Cinquième action : moderniser le cadre fiscal et économique de la transmission. Nous entrons ici dans une zone de turbulences.
Cela passe notamment par un réaménagement du pacte Dutreil, défini à l'article 787 B du code général des impôts, qui a prouvé son efficacité, mais pourrait être amélioré pour être plus accessible.
Nous vous soumettons donc deux propositions.
La première vise à simplifier le dispositif en ne retenant qu'une obligation individuelle de conservation des parts, équivalente à la durée cumulée de l'engagement collectif et de l'engagement individuel. En effet, outre une complexité souvent rappelée, le mécanisme actuel fait repartir à zéro l'engagement collectif à chaque entrée d'un nouveau signataire, ce qui est très dissuasif compte tenu des rapprochements d'entreprises.
La deuxième proposition vise à instaurer un nouveau taux d'exonération de 90 % sous condition d'un engagement de huit ans. L'actuel système à 75 %, conforté au gré des alternances politiques, serait conservé pour ceux qui souhaitent limiter dans le temps leur engagement. Ce système à deux niveaux aurait comme avantage d'être plus sécurisant pour le maintien des entreprises et des emplois sur leurs territoires tout en gardant une certaine souplesse. Il permet également de ne pas s'exposer au risque d'inconstitutionnalité que nous avions pu évoquer en novembre dernier, et qui a été rappelé par le rapporteur général du budget lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative en décembre.
Nous souhaiterions également harmoniser les droits d'enregistrement, qui sont à l'heure actuelle différenciés en fonction du statut de l'entreprise : ils sont fixés à 3 % sur les cessions à titre onéreux de parts sociales de SARL ou d'EURL contre 0,1 % pour les cessions à titre onéreux d'actions - SA ou SAS - de sociétés non cotées.
L'objectif serait d'avoir un taux unique simplifié, quel que soit le statut de l'entreprise. Cette simplification est d'autant plus de bon sens que l'existence de taux différenciés incite souvent les acteurs économiques à contourner les dispositifs et à changer de statut dans une seule optique d'optimisation fiscale : cette contorsion administrative est finalement contreproductive.
La question de la définition de la holding animatrice a également été évoquée à plusieurs reprises lors des auditions. Les ambiguïtés autour de sa définition ont notamment été regrettées par certains responsables des chambres de commerce et d'industrie, experts-comptables, notaires, avocats et dirigeants, qui estiment que les entrepreneurs doivent pouvoir bénéficier de plus de sécurité juridique.
Nous partageons ce souhait de sécurisation qui concerne de très nombreuses entreprises françaises. Selon la Banque de France, 33 % des PME employant entre 10 et 100 salariés et 62 % des PME employant entre 100 et 250 salariés sont détenues via une holding, pour des raisons de simplification de gestion.
Alors que la jurisprudence s'étoffe un peu plus chaque année, nous souhaitons clarifier la définition de la holding animatrice.
Lors de nos auditions, nous avons constaté tout l'intérêt du rescrit-valeur, qui permet aux entreprises à la fois de mieux anticiper leurs opérations de transmission tout en les sécurisant. Toutefois, il reste largement sous-utilisé, notamment par la crainte qu'ont certains entrepreneurs de voir cette valorisation se retourner contre eux ultérieurement. Afin de sécuriser les chefs d'entreprise, nous recommandons d'en faciliter et d'en promouvoir l'utilisation, tout d'abord via une anonymisation ou une externalisation partielle des demandes de valorisation, mais aussi en demandant un changement des méthodes d'évaluation qui actuellement ne correspondent pas aux méthodes des banques. On pourrait dire en schématisant que l'administration fiscale ne juge que sur le passé, tandis que les banques ne jugent que sur l'avenir.
Un point récurrent chez les chefs d'entreprise que nous avons rencontrés touche à la question des relations difficiles avec l'administration fiscale. Pour les améliorer, nous vous proposons de créer un système d'évaluation des services locaux des finances locales par les entreprises, qui donnerait des indications sur la qualité des relations entre services fiscaux et entreprises et sur le degré de satisfaction de ces dernières.
Nous pensons que le ministère des finances serait lui-même intéressé par un tel dispositif, qui donnerait une réalité tangible aux actions également facilitatrices de son administration. Un des représentants de Bercy nous disait en audition : « Nous ne sommes pas une meute assoiffée de sang ! ». De fait, le ministère vient de créer un poste chargé de « proposer et de mettre en oeuvre une politique globale de relations de la direction générale des finances publiques avec tous ses publics : particuliers, professionnels, collectivités locales, partenaires. » Il coordonnera notamment pour la direction la politique nationale du référentiel Marianne, qui concerne les engagements de l'administration en matière d'accueil, et la démarche de qualité. Nous pourrions appeler à élargir son périmètre d'action au développement - sous le contrôle du Parlement - d'indicateurs pertinents capables d'évaluer par le biais de questionnaires anonymisés l'état des relations entre le monde des entreprises et les services de Bercy. Cela permettrait à la fois d'inciter à une amélioration des relations tout en changeant cette image, heureusement largement exagérée, de « meute ».
Nous proposons également de prévoir des délais de mise aux normes pour les repreneurs, qui seraient variables en fonction de la hauteur de l'investissement. C'est vrai notamment pour les petites entreprises, par exemple dans la restauration, qui n'ont jamais connu de problème de mises aux normes avant la reprise. Quel que soit le type de repreneur, mais plus particulièrement s'il s'agit de salariés d'entreprises en difficulté, il est anormal que le coût de mise aux normes pénalise le redémarrage de l'activité après la cession de l'entreprise.
Enfin, nous proposons la suppression de l'ISF, tout du moins sa modification. Certes, l'ISF ne concerne pas le moment de la transmission, mais il a pourtant été régulièrement cité comme un frein à une transmission bien anticipée et réussie, notamment pour les grosses PME et les ETI, qui sont souvent les oubliées des mesures prises jusqu'à maintenant. En effet, la perspective de son paiement à l'issue de la transmission ralentit largement les procédures de cession, notamment lors des transmissions familiales, où les jeunes générations ne sont pas prêtes à s'endetter pour payer à la fois les droits de mutation et l'ISF pour un appareil productif sur lequel ils doivent en plus investir.
La suppression pure et simple de l'ISF serait une décision optimale car elle aurait le mérite de la simplicité, ce qui est une des premières demandes de l'ensemble des acteurs économiques dénonçant la complexité de la fiscalité à la française. Toutefois, notre rapport portant sur la transmission d'entreprise uniquement, nous avons fait le choix de ne pas dépasser ce cadre et vous proposons donc d'exonérer l'ensemble des biens productifs de l'ISF. Nous protégeons bien les oeuvres d'art de l'ISF pour qu'elles restent en France. Pourquoi ne protégeons-nous pas de même nos entreprises de risques de fermeture et nos emplois d'une fuite certaine vers l'étranger ? L'investissement productif doit être sorti de l'ISF.
Afin de le protéger, nous préconisons également un élargissement du compte entrepreneur, ou à tout le moins une extension de l'article 150-0 B ter, qui offre déjà un cadre intéressant. Nous regrettons la portée limitée du compte PME innovation, instauré avec la loi de finances rectificative pour 2016, qui ne répond pas aux attentes des chefs d'entreprise que nous avons rencontrés.