Intervention de Laurence Cohen

Mission d'information situation psychiatrie mineurs en France — Réunion du 24 février 2017 à 14h30
Audition des docteurs charly carayon psychiatre — Chef de pôle : psychiatrie enfant et adolescent au centre hospitalier alès - cévennes thierry fouque psychiatre - chef du service enfant et adolescent au chu de nîmes et emmanuel lafay psychiatre - chef de pôle du 30i03 au mas careiron à uzès

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen :

Il y a des contradictions majeures. À l'origine, la psychiatrie était en secteur. Aujourd'hui, sous prétexte de travail en réseau, on ne préserve pas les secteurs, ce qui met à mal ce travail en réseau.

Le travail non quantifiable que vous évoquez - il est indispensable - est complètement contradictoire avec la logique qui est celle de la médecine depuis quelques années ! Je pense par exemple à la tarification à l'activité. Et les choses s'aggravent : depuis quelques années, la psychiatrie - et, au sein de la psychiatrie, la pédopsychiatre -, c'est la cinquième roue du carrosse.

Cette situation ne concerne pas seulement les zones rurales. Elle existe aussi dans les zones urbanisées. La logique actuelle, qui, vous l'aurez compris, n'est pas la mienne, est contradictoire avec la psychiatrie de secteur.

En outre, certains politiques voient un remède miracle dans la mise en oeuvre des pratiques avancées. Attention ! Psychiatres et psychologues n'ont pas le même rôle. On ne peut pas remplacer indifféremment les uns par les autres.

J'ai une autre inquiétude. Avec l'accueil de mineurs dans des services de psychiatrie pour adultes, la seule réponse des professionnels est souvent la chambre d'isolement. N'y a-t-il pas un risque de recours excessif à la médicalisation ?

Dr Charly Carayon. - Nous faisons en sorte que les adolescents concernés sortent très vite de ces secteurs. Mais nous sommes confrontés à de nouveaux problèmes, comme celui des fratries. En tout cas, pour ma part, je ne médicamente pas.

Dr Thierry Fouque. - Je pense que le risque existe. Quand on n'a pas beaucoup de temps, on peut être tenté de médicamenter. Certains font un usage un peu facile de la Ritaline face à des problèmes de comportement.

Dr Charly Carayon. - Sur Alès, nous insistons plus sur le contenant psychique. Nous voulons rassurer l'enfant, trouver une solution rapidement. C'est vrai que cela prend du temps.

Dr Emmanuel Lafay. - Sur l'ensemble du Gard, nous avons treize places d'hospitalisation. Ce n'est pas suffisant pour répondre réellement aux urgences. Si un adolescent arrive aux urgences d'Alès ce week-end, il n'aura pas de place et ira en psychiatrie pour adultes ! Il y a une vraie pénurie. Nous devons trouver d'autres solutions, adaptées aux besoins de ces enfants.

Les enfants ne sont plus pensés. Tout va trop vite. La clé, c'est question du temps. L'urgence est dans la tête des adultes. L'enfant, lui, n'est pas dans l'urgence ; il a besoin de temps pour se construire et se développer.

Dr Thierry Fouque. - Le nombre d'enfants qui passent aux urgences augmente, en raison de la lenteur des autres réponses et de la réduction du nombre de pédopsychiatriques. On peut avoir quatre, cinq ou six passages aux urgences par semaine, contre un seulement les mauvaises semaines voilà quinze ans.

À mon avis, les psychologues ne peuvent pas remplacer les médecins, ne serait-ce que pour des raisons d'autorité dans l'institution.

La loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé remet un peu en place la notion de secteur, qui est pertinente. Il ne faut pas calquer certains systèmes sur notre travail : il est arrivé que la directrice me reproche des chiffres d'activité insuffisants...

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