travail ont participé à la rédaction de cette ordonnance du 3 août 2016, en examinant notamment l'opportunité ou non de maintenir systématiquement les enquêtes publiques. Ils ont d'abord considéré que la durée de l'enquête publique avait une incidence relativement limitée sur la durée des procédures, qui peuvent être extrêmement longues. Ils ont ensuite estimé que la présence du commissaire enquêteur, jouant ce rôle de tiers garant extérieur au projet, était un gage de transparence et constituait un élément important pour la légitimité et la qualité du travail de concertation

La réflexion a été très nourrie à ce sujet. Votre mission d'information a entendu différents acteurs concernés, dont votre collègue sénateur Alain Richard. Pour notre part, nous avons produit plusieurs rapports successifs avant l'élaboration de cette ordonnance. Un travail de concertation extrêmement important a été mené, par l'intermédiaire du Conseil national de la transition écologique, auprès de l'ensemble des parties prenantes, promoteurs, associations, etc.

Nous en avons conclu qu'il était temps de stabiliser le droit applicable, après la réforme de l'évaluation environnementale et de la participation du public, ou encore la création de l'autorisation environnementale unique. Nous devons maintenant aider et accompagner les services déconcentrés de l'État pour appliquer ces ordonnances et mettre en place les outils nécessaires. À ce propos, nous avons beaucoup travaillé à la réalisation de formations spécifiques. Les services déconcentrés de l'État ont dû, quant à eux, se réorganiser de façon importante.

C'est pourquoi il nous paraît sage d'appliquer les textes existants, de favoriser les bonnes pratiques et de partager les expériences. Les maîtres d'ouvrage eux-mêmes réclament une certaine stabilité législative et réglementaire en vue d'une bonne assimilation de ces réformes, de gains de temps et d'une meilleure gestion des coûts induits. Il est important que les nouvelles mesures de simplification se traduisent dans les faits, avant toute nouvelle évaluation ou retour d'expérience. Il nous sera ensuite possible de modifier les textes.

Les groupes de travail que j'ai mentionné ont donné lieu à d'âpres discussions et ont permis d'aboutir à un certain nombre de compromis fondés sur des bases relativement solides. Nous ne souhaitons pas les modifier de manière substantielle ; nous préférons accompagner l'ensemble des services et collectivités territoriales en leur qualité de maîtres d'ouvrage, ainsi que les acteurs privés qui devront se soumettre aux nouvelles règles.

Comme cela a été souligné dans le rapport de la commission présidée par Alain Richard, il est important de développer une culture de la participation du public, un savoir-faire, qui ne figurent pas forcément dans les textes. Au demeurant, nous avons collectivement travaillé à l'établissement d'une charte de la participation publiée en octobre 2016. Celle-ci repose, certes, sur le volontariat, mais elle a vocation à accompagner les maîtres d'ouvrage, dont la majorité d'entre eux mettent en oeuvre de bonnes pratiques. Même si nous nous focalisons beaucoup sur les échecs, de nombreux projets d'infrastructure aboutissent et témoignent de la bonne volonté des acteurs concernés. Cette charte a vocation à constituer une communauté de bonnes pratiques, de comportements positifs, de favoriser l'écoute et les échanges en vue de trouver des solutions concrètes. J'ai mobilisé l'ensemble de mes services pour qu'ils s'inscrivent dans une démarche d'accompagnement, à mes yeux plus opportune qu'une évolution de la réglementation.

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